La loutre a trouvé sur les bords du Lot un cadre presque idéal

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  • La loutre a recolonisé pratiquement tout le département  de l’Aveyron et notamment la vallée du Lot.
    La loutre a recolonisé pratiquement tout le département  de l’Aveyron et notamment la vallée du Lot. J.B.
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    La loutre a recolonisé pratiquement tout le département  de l’Aveyron et notamment la vallée du Lot. J.B.
  • Gilles Privat, inspecteur de l’environnement à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, il a supervisé une étude d’impact sur la population de loutres d’Europe dans la zone de navigabilité de la rivière Lot, comprise entre Bouillac et Port-d’Agrès.
    Gilles Privat, inspecteur de l’environnement à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, il a supervisé une étude d’impact sur la population de loutres d’Europe dans la zone de navigabilité de la rivière Lot, comprise entre Bouillac et Port-d’Agrès. J.B.
  • Gilles Privat, inspecteur de l’environnement à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, il a supervisé une étude d’impact sur la population de loutres d’Europe dans la zone de navigabilité de la rivière Lot, comprise entre Bouillac et Port-d’Agrès.
    Gilles Privat, inspecteur de l’environnement à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, il a supervisé une étude d’impact sur la population de loutres d’Europe dans la zone de navigabilité de la rivière Lot, comprise entre Bouillac et Port-d’Agrès. J.B.
Publié le
Joël Born

Une étude d’impact sur la zone de navigabilité de la rivière Lot, sur une portion d’environ 50 kilomètres, a permis de démontrer que la loutre d’Europe est massivement présente. À cela une explication principale. Elle se gave d’écrevisses américaines.

Certains disent de lui qu’il est le spécialiste aveyronnais de la loutre. Il faut dire que ces bestioles, Gilles Privat a appris à les connaître et les connaît bien. Plus que bien même. Inspecteur de l’environnement à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, il a supervisé une étude d’impact sur la population de loutres d’Europe dans la zone de navigabilité de la rivière Lot, comprise entre Bouillac et Port-d’Agrès. Cette étude scientifique, menée en plusieurs phases de 2010 à 2017, en collaboration avec l’université Paul-Sabatier de Toulouse, a été réalisée sur environ 50 kilomètres de rivière : un tronçon d’environ 15 km, dans la zone de navigabilité, qui comprend plusieurs écluses, avec une petite partie du Riou-Mort ; un deuxième tronçon de 15 km, située en amont, avec une partie du Dourdou, jusqu’à Conques ; et un troisième tronçon de 15 km, en aval, avec une partie de la Diège, jusqu’à Balaguier-d’Olt.

Prélèvements d’épreintes et pièges photographiques

Trois phases de prélèvements d’excréments de loutres, les épreintes (du vieux français épreindre, qui signifie déféquer par petits tas) ont été menées en 2011, 2013 et 2017.
Une fois analysées, ces épreintes permettent de déterminer la présence de l’animal, l’importance de la population, l’étendue de son territoire, ce qu’il mange, son état de santé et son identité, à travers des analyses ADN. Facilement identifiables, elles servent souvent à marquer le territoire à proximité des catiches (un terme moyenâgeux désignant le terrier de la loutre), notamment pour les mâles.
Plusieurs pièges photographiques (l’appareil dispose d’un détecteur de mouvement infrarouge) ont également été installés en plusieurs endroits, afin d’étoffer l’étude. « La loutre est un animal qui a une vie plutôt nocturne, en début et en fin de nuit », précise le « policier » de l’environnement. Difficile, en effet, de l’apercevoir en plein jour.
Les différents documents recueillis (photos et vidéos) ont permis d’observer quelques très beaux spécimens et d’identifier plusieurs zones de reproductions. Une jeune loutre borgne (reconnaissable à son œil perdu) a même été repérée, à plusieurs reprises et en plusieurs endroits.

Une très forte densité de loutres au kilomètre
Surprenants les résultats de cette étude d’impact l’ont été à plus d’un titre, révélant une très forte densité de loutres sur le périmètre concerné, avec la présence d’une bonne soixantaine de spécimens. Sur les bords du Lot, c’est une réalité, la loutre a trouvé un cadre presque idéal, où elle se nourrit notamment d’écrevisses américaines en grande quantité. « Et il n’y a quasiment pas de différence entre la zone de travaux et le reste », souligne Gilles Privat. Ce qui tend à démontrer, contrairement à ce que l’on aurait pu craindre, que l’aménagement de la rivière et de plusieurs écluses n’a pas véritablement perturbé l’évolution des loutres. Tout le contraire même. Selon l’étude, la population de loutres a légèrement augmenté entre 2013 et 2017 et la densité y est particulièrement conséquente, avec une proportion de 0,755 à 2,14 individus au kilomètre, selon la méthode d’analyse. Une présence massive comparée avec d’autres pays européens, où la loutre a pu être observée et étudiée, avec les mêmes méthodes d’estimation comme l’Espagne (de 0,06 à 0,12), l’Italie (de 0,18 à 0,20) ou le Royaume-Uni (0,012 à 0,33). Ce qui fait dire à Gilles Privat, avec un grand sourire : « Nous sommes champions d’Europe et peut-être, même, au-delà… »

Une espèce parapluie

La loutre d’Europe (il existe 13 espèces différentes de loutres) est considérée comme une espèce dite parapluie, dont la présence, est un facteur traduisant généralement la bonne santé d’un territoire. Une espèce parapluie ou espèce paravent est, en écologie une espèce dont l’étendue du territoire ou de la niche écologique permet la protection d’un grand nombre d’autres espèces si elle est protégée. On dit aussi de la loutre qu’elle est un animal sentinelle, qui témoigne de la qualité de l’environnement. Un animal qui peut également vivre sous diverses latitudes. « La seule chose que la loutre ne sait pas faire, c’est voler », dit un proverbe écossais traduisant sa grande faculté d’adaptation.
Longtemps chassée pour sa fourrure, très dense, et parce qu’elle concurrençait les pêcheurs, la loutre avait pratiquement disparu au XIXe et au XXe siècles, la pollution ainsi que certains produits chimiques comme le DDT ayant accentué sa perte. De 50 000 individus, il y a un siècle, on n’en comptait plus que 1 500 dans les années 1980. Et pour cause. En 1920, la chasse est ouverte avec la création de la « loutrerie française ». Une sorte de loterie, qui récompense chaque peau de loutre du montant d’un fusil ou d’un tonneau de vin de 120 litres !
Espèce protégée depuis les années 70, qui a bénéficié d’un plan nation national d’action de 2011 à 2013, la loutre a aujourd’hui « complètement recolonisé tout l’Aveyron. » Et c’est plutôt bon signe. Lorsque nous l’avons accompagné sur le terrain, Gilles Privat nous a conduits près d’un imposant et magnifique arbre racines, où des loutres ont été photographiées à plusieurs reprises. Un milieu naturel, d’une grande diversité, où se côtoient fréquemment loutres, blaireaux, renards et autres chevreuils.
Durant cette étude au long cours, outre les loutres, les divers pièges photographiques disposés sur les rives du lot ont permis d’observer une bonne trentaine d’autres espèces d’oiseaux et de mammifères, dont une multitude de ragondins, ces gros rongeurs venus d’Amérique du Sud que certains jugent aujourd’hui nuisibles.

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Comme le nombre d’espèces de mammifères protégées en Aveyron : le loup, la genette, l’écureuil, la loutre d’Europe, le castor d’Europe, réintroduit dans les années 80 sur le Tarn et la Dourbie, et le chat sauvage, qui devrait faire l’objet d’une prochaine étude.

Jusqu'à 1,30 mètre !

Avec son corps allongé, son important pelage, sa puissante queue et ses longues vibrisses, qui l’aident dans la localisation des proies, la loutre d’Europe possède quatre pattes palmées, dotées de cinq doigts, qui en font une excellente nageuse. La loutre peut mesurer jusqu’à 1,30 mètre, avec la queue, et pèse, en moyenne, de 7 kilos, pour les femelles, à plus de 10 kilos, pour les mâles.
La loutre peut se reproduire à tout moment de l’année. En période de rut, le mâle rencontre la femelle sur son territoire, il s’ensuit des parades aquatiques agitées. C’est le seul moment où les loutres vivent en couple durant quelques jours. La gestation dure environ 60 jours. La femelle donne naissance en moyenne à 2 loutrons qui pèsent 100 g et mesurent 20 cm. Ils naissent aveugles et ne commencent à aller vers l’eau pour apprendre à nager qu’à la fin du troisième mois. Les loutrons deviennent autonomes vers l’âge de 8 mois. Une loutre adulte vit de 5 à 10 ans en milieu naturel.

Un prédateur opportuniste
La loutre se nourrit principalement de poissons de taille relativement faible (10 à 15 cm). Elle ne sélectionne pas ses proies, mais se nourrit souvent des espèces les plus abondantes qui n’ont que peu ou pas d’intérêt économique. Occasionnellement, la loutre peut aussi s’attaquer aux insectes, aux mollusques, aux écrevisses, aux batraciens, aux reptiles, aux oiseaux d’eau et à certains mammifères comme le rat musqué.
La loutre est donc un super prédateur opportuniste. Dans les milieux eutrophes, son régime alimentaire semble reposer principalement sur le poisson, alors qu’en milieux oligotrophes peu productifs, la loutre consomme significativement plus de proies terrestres. La majorité de nos cours d’eau étant eutrophes, la loutre de nos régions a donc un régime alimentaire constitué essentiellement de poissons.
En moyenne, une loutre mange, chaque jour, entre 0,8 et 1,5 kg de poissons et autres proies.

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