"Atlantique", une fable sur les migrants récompensée à Cannes

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    "Atlantique" de Mati Diop a reçu le Grand prix au Festival de Cannes Courtesy of Ad Vitam
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Relaxnews

(AFP) - Avec "Atlantique", son premier long métrage, la réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop livre une fable à la fois politique et onirique sur le sort des migrants et la jeunesse de Dakar, récompensée par le Grand prix au Festival de Cannes, un succès qu'elle n'avait pas prévu.

"J'en reviens pas", "c'est un peu fou ce que vous avez fait", avait réagi Mati Diop, 37 ans, à Cannes en recevant sa récompense, la plus importante après la Palme d'or. Son film, qui sort mercredi, lui a depuis valu aussi le prix du jeune talent féminin au Festival de Toronto.

Nièce du réalisateur sénégalais Djibril Diop Mambéty (réalisateur de "Touki Bouki", film majeur du cinéma africain) et fille du musicien Wasis Diop, Mati Diop avait déjà réalisé plusieurs courts métrages.

Elle avait été remarquée notamment avec "Mille soleils" (2013), un moyen métrage documentaire qui suivait l'acteur de "Touki Bouki" et dialoguait avec le film mythique de son oncle.

"Peut-être que je représente une nouvelle dynamique", avait-elle dit à Cannes, expliquant avoir "découvert qu'elle était la première réalisatrice noire à figurer dans la sélection". "Si je deviens une sorte de référence pour les réalisatrices noires, j'en serai très fière", avait-elle ajouté.

Dans "Atlantique", première oeuvre sénégalaise en compétition à Cannes depuis "Hyènes" de son oncle il y a 27 ans, cette ancienne étudiante en arts plastiques, qui a grandi en France, prolonge son court métrage "Atlantiques", tourné à Dakar il y a dix ans, qui racontait la traversée en mer d'un jeune migrant depuis les côtes sénégalaises.

"J'ai passé du temps à Dakar à ce moment là, et je me suis pris en pleine face les réalités complexes et sensibles du phénomène qu'on appelait à l'époque l'émigration clandestine", avait-elle raconté à l'AFP à Cannes.

"Une fois ce film monté, terminé, j'ai senti que j'avais encore énormément de dimensions, de choses à explorer. (...) J'ai eu l'envie et l'idée de raconter la disparition d'une certaine jeunesse en mer de cette époque là, à travers le point de vue d'une jeune fille".

- "Amour impossible" -
Cette héroïne dont elle raconte l'histoire, c'est Ada (Mama Sané), dans une banlieue populaire de Dakar, amoureuse de Souleiman (Ibrahima Traoré), ouvrier sur un chantier et sans salaire depuis des mois. Le jour où Souleiman décide de quitter le pays par la mer pour chercher un avenir meilleur en Europe, la vie d'Ada bascule.

Plongée dans une attente angoissante, la jeune fille, qui doit épouser un autre homme dans le cadre d'un mariage arrangé, se retrouve au bout de quelques jours au coeur de phénomènes étranges: un incendie a lieu pendant sa fête de mariage et des fièvres inexpliquées frappent les filles du quartier, tandis que certains affirment avoir vu Souleiman.

Histoire d'exil et de fantômes à l'esthétique soignée, teintée de fantastique et de poésie et portée par une musique sombre, "Atlantique" est "un film sur la hantise, l'envoûtement et sur l'idée que les fantômes prennent naissance en nous", souligne la réalisatrice, admiratrice du cinéma onirique du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul.

À travers cette histoire, elle dit aussi avoir "voulu raconter un amour impossible, à l'ère du capitalisme sauvage, un amour fauché par l'injustice, volé par l'océan".

Le film, dont les acteurs ont été trouvés par casting sauvage, "dans l'environnement social des personnages du film", parle aussi de la jeunesse sénégalaise, qui s'était soulevée en 2011-2012 avec le mouvement "Y'en a marre".

"J'ai eu envie que mon film porte ces deux dynamiques à la fois, que soit évoquée cette jeunesse disparue en mer mais aussi celle qui s'insurge, mais à travers le parcours d'une jeune femme" qui "s'éveille à une nouvelle dimension d'elle-même" et s'émancipe, indique la réalisatrice, qui n'a eu de cesse de revenir à l'Afrique dans ses films.

"J'ai passé toute mon adolescence à Paris. Ecrire le personnage d'Ada, c'était une manière de vivre une adolescence sénégalaise par procuration", explique-t-elle.

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