Rodez : à l’ouest de Notre-Dame

Le clocher de Notre-Dame de Rodez est terminé, mais la cathédrale attend son achèvement ; les murs de la nef sont montés et une grande rose de grès scintille au couchant du soleil sur la grande façade ouest, avec les armoiries de François d’Estaing, portées par deux hommes sauvages. Semblable au clocher, la sculpture de cette magnifique rose est de style flamboyant avec ses délicates moulures (mouchettes) qui ondoient en un brasier de pierre, au-dessus de la nudité du puissant rempart.

Le sommet du massif occidental de Notre-Dame de Rodez attend alors son couronnement, son apothéose.

En 1529, Georges d’Armagnac, proche de Marie d’Angoulême, sœur de François 1er, succède à François d’Estaing. Ce sera aussi un grand prélat à l’évêché de Rodez et bientôt ambassadeur du roi de France à Rome, Venise et futur cardinal ; nourri de culture humaniste, helléniste, latiniste et théologien, Georges d’Armagnac est assisté d’un secrétaire exceptionnel, Guillaume Philandrier, grand connaisseur de la Renaissance italienne (il a suivi les cours du grand architecte italien Sebastiano Serlio), et auteur d’un ouvrage de commentaires du traité De Architectura de Vitruve, somme de l’architecture antique et référence incontournable pour tout artiste au XVIe siècle. Ce sont ces hommes qui en compagnie de l’architecte Jean Salvanh, fils d’Antoine le bâtisseur du clocher, désirent achever la cathédrale de façon éclatante. Ils osent une toute nouvelle architecture en France, un monument en soi : au sommet de la façade ouest, une façade d’église "idéale" évoquant un temple un tempietto, est réalisée. Modèle du genre, le premier, cette façade est une expression précoce de la grande architecture romaine, dont l’église du Gésu à Rome sera l’aboutissement.

Mieux que les Pyramides

Mais ce n’est pas terminé ; les deux inscriptions gravées sur les côtés sud et ouest de la tour, révèlent un autre ambitieux projet : faire de la cathédrale consacrée à la Vierge une merveille plus inouïe encore que les Pyramides. "FACESSANT AEGYPTIORUM INSANAE PIRAMIDUM MOLES VALEANT ORBIS MIRACULA" et vers l’ouest "NOS AUGUSTI SANCTAE QUAE CONSACRAT LOCI SPECIEM MIREMUR" qui peut se traduire par :

"Que s’effacent les masses absurdes des pyramides des Égyptiens. Salut aux vraies merveilles du monde", "nous autres admirons la beauté du lieu auguste consacré par la sainte (Vierge)".

Les contemporains ont peut-être perçu cette inscription davantage comme une manifestation d’orgueil, plutôt qu’une ode à la beauté d’une grande architecture naissante. à la fin du XVIe siècle, l’évêque François de Corneilhan envisagea d’élever des tours de style italien imaginées par Guillaume Philandrier et Jean Salvanh, peut-être dans "une réalisation comparable aux clochers prévus pour Saint-Pierre de Rome, par Bramante et Sangallo", selon l’historienne Frédérique Merle. Mais les travaux restent interrompus au-dessus de la base des colonnes du premier niveau ; les débuts des guerres de religion interrompent la cathédrale dans son ultime élan.

à suivre…