En passant par Viviez, Jean-Louis Étienne raconte sa prochaine aventure

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  • Jean-Louis Étienne (à droite), en compagnie du photographe iranien Reza et de Maurice Subervie lors du festival Photaubrac en 2016.Photo Joël Born
    Jean-Louis Étienne (à droite), en compagnie du photographe iranien Reza et de Maurice Subervie lors du festival Photaubrac en 2016.Photo Joël Born Repro CP
  • Jean-Louis Étienne mène  son expédition "la plus aboutie"
    Jean-Louis Étienne mène son expédition "la plus aboutie" Repro CP
Publié le
Philippe Henry

L’explorateur se lance, à 72 ans, dans une aventure hors norme. A bord d’un bateau, qui ressemble plutôt à une bouée géante, de 125 mètres de haut, et avec une équipe de scientifiques, Jean-Louis Étienne doit naviguer autour de l’Antarctique à la découverte de cette région du monde encore largement méconnue.

“J’ai trouvé, aujourd’hui, une forme d’équilibre. L’autre jour, je longeais la Seine, le vent soufflait : j’étais parti dans le Tarn. J’ai redécouvert les choses qui étaient essentielles pour moi. Je retrouve des choses que j’ai vues, que j’ai senties.

Le vaisseau qui naviguera autour des eaux de l’Antarctique n’est pas sorti d’un roman de Jules Verne mais de l’esprit de l’explorateur Jean-Louis Étienne. Le projet Polar Pod doit permettre à la communauté scientifique de mieux connaître l’océan Austral, qui n’est pas cloisonné par les continents. Difficile de définir Polar Pod : haut de 125 mètres, cette bouée laboratoire capable de dériver durant des mois à la même latitude que le cap Horn, d’est en ouest, en se jouant, pour le confort de ses sept passagers (quatre ingénieurs scientifiques et trois marins), des fortes houles et des tempêtes, des Cinquantième hurlants. Polar Pod sera autonome en énergie. Vingt pays, 43 institutions prennent part à ce projet hors norme. Sa construction devrait être achevée à l’aune de 2020.

Ce courant circumpolaire antarctique, qui joue un rôle essentiel sur le climat, est encore très mal connu : la plupart des expéditions scientifiques étudient la zone durant l’été austral, sur de courtes périodes, essentiellement pour des raisons de coûts. Les vents de force 5 et les houles de 4 à 5 mètres qui y sévissent même par temps calme soumettent les bateaux à une agitation permanente, ce qui complique le travail des chercheurs. L’avantage de Polar Pod serait donc de pouvoir rester sur place en permanence (pour une durée de deux ans), avec plusieurs objectifs à la clé : connaître sa capacité à absorber le CO2, réaliser un inventaire de la faune sous-marine, valider in situ des relevés satellites et étudier l’impact anthropique des matières microplastiques qui polluent les océans.

Trente ans d’exploration

À 72 ans, Jean-Louis Étienne entreprend avec Polar Pod son expédition "la plus aboutie sur le plan technique". "J’ai mis dans ce projet la somme de toutes mes connaissances acquises."

Le 14 mai 1986, après 63 jours de, l’explorateur devenait le premier homme à atteindre le Pôle Nord. Depuis, Jean-Louis Étienne n’a eu de cesse de sillonner la Terre, dans ses contrées les plus sauvages : expéditions en Antarctique, en Patagonie, en Himalaya, sur l’île de Clipperton, première traversée de l’océan Arctique en ballon rozière, etc.

Des aventures qu’il évoque dans son dernier ouvrage, Osez l’autonomie ! Dans ce manifeste, il se confie également à travers ses expériences (après une formation de tourneur-fraiseur il est devenu médecin), il partage une forme de sagesse et invite chacun à " reprendre sa vie en main ".

"Très tôt, dans ma jeunesse, j’ai appris à me débrouiller, confie Jean-Louis Étienne. Construire des cabanes c’était mon truc. J’ai toujours cherché à faire les choses par moi-même."

Une autonomie synonyme de "liberté". "J’ai su que je pouvais m’en sortir avec mes dix doigts, poursuit-il. Par exemple, lorsque j’étais plus jeune j’ai construit ma guitare moi-même. Ce matin même, j’ai réparé le robinet de ma salle de bains. Cela peut paraître anecdotique mais ça confère liberté et sécurité. Quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve." Une liberté de s’affranchir des contraintes, de découvrir de nouveaux horizons.

Pour le Dr Étienne, toutes ces expéditions n’auraient pas été possibles sans "la persévérance". "On ne se construit que sur des choses accomplies", assène-t-il.

Persévérer est d’ailleurs le titre d’un précédent livre dans lequel il relate nombre de ces aventures et raconte son parcours semé d’embûches qu’il a toujours su surmonter.

"Moi aussi, j’ai eu des moments où je me suis découragé, glisse-t-il. Mais il m’a suffi d’une rencontre, de la lecture d’un livre, d’aller voir un film, pour me redonner l’espoir et poursuivre à nouveau vers l’objectif fixé."

"La lubie ne fait pas long feu. La bonne idée, celle qu’on a envie de suivre jusqu’au bout relève de la réaction chimique. Il se passe quelque chose en vous", raconte Jean-Louis Étienne.

Aujourd’hui, l’explorateur partage sa vie entre Paris, et le Tarn, d’où il est natif. La capitale pour assurer des conférences, rencontres de potentiels donateurs, etc. Et le Tarn, son Ithaque. De ses mains, il a construit une cabane qui se fond dans le paysage et où il trouve refuge. Récemment, il était également en Aveyron pour remettre un prix de bonne maîtrise des risques et de responsabilité sociétale à la Snam, entreprise de Viviez. "J’ai trouvé, aujourd’hui, une forme d’équilibre. L’autre jour, je longeais la Seine, le vent soufflait : j’étais parti dans le Tarn. J’ai redécouvert les choses qui étaient essentielles pour moi. Je retrouve des choses que j’ai vues, que j’ai senties."

En cinq dates

  • 1977-1978. Jean-Louis Étienne est médecin sur le Pen Duick 6, d’Éric Tabarly pour la course autour du monde.
  • 14 mai 1986. Il est le premier homme à atteindre le Pôle Nord en solitaire, tirant lui-même son traîneau pendant 63 jours. Fort de cette expérience, il se lancera dans l’organisation de ses expéditions.
  • 1989-1990. Entre juillet et mars, il est coleader avec l’Américain Will Steger de l’expédition internationale Transantarctica et réussit en traîneaux à chiens la plus longue traversée de l’Antarctique jamais réalisée : 7 mois, 6 300 km.
  • 2002. Au printemps, il réalise la Mission Banquise, une dérive de trois mois sur la banquise du Pôle Nord, à bord du Polar Observer pour un programme de mesures et d’informations sur le réchauffement climatique.
  • 2004 à 2005. Il dirige une expédition sur l’île Clipperton avec des chercheurs du Muséum, IRD, CNRS, pour réaliser un inventaire de la biodiversité et un état de l’environnement de cet atoll français du Pacifique.

Un tour du monde à la voile avec Tabarly

Si Osez l’autonomie ! est un condensé des expériences de Jean-Louis Étienne, c’est également une somme d’enseignements sur notre monde actuel et ses travers.

D’ailleurs, ne nomme-t-il pas la génération actuelle celle des "culs-de-plombs" ? "Mais c’est vrai ! Nous nous sommes alourdis physiquement. Nous sommes toujours assis devant un ordinateur. Et nous avons perdu le sens de l’effort."

Par ailleurs, l’écrivain estime que "nous avons perdu en autonomie par crainte de perdre ce que nous avons acquis". "Nous avons un accès gratuit à l’éducation, à la santé. Nous possédons ces deux piliers du développement personnel. Mais on ne peut pas s’épanouir dans la crainte de les perdre. Lorsque j’étais interne en chirurgie, je n’ai pas hésité à tout quitter pour m’embarquer avec Tabarly pour un tour du monde à la voile."

Acquérir son autonomie passe également par l’apprentissage de la langue

"Parler couramment anglais, c’est une première étape. Si l’on veut participer à des conférences internationales ou tout simplement aller à la rencontre des autres, c’est indispensable. Je dis souvent aux lycéens qui ne savent pas trop quoi faire de s’orienter vers le programme Erasmus. C’est formidable ! Ils apprendront la langue, seront confrontés à d’autres cultures, etc."

Et Jean-Louis Étienne de résumer ainsi sa pensée : "Il faut oser. Être l’explorateur engagé de son temps pour être acteur de sa vie."

"Osez l’autonomie !", de Jean-Louis Étienne, éd. Rustica, 80 pages, 10 €.
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