Rodez. Bault : "Je me nourris d’à peu près tout ce qui m’entoure, Rien n’est figé"

Abonnés
  • À Rodez, le street artist a réalisé une fresque géante à l’ombre du séquoia du jardin public, face au musée Soulages.	José A.Torrès
    À Rodez, le street artist a réalisé une fresque géante à l’ombre du séquoia du jardin public, face au musée Soulages. José A.Torrès José A. Torres
Publié le
Aurélien Delbouis

Issu du hip-hop dont il est la tendance graphique, Bault marie les cultures urbaines et redynamise l’art contemporain. Rencontre avec le Ruthénois voyageur, fer de lance du "Siècle soulages".

Créatif, touche-à-tout, hétéroclite… Difficile de résister à Bault. Né à Rodez, l’artiste a refait un détour par la préfecture aveyronnaise pour lancer le centenaire dédié à Pierre Soulages, le peintre ruthénois mondialement connu.

Figure incontournable de son art reconnaissable au premier coup d’œil, Bault "aka Thibault Glèze" s’est ouvert en grand les portes des galeristes avec ses figures chimériques, mêlant l’humain, l’animal et la machine. Avec ses bombes et un sens aigu de l’esthétisme, il a notamment été sélectionné en 2014 dans la programmation "street art" de la FIAC. Une jolie reconnaissance.

"Street art insider"

Issu du hip-hop dont il est la tendance graphique, il marie les cultures urbaines contemporaines et redynamise l’art contemporain.

"Bault, est un artiste muraliste parmi les plus originaux de la scène parisienne, ses nombreuses réalisations et collaborations font de lui une figure incontournable de la place, un Street Art Insider, un Ruthénois qui nous a aujourd’hui échappé", sourit le galeriste ruthénois Jean-Jacques Valencak, à l’initiative de la venue de l’artiste pour les 100 ans du chantre de l’outrenoir.

"Le dessin me manquait"

S’il fourmille aujourd’hui de projets, et empile les expositions comme les collaborations, Bault a longtemps tâtonné avant de se consacrer exclusivement au dessin, au graff et à la peinture. Diplômé de l’École supérieure d’art d’Avignon, ce fan inconditionnel de Combas ou Di Rosa a laissé un temps ses amours de jeunesse pour bifurquer vers l’audiovisuel. "Je suis rentré aux Arts Décoratifs de Strasbourg. Le panel de disciplines était énorme. J’ai pu toucher à tout, expérimenter, chercher. Grâce à un super prof, je me suis vite passionné pour l’art vidéo. J’ai quitté le dessin un peu à contrecœur pour produire des vidéos plus expérimentales, contemplatives. Je m’en suis lassé, le dessin me manquait." De retour à Paris, et toujours attiré par le graff et le hip-hop, le Ruthénois troque les bancs de montage contre des bombes de peinture. Un retour aux sources providentiel pour celui qui, quelques années auparavant, faisait ses armes avec le collectif TK à Sète puis à Avignon avec les membres des TSH et des FDP. "Mes premiers tags, je les ai faits à 13 ou 14 ans. J’en ai vu pour la première fois à Toulouse, où opéraient Fafi, Miss Van, Tilt, la True School… J’ai été scotché par la gratuité, l’illégalité, la liberté… J’ai ensuite rencontré des graffeurs à Sète, et j’ai tagué avec eux" se souvient le trentenaire. Sur les murs de la capitale, la patte Bault s’affirme.

Bouillon de culture

"À Paris, j’ai exercé mille métiers tous aussi chiants les uns que les autres mais j’ai retrouvé la rue, son énergie, ses squats aussi où j’ai longtemps travaillé.

Et j´ai vraiment aimé ces aventures collectives fortes, les rencontres improbables qui s´y produisent. Même si, il faut le reconnaître, c’est assez usant."

Avec ses "corps-paysages oniriques", ses chimères mi-homme, mi-animal, il développe le vocabulaire propre d’une symbolique urbaine, évoquant ce que Jean-Jacques Valencak appelle "la polyphonie des sociétés en mutation avec ses dessins frénétiques aux entrelacs savants. Le style est unique." De ces dix années parisiennes dont "une bonne moitié de galères", naîtra ce style inimitable, mélange détonant inspiré du monde de la BD – "je suis un fan absolu des Requins Marteaux, ou de Nicolas de Crécy" – et du Yokaï, où se croisent les créatures surnaturelles du folklore japonais. Très vite repéré par un galeriste, Bault a aujourd’hui trouvé sa place. Dans son atelier parisien, prêté par un mécène, il s’affirme chaque jour un peu plus. En atelier. "J’adore les murs, mais j’apprécie aussi le travail en atelier. Produire, produire. Je me suis révélé boulimique de travail. Et honnêtement, le mur est vraiment très éprouvant physiquement". Sans langue de bois, ouvert à la sensibilité de chacun, Bault est un rêveur qui s’ignore. Qui va là, où ses envies le portent. "Je pense que le style de chacun, quand il n’est pas opportuniste ou déformé par les tendances, est le fruit de toute une vie, on y transpose sa haine, son amour, ses doutes, ses traumas. C’est ta représentation du monde, de ton monde. Le mien est assez perturbé, pollué, instable mais il n’est pas invasif, il n’y a pas vocation à annexer le pays voisin." Et quand on évoque avec lui la composante politique et sociale de son œuvre ou plus tard, le manifeste du surréalisme d’André Breton, qui dit que les artistes devraient chercher à accéder à leur inconscient afin de créer l’art qui s’en inspire, il répond avec la même simplicité. "Je me nourris d’à peu près tout ce qui m’entoure. Mes idées naissent souvent de faits d’actualité, de nouveautés scientifiques, de petites choses de la vie quotidienne… C’est un mix de plein de cultures, africaines, avec les masques, indiennes, haïtiennes. Rien n’est jamais figé. Je reviens de quelques jours en Thaïlande, l’architecture là-bas m’a beaucoup inspiré." Paradoxal et prolixe par la diversité de ses pratiques et de ses territoires d’expérimentations, Bault s’exprime dans une grande variété de supports et médias avec une idée en tête : "éviter le plus possible le dessin laborieux et continuer à progresser. Je ne peux pas dire que mes dessins sont engagés mais je refuse de penser qu´ils sont aphones."

Fluctuart, sous la bannière Bault

S’il voyage beaucoup, Bault ne s’éloigne jamais bien longtemps de la capitale. En juin, il sera de ceux qui exposeront dans le premier centre d’art urbain flottant du monde : Fluctuart. Situé sur les berges de Seine rive gauche, au pied du pont des Invalides, l’équipement est divisé en trois espaces : le pont principal qui accueillera l’exposition permanente ainsi qu’un bar, la cale où se situera une galerie tremplin qui favorisera les jeunes artistes, et le rooftop dédié à des événements, des soirées et autres brunchs. « Je réalise aussi un drapeau qui flottera sur la barge, genre bateau pirate, avec un motif que j’ai déjà réalisé, un poisson avec des arêtes ». Porté par Géraud Boursin, Nicolas Laugero Lasserre et Eric Philippon, conçu par Seine Design, et en partenariat avec Artistik Rezo, Fluctuart réunira sur près de 1 000 m2, les plus grands artistes issus du street art. À la fois musée urbain, centre culturel 2.0, plateforme et résidence pour jeunes talents, Fluctuart proposera un programme riche et varié. Inauguration courant juin : vous êtes prévenus.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
L'immobilier à Rodez

450000 €

En exclusivité chez IMMO DE FRANCE, venez vite découvrir cet opportunité d'[...]

Toutes les annonces immobilières de Rodez
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?