Prison ferme et suivi socio judiciaire pour le jeune incendiaire de Millau
Jugé coupable de cinq débuts d'incendie le 4 août à Millau, il est ressorti libre ce lundi après-midi de la salle d'audience, et le tribunal lui a accordé un aménagement des deux ans d'emprisonnement dont il écope. Avec une obligation de soins pour le guérir de ses multiples addictions.
"Vous vous rendez compte de la chance que vous avez eue ? Personne n'est mort dans les immeubles auxquels vous avez mis le feu" : Hervé Olivier qui préside ce lundi après-midi le tribunal correctionnel essaie de capter la prise de conscience supposée du jeune prévenu qui comparaît. Mais celui-ci, d'une voix mal assurée, se borne à expliquer qu'il ne se souvient pas de tout, se réfère à une soirée riche en consommations de toutes sortes qui justifieraient son comportement. Vodka, cannabis, ecstasy, cocaïne, le tout dans la même soirée. Un cocktail détonnant qui n'a pourtant pas effrayé ce garçon habitué aux stupéfiants et à l'alcool.
Petit matin d'errance
Sur le banc des prévenus, c'est un adolescent qui se trouve là sans trop savoir ce qui lui arrive. Il aura 19 ans le 1er novembre, vit chez son père à Millau, lequel a refait deux fois sa vie. Conflit avec une belle-mère, cellule familiale décousue, difficultés scolaires... Une envie de rien qui le pousse aux addictions. Dans la nuit du samedi 3 au dimanche 4 août, il passe la soirée avec des copains, boit, fume, sniffe... Au domicile de l'un d'eux, puis en discothèque, puis retour chez le copain. Il raccompagne une amie qui ne le laisse pas rentrer chez elle. Déception. Retour à nouveau chez le copain qui, passé 5 heures du matin, ne répond pas. "J'ai alors erré dans la rue", dit-il simplement sans songer à rentrer chez son père. Là, il cherche encore un lieu d'accueil. Son téléphone portable est déchargé, il pousse la porte de halls d'immeubles ("peut-être une dizaine") pour trouver une prise de courant et le recharger.
Un père et ses enfants près de la mort
À compter de cet instant, les souvenirs qu'il convoque se font confus. Il aurait enflammé des papiers "pour se réchauffer" dans cette soirée du mois d'août qui n'en demande pas tant. Puis glisse les papiers enflammés sous une poussette. on est rue du Beffroi, un père et ses trois enfants dorment à l'étage, réveillés par la fumée, ils appellent au secours. Quatre autres départs de feu, tous dans des immeubles du centre-ville, seront enregistrés par les pompiers, plus une tentative (dont l'absence de preuve lui procurera la relaxe au jugement). Partout, des habitants doivent quitter les lieux, certains seront relogés, le père et ses trois enfants, conduits à l'hôpital pour avoir inhalé de la fumée, passeront vingt jours à l'hôtel, leur appartement étant ruiné par les fumées...
La drogue comme prétexte ?
Aux explications réclamées par le président Olivier, le garçon dit avoir été déçu par le comportement de sa copine et se réfère à ce qu'il a consommé ce soir-là. Au point d'agacer le président du tribunal : "Vous avez exposé à la mort des gens, des enfants... Et mis à part la drogue derrière laquelle vous vous réfugiez, on n'en sait pas plus. J'ai l'impression de tourner en rond. L'addiction n'est pas un élément suffisant".
Et le tribunal n'en saura guère plus. Si ce n'est qu'au cours du mois de détention provisoire qu'il vient d' effectuer (depuis le 8 août), il a "beaucoup réfléchi" à ce qu'il a fait. La prison et ses vexations, il n'en veut plus. Et découvre presque que sa famille est autour de lui pour l'aider : son père qui lui souffle des réponses depuis la salle d'audience est finalement convoqué à la barre pour dire au tribunal qu'il a tout fait pour le sortir de là, qu'il continue à vouloir l'aider. "Je l'ai vu dans des états difficiles, tout le monde a essayé de le raisonner...", dit-il sans vouloir pour autant baisser les bras. La drogue, il en consommée sous l'influence de mauvaises fréquentations, poussé par son mal-être, raconte le jeune prévenu.
Peur et émotion
Une seule partie civile a fait appel à un conseil. Me Camille Jammes défend les intérêts du père de famille et de ses enfants, parmi une douzaine de victimes déclarées. Et elle martèle le traumatisme de son client, l'angoisse et la peur, le préjudice matériel mais surtout moral. Et s'agace d'avoir face à elle ce jeune homme timide à la mémoire volatile, dont les réponses "sont soufflées par ses parents".
La vice-procureur Fanny Moles y ajoute l'émotion et la peur qui ont saisi tous les Millavois le 4 août. Et pointe l'inconséquence du comportement du prévenu, spectateur du travail des pompiers devant l'un des immeubles dont il a "allumé" la cage d'escalier... Pyromane avéré ? Le psychiatre qui a réalisé son expertise le réfute. Mais reconnaît des troubles de la personnalité, qui ne l'exonèrent pas de sa responsabilité. Des troubles jugés inquiétants par le ministère public, qui, au terme de près de deux heures de débats, "prend le parti de ne pas le laisser en détention", et requiert à son encontre deux ans d'emprisonnement ferme avec possibilité d'aménager la peine, et un suivi socio judiciaire de cinq ans avec obligation de soins.
"C'est un gamin, pas un pyromane"
"La jeunesse se lit sur son visage, c'est un gamin, pas un pyromane. C'est un jeune en perdition totale, en frustration qui, pas un seul instant, n'a mesuré la gravité de ce qu'il faisait au moment de passer à l'acte", avance pour sa défense, Me Cédric Galandrin qui plaide la sincérité de sa difficulté à s'exprimer. Et surtout qui relève sa prise de conscience désormais et son envie de se soigner. "Ses parents se sont démenés pour lui trouver un hébergement chez sa grand-mère, dans l'Hérault, son projet de soigner son addiction est bien réel et une cure est déjà programmée. Enfin, un employeur chez qui il a travaillé a promis de l'embaucher... Il lui faut un suivi socio judiciaire adapté, cela a du sens".
Le tribunal a suivi les réquisitions : suivi socio judiciaire de cinq ans, remise en liberté assortie de deux ans d'emprisonnement ferme pour lesquels "votre attitude déterminera si la peine peut être aménagée", lance le président au prévenu.
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