Le trésor de Notre-Dame de Rodez

Parmi les éléments constituant le trésor de la cathédrale et qui furent sauvés à la Révolution, on trouve le fameux "Saint Soulier" de la Vierge, autrefois exposée sur un autel attitré dans la chapelle dite du Saint-Soulier, "sous la tribune du fond de l’église", précise l’archiviste Louis Bion de Marlavagne.

Ce dernier donne la description de la vénérable relique au XIXe siècle : " Le soulier est en cuir noir doublé de cuir blanc. Le cuir principal paraît avoir été verni. Au-dessus du soulier, il y a une broderie de soie rouge, verte et blanche. La semelle ne porte aucune trace d’usure. Le soulier était renfermé dans une boîte très simple, de chêne, sans ornement, et, chose remarquable, sans serrure. Les sacristains racontent, qu’au jour de la présentation, des personnes indiscrètes profitant d’un moment favorable, ouvraient la boîte, et coupaient un petit morceau de la sainte chaussure. "

Une statuette d’argent appelée Notre-Dame-de-Rodez et "fort ancienne", ainsi qu’une lampe d’argent offerte à Marie en 1628, en reconnaissance d’avoir protégé Rodez durant l’épidémie de peste, sont quelques-unes des pièces remarquables et aussi émouvantes du trésor de la cathédrale.

Funestes larcins

L’inventaire de 1737 évoque plus précisément la pièce majeure disparue en 1793, une statue de la Vierge, décorée d’or, d’argent et de pierres précieuses, se rapprochant de la majesté de sainte Foy de Conques : "[…] L’image de Notre-Dame, toute de feuille d’or, le tour des manches rempli de pierreries, le fonds et le bord de même, ayant à la couverture des pieds un rang de pierreries… À la tête de l’image a été trouvée une couronne toute d’or à grands fleurons, parsemés de pierreries précieuses de valeur comme grenats, saphirs, avec grand nombre de perles. […]"

La garde du trésor était confiée à trois prêtres et "malgré leur vigilance, il y eut quelquefois des soustractions". En 1441, la veille du dimanche de Quasimodo, des voleurs dérobèrent les deux bustes renfermant les reliques des onze mille vierges, et une petite croix d’argent doré. Ils furent arrêtés à Avignon. Par acte du 27 juin de la même année, l’évêque et les chanoines nommèrent des procureurs pour aller recouvrer les objets volés.

On peut imaginer peut-être la lueur frémissante d’un amas de cierges encroûtés de cire qui attise l’or des reliquaires disposés sous les voûtes de Notre-Dame de Rodez.

De l’autre côté, tout un peuple est là, uni près des grilles de la chapelle ; fébrile, haletant, dans l’épais nuage d’encens, de cire fondue et d’âcre fumée des mèches. Les yeux brillent plus que tout le trésor de la cathédrale et de ses pierreries. Le plus précieux est ailleurs et tous attendent le grand moment de l’ostension, la présentation des reliques. Le Ciel ouvre les yeux.

Puis tout le monde est mis à distance avec autorité ; le cortège de l’évêque approche avec leurs chants qui traversent l’épaisseur des murailles. On voit alors surgir une haie de bannières, d’oriflammes piquetant le ciel et émergeant d’une onde de soieries ou broderies au fil d’or, taffetas de Tours, chasuble, surplis, aumusses et autre chape noire…

La cathédrale devient alors ce pour quoi elle existe, un immense reliquaire, un écrin de pierres vives pour retenir le Ciel sur la terre. Un doigt posé sur les lèvres du grand mystère…