Millau. L’attribution du marché fait débat au syndicat des Rives du Tarn

  • Les abonnés du syndicat intercommunal paient cher l’eau en comparaison de leurs voisins.
    Les abonnés du syndicat intercommunal paient cher l’eau en comparaison de leurs voisins.
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JDM

Des élus font planer des soupçons de favoritisme sur l’attribution du marché de l’eau au sein du comité syndical.

Depuis neuf mois, le choix du délégataire pour l’exploitation des installations d’eau potable a pris des proportions insoupçonnées du côté du syndicat (Siaep) des Rives du Tarn.

L’an dernier, conformément à la loi, Véolia a été mis en concurrence après douze ans d’exploitation sur les 26 communes du Rougier concernées. Trois entreprises avaient répondu à l’appel d’offres pour la prochaine délégation de service public (DSP) : Aqualter, Saur et le sortant Véolia. Les conclusions d’un rapport rédigé par un cabinet d’études désignaient l’entreprise Saur. Si celle-ci ne présentait pas le tarif le plus avantageux pour l’usager type (120 m3/an), Saur semblait, selon l’étude, prendre l’avantage sur les objectifs de rendement (74,8 %) et d’investissement sur le réseau, notamment. Le technicien du syndicat, cité dans un courrier daté du 23 octobre, ayant également indiqué que Saur était l’entreprise proposant "le plus d’investissement pour améliorer les performances du réseau". L’affaire semblait entendue.

Volte-face du président

C’est ensuite que les choses basculent. Malgré ces conclusions, le président du Siaep à l’époque, Denis Bel, informe son vice-président d’alors, Bernard Castanier, "qu’il se donne quelques jours de réflexion, retrace ce dernier, argumentant que la décision a été prise trop rapidement et qu’il n’y a pas d’écart entre les propositions de Véolia et de Saur, et que de ce fait, il souhaite conserver Véolia." Bernard Castanier, maire de Lestrade qui se présente comme "un défenseur du service public de l’eau et de l’intérêt général", juge alors que la décision de son président "ne respecte pas les conclusions intelligibles d’un cabinet indépendant, payé sur les deniers publics (plus de 16 000 €)".

Élus "visités" par Véolia

Si un vote du bureau du Siaep, le 9 novembre, approuve le rapport préconisant de retenir la Saur, le document est finalement rejeté le 9 décembre au cours d’un comité syndical réunissant les 50 membres du Siaep. "Les élus n’ont pas validé cette conclusion du marché qui désignait la Saur, explique Denis Pommié, élu à Brasc et délégué représentant sa commune au Siaep. Ils ont voulu conserver Véolia sans véritable argumentation mais au simple prétexte que Véolia faisait le job et possédait la connaissance des réseaux de distribution d’eau potable." De ce fait, le marché a été suspendu avant d’être annulé par le comité syndical.

Pour une poignée d’élus, délégués au syndicat, le président Bel, qui a depuis démissionné de ses fonctions, "a tout mis en œuvre, avec l’aide du délégataire sortant qui ne voulait pas céder sa place, pour faire rejeter le rapport par la majorité du comité syndical". Ces élus pointent du doigt un délit de favoritisme, en parlant de "pression des employés de Véolia qui avaient préalablement rencontré" les dix membres du bureau. "Les délégués ont été visités à plusieurs reprises par les agents de Véolia pour les alerter sur les conséquences négatives (perte de salaire, notamment) qu’aurait l’adoption du rapport, insistent les opposants, qui vont jusqu’à évoquer des pressions politiques et économiques sur l’attribution du délégataire. L’acharnement que mettent les employés de Véolia à conserver leur entreprise comme délégataire, faisant fi de toute déontologie, est inadmissible : c’est de l’intérêt public qu’il s’agit et non d’intérêts privés. Il n’appartient pas aux employés de Véolia d’intervenir dans une procédure juridiquement encadrée."

Depuis le 26 mai, Jean-Jacques Sellam, aussi maire de Saint-Izaire, a repris la présidence du syndicat. Pour lui, il est faux de dire que les élus voulaient conserver Véolia, "car les motifs des votes étaient secrets pour la majorité des 50 votants concernés". "D’une manière certaine, poursuit-il, la motivation des élus a aussi tenu compte, à des degrés divers, du rôle de l’équipe dirigeante, de ses dissensions et des documents hors procédure ajoutés par M. Castanier." Documents effectivement joints à l’invitation envoyée aux délégués du syndicat avant le vote du 3 décembre, dans lesquels était rappelé pourquoi la Saur avait été préférée. "Nous l’avions faite pour aider les élus à prendre leur décision, se défend Denis Pommié, voyant que l’impact du “démarchage” des élus par Véolia allait modifier le vote, ce qui s’est confirmé. Il n’était pas question de piper quoi que ce soit."

Très chère eau

Jean-Jacques Sellam, lui, parle de "bricolage", même s’il reconnaît, par ailleurs, qu’il y a "des raisons de penser que des élus avaient de bonnes relations avec Véolia et voulaient ainsi conserver ce prestataire". Point. Le président indique également que le critère de rendement fourni par M. Castanier était " surestimé", au détriment de celui du prix de l’eau pour l’usager qui plaçait Véolia en tête. "Pour moi, estime Sellam, il faut garder le rendement du réseau (66 % en 2017, selon le rapport annuel du syndicat) comme il est, si possible l’améliorer. Mais il faut surtout faire baisser le prix de l’eau." Avec un tarif de 2,65 €/m3 en 2018, les 6 000 abonnés du réseau paient cher la ressource. C’est plus que le syndicat voisin du Ségala. C’est aussi au-dessus de la moyenne des prix sur le bassin de l’Agence Adour/Garonne.

Contactée, l’entreprise Véolia n’a pas donné suite à notre sollicitation.

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