Christian Binet, père des Bidochon, le Feydeau de la bande dessinée

  • Christian Binet vient de publier "Les Bidochon relancent leur couple" (Dargaud).
    Christian Binet vient de publier "Les Bidochon relancent leur couple" (Dargaud). JOEL SAGET / AFP
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Relaxnews

(AFP) - "C'est pas la peine de vieillir si c'est pour devenir vieux!".

Cette réplique qui pourrait avoir sa place dans une pièce de Feydeau est dans le nouvel album des Bidochon de Christian Binet.

"Des phrases comme celle-ci me viennent du théâtre, notamment du théâtre de Feydeau", reconnaît le dessinateur âgé de 72 ans qui vient de publier "Les Bidochon relancent leur couple" (Dargaud), le 22e album d'une série vieille de 40 ans.

Si les histoires de ce couple de Français moyens ont tant de succès (7 millions d'albums vendus, plusieurs adaptations au théâtre et une au cinéma avec Anémone dans le rôle de Raymonde Bidochon) c'est autant à cause du trait si expressif de Binet que de ses dialogues toujours ciselés et hilarants.

"Mes maîtres ce sont Molière, Feydeau, Labiche, Capra, Lubitsch... Tous ces gens qui savaient non seulement écrire mais savaient écrire pour la comédie avec des effets qui tombent toujours à point", explique le dessinateur à l'AFP.

"Si ça fait rire toujours autant c'est parce qu'il y a une certaine perfection dans leurs dialogues", ajoute Christian Binet qui avoue passer quasiment plus de temps à peaufiner ses textes qu'à dessiner. "L'humour c'est une mécanique de haute précision, c'est de l'horlogerie".

Le sourire gourmand, le dessinateur aux cheveux blancs, avoue se délecter de ces phrases "justes mais mal combinées" qu'on retrouve dans la bouche des personnages de Feydeau ou Labiche.

Christian Binet qui ne cesse d'engranger des informations pour alimenter ses albums ("les sujets des Bidochon sont des sujets de société qui reflètent nos changements de comportement", dit-il doctement), se gausse aussi du langage des communicants et publicitaires.

Dans ce 22e opus qui aborde la sexualité des Bidochon (un thème déjà effleuré dans "Matin, midi et soir suivi de matin, midi et soir") Robert Bidochon se laisse convaincre d'acheter "un soin clarifiant au lait de concombre". "Après ça, lui assure la vendeuse, votre visage pourra vous dire merci!". "J'ai lu cette formule dans une pub, j'ai trouvé ça rigolo, du coup je l'ai utilisée", dit Binet avec malice.

Le dessinateur avoue une certaine tendresse pour les Bidochon. "Je ne dessine pas ces personnages depuis 40 ans en les détestant", souligne-t-il en faisant remarquer qu'il suffit d'être plongé "dans un milieu qui vous est totalement étranger pour passer pour une andouille".

- "Poudre à fessée" -

Pourquoi avoir plongé les Bidochon dans l'univers des sex-toys? "Un jour, raconte le dessinateur, une amie de mon épouse nous a raconté son expérience dans une soirée de vente de sex-toys entre copines. C'est le même genre de réunions que celles organisées jadis autour d'une célèbre marque de matériel de cuisine en plastique. Ce fut le déclic".

Quasiment chaque case provoque un éclat de rire. "Ça sert à quoi?" demande Robert à Raymonde quand elle lui offre un "cockring". "C'est pour mettre à la base de ton pénis", lui répond-elle. "Bon! et alors? ça ne me dit pas à quoi ça sert", rétorque-t-il.

Le dessinateur semble incollable sur les mille et une variétés de sex-toys. En furetant sur internet, jubile-t-il, "j'ai appris l'existence de la +poudre à fessée+. Rien que ce nom m'a fait rire. Je me suis dit que c'était tout à fait pour les Bidochon".

L'album parle de sexe (l'éditeur déconseille sa lecture aux moins de 16 ans) mais "ce n'est pas un album vulgaire", insiste Christian Binet issu d'un milieu catholique traditionaliste et qui raconte avoir mis longtemps à s'affranchir d'une morale culpabilisante.

"J'avais un père strict moralisateur catholique et une mère qui, privée d'affection quand elle était jeune, n'a pas su en donner", dit Christian Binet soudain redevenu sérieux, voire grave.

L'auteur qui a commencé sa carrière de dessinateur dans la presse d'obédience chrétienne avoue n'avoir "aucune nostalgie de l'enfance". "En semaine, j'allais en pension, le week-end avec les scouts et les grandes vacances en colo avec les bonnes soeurs...". "J'étais dans une telle solitude... Le dessin a été ma seule échappatoire".

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