Episiotomie: une pratique de plus en plus marginalisée

  • Cette opération consiste en une incision du périnée, zone située entre le vagin et l'anus, pour permettre une sortie plus rapide du nouveau-né.
    Cette opération consiste en une incision du périnée, zone située entre le vagin et l'anus, pour permettre une sortie plus rapide du nouveau-né. tatyana_tomsickova / IStock.com
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Relaxnews

(AFP) - "Avant, c'était celui qui n'en avait pas fait qui devait s'expliquer. Maintenant, c'est l'inverse": Thierry Harvey, chef de service à la maternité de l'hôpital des Diaconesses, à Paris, veut que chaque épisiotomie soit à la fois justifiée et consentie par la femme qui accouche.

Cette opération consiste en une incision du périnée, zone située entre le vagin et l'anus, pour permettre une sortie plus rapide du nouveau-né.

Ces dernières années, elle est devenue le symbole des "violences obstétricales": cette expression forgée par des féministes mais contestée par certains praticiens désigne des actes médicaux durant l'accouchement qui ne sont pas nécessaires ni consentis par la future mère.

Le débat sur ces pratiques a provoqué une prise de conscience chez les femmes et mis en lumière l'importance du consentement pendant l'épisiotomie, qu'ont exprimé plusieurs professionnels de santé à l'AFP.

"On en parle beaucoup", assure Victoria Astezan, présidente de l'Association nationale des étudiants sages-femmes (Anesf). "On s'interroge sur l'information des patientes et sur le consentement".

"Il y a des femmes qui disent avant l'accouchement: +Si vous voulez faire une épisiotomie, il n'y a pas de souci. Mais je veux être au courant+, et c'est normal", constate-elle.

Avec les mères en plein accouchement, "le dialogue n'est pas forcément facile mais on est tous d'accord pour dire qu'il est nécessaire", renchérit Claire Cardaillac, vice-présidente de l'Association des gynécologues-obstétriciens en formation (Agof) et interne au CHU de Nantes.

"Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment", stipule la loi Kouchner du 4 mars 2002.

"Au cours d'un accouchement normal, la pratique d'une épisiotomie n'est pas recommandée pour réduire le risque de lésions obstétricales du sphincter anal", complète le Conseil national des gynécologues-obstétriciens de France (CNGOF).

Pourtant, selon un rapport du Haut conseil à l'égalité femmes-hommes (HCE) paru en juin 2018, "une femme sur deux sur laquelle une épisiotomie a été réalisée déplore un manque ou l'absence totale d'explication sur le motif". Un excès que le HCE a classé parmi les "actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical".

- "Tout faire pour l'éviter" -
Les témoignages de maltraitances subies lors de consultations gynécologiques essaiment sur les réseaux sociaux et blogs depuis 2013. Un récent documentaire d'Ovidie, "Tu enfanteras dans la douleur", a donné la parole à des femmes victimes de violences à leur accouchement, parmi lesquelles Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes.

A tel point que la volonté de réduire la pratique de l'épisiotomie s'est fait une place dans les salles de cours. "On dit aux étudiants: +Tu dois tout faire pour éviter l'épisiotomie+", assure Philippe Deruelle, gynécologue-obstétricien au CHU de Strasbourg et secrétaire général du CNGOF.

"J'aimerais moins de 10% d'épisiotomies en France", ce qui correspond aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), affirme-t-il.

En 2016 en France, 20% des accouchements s'accompagnaient encore d'une épisiotomie, même si cette proportion s'était considérablement réduite par rapport aux années précédentes (55% en 1998, 27% en 2010), selon le dernier rapport en date de l'Inserm.

Cette enquête dévoilait des disparités dans les maternités françaises. Depuis, certaines ont nettement réduit la pratique: l'hôpital des Diaconesses affichait 19% d'épisiotomies en 2016, un pourcentage tombé à 3% en 2018.

Elles ont suivi en cela le chemin tracé par la maternité du CHU de Besançon, pionnière dans la réduction des épisiotomies, avec un taux ramené à moins de 1% par an.

Les pratiques évoluent, estime Thierry Harvey. Le chef de service a voulu limiter le recours trop systématique à cette incision dans sa maternité et changer les habitudes de ses collègues. "Il a fallu lutter contre cette phrase stupide: +Si tu avais fait une épisiotomie...+", explique le Dr Harvey, entré à la maternité des Diaconesses dans les années 1980.

"Je ne me souviens pas de ma dernière épisiotomie", assure le gynécologue-obstétricien. En trois ans d'études, Victoria Astezan n'en a vu "qu'une seule".

A présent, l'épisiotomie ne se décide qu'au dernier moment, "si la tête du bébé est trop grosse, par exemple", explique Philippe Deruelle. Même s'il est désormais "peu fréquent", le recours à cette pratique reste pourtant inévitable dans certains cas.

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