Villefranche-de-Rouergue. Le sacrifice des jeunes des Balkans contre le nazisme

  • Le maire dépose une gerbe devant le mémorial en souvenir des 120 soldats croates et bosniens.
    Le maire dépose une gerbe devant le mémorial en souvenir des 120 soldats croates et bosniens.
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GDM

Cérémonie émouvante pour le 76e anniversaire du massacre des martyrs croates et bosniens.

Même le vent retenait son souffle et les feuilles des ginkgos (arbres symboles de résistance et de longévité) tremblaient à peine sous le soleil de plomb qui ajoutait à la lourdeur qui régnait sur le parc mémorial, à l’heure de la cérémonie de ce 17 septembre 2019 en mémoire des soldats martyrs croates et bosniens, fusillés ici il y a 76 ans. Villefranche-de-Rouergue abrite en effet le plus important mémorial sur le sol français à la mémoire de soldats croates et bosniens qui furent enrôlés de force dans les rangs nazis et qui sont tombés sous leurs balles, en 1943, pour avoir voulu se révolter contre l’occupant avec le soutien de la population locale. Les "malgré nous", comme on les appelait, étaient de jeunes Croates et Bosniens qui, pour la plupart, n’avaient pas 20 ans lorsqu’ils ont été exécutés par les nazis sur un terrain du quartier Sainte-Marguerite, nommé depuis Champ des Martyrs croates, et qui s’ouvre d’ailleurs sur un axe rebaptisé avenue des Croates. C’est sur ce terrain qu’est aménagé, depuis 2006, ce mémorial, après qu’un lieu provisoire fut honoré par les Villefranchois dès l’exécution de ces jeunes hommes. Car l’armée allemande qui tenta de minimiser cette révolte pour ne pas donner des idées aux soldats d’autres bataillons exécuta une trentaine de Croates et de Bosniens dans la Bastide, une centaine d’autres sur le champ des martyrs tandis que d’autres encore étaient sommairement jugés et envoyés dans des camps de concentration. "Humblement, localement, les Villefranchois ont toujours été fidèles à la mémoire de ces jeunes soldats", a souligné Serge Roques.

Comme la population villefranchoise qui honore la mémoire de ces soldats à chaque 17 septembre, depuis 13 ans, des liens forts ont été tissés avec la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, avec notamment un jumelage entre Villefranche et la ville croate de Pula, et une cérémonie annuelle en présence des élus de la ville, des représentants des autorités des deux pays, des anciens combattants et des membres du Souvenir français.

"L’Europe, fruit du sacrifice de nos anciens"

C’est au son des hymnes croate, bosnien, français puis européen qu’ont été déposées des gerbes sur le site. Un site divisé en deux parties : au premier plan, la place des Révoltés qui comporte un ensemble de quatre sculptures, répliques exactes des œuvres originales de l’artiste et résistant croate Vanja Radaus, installées à Pula, et d’une plaque commémorative qui rappelle aux passants les événements qui s’y sont tragiquement déroulés ; au second plan, sur l’arrière, la place des Martyrs érigée sur le tombeau des victimes, où s’élève aussi une sculpture de la Mère patrie qui pleure ses enfants. Les participants se sont ensuite recueillis au son du Chant des partisans interprété par une trompette qui sonnait seule dans un silence de mort mais aussi d’espoir. "C’est pour ça aussi que l’hymne à la joie a retenti", a confié Serge Roques, le maire de Villefranche. Ce dernier en profitait aussi pour délivrer un message à connotation politique : "Notre Europe est beaucoup critiquée actuellement mais elle est le fruit du sacrifice de nos anciens. Elle est née là, entre autres, dans le sang, sous la torture, grâce à l’abnégation de ces jeunes hommes". Et d’ajouter à l’intention des représentants de la Croatie et de la Boznie Herzégovine : "Que le sacrifice de vos concitoyens n’ait pas été vain. Nos peuples ont été unis pour le pire… Et pour le meilleur, c’est ce à quoi on travaille".

Contre le populisme et le totalitarisme

De son côté le conseiller auprès de l’ambassade de Bosnie-Herzégovine, Armin Zeco, soulignait "la révolte de ces soldats, fait unique en France, comme une lumière face aux forces du nazisme". Tandis que l’ambassadeur de Croatie, Filip Vucak, rappelait l’inauguration de ce "magnifique mémorial" par le ministre français des Affaires étrangères de l’époque, Philippe Douste-Blazy. Avant de poursuivre : "Nos vétérans sont très attachés à cette cérémonie, c’est pour nous, chaque année, un vrai pèlerinage. Et face à la crise actuelle, au réveil des idées rétrogrades, face au populisme et au totalitarisme, il faut veiller pour que ce passé tragique ne se reproduise pas. C’est une des raisons pour se souvenir de ces soldats qui se sont soulevés contre le racisme".

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