La souffrance des aides-soignants dans un département vieillissant

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  • Avec des conditions de travail difficiles et des salaires peu gratifiants, la profession d’aide-soignant auprès des personnes âgées n’est pas attractive.
    Avec des conditions de travail difficiles et des salaires peu gratifiants, la profession d’aide-soignant auprès des personnes âgées n’est pas attractive. José A. Torres - José A. Torres
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Joël Born

Alors que la réforme envisage de retarder leur âge de départ à la retraite, les aides-soignants mettent en avant la pénibilité du travail.

L’Aveyron est un département vieillissant. Ce n’est pas un secret, ni une nouveauté. Avec 93 887 habitants sur 278 697 âgés de 60 ans ou plus, un tiers des Aveyronnais (33,69 %) sont des seniors, ou des personnes âgées, selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé. C’est dire qu’ici peut-être un peu plus qu’ailleurs, le débat sur les retraites prend une résonance particulière. Tant du côté des nombreux retraités aveyronnais que des futurs retraités ou de certaines catégories de salariés. C’est le cas notamment de tous ceux qui interviennent quotidiennement aux côtés des personnes âgées. à l’image des aides-soignants, une profession en souffrance. Comme ne cessent de le rappeler le organisations syndicales, mais également les responsables des structures d’accueil, dont le secrétaire national de l’association des directeurs d’établissements au service des personnes âgées (Adepa), Pierre Roux. C’est dire que les préconisations du haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, qui propose de repousser de 5 ans l’âge de départ à la retraite (62 ans au lieu de 57 ans actuellement) de certains personnels de la fonction publique hospitalière, dont les aides-soignants, ne font pas l’unanimité. Décryptage.

Pénibilité du travail et manque d’attractivité

Le département compte 83 structures d’accueil pour personnes âgées, dont 70 Ehpad. Même s’il est difficile d’obtenir des chiffres précis, un peu plus d’un millier d’aides-soignants assurent l’accompagnement des personnes âgées, dépendantes à des degrés divers. Directeur de quatre Ehpad aveyronnais - Jean XXIII à Rodez, Val Fleuri à Clairvaux, Saint-Joseph à Marcillac et Les Cazelles à Bozouls - Pierre Roux est confronté depuis longtemps au mal-être des aides-soignants. « C’est un beau métier, mais un métier difficile. Depuis des années, on tire la sonnette d’alarme sur la pénibilité du travail. On la ressent très fortement dans les Ehpad, où l’on recense le taux le plus élevé d’accidents du travail, déplore le porte-parole de l’Adepa. Nous constatons une véritable pénurie de personnels, tant au niveau d’ailleurs des aides-soignants que des infirmiers. Avec des salaires et des conditions de travail peu intéressants, le secteur de la personne âgée est peu attractif. Et c’est un cercle vicieux. »

« Beaucoup n’arriveront pas à la retraite »

Alors qu’il est question de repousser l’âge de départ à la retraite de 57 à 62 ans pour les aides-soignants, de nombreuses voix s’élèvent chez les blouses blanches. « 40 % des aides-soignants partent avant l’âge de retraite actuel pour invalidité ! », observe le porte-parole du secteur santé de la CGT, Pascal Mazet.
L’on ne compte plus, en effet, les témoignages d’aides-soignantes, qui ont le dos cassé. Certaines jeunes femmes envisagent carrément de changer de métier ! Sophie, 32 ans, travaille dans un Ehapd ruthénois : « Une fois par semaine, je vais chez le kiné à cause de mon dos et de mon boulot, témoigne-t-elle. Pour d’autres ce sont les épaules. On éprouve, à la fois, des difficultés physiques et morales. Cette année, nous sommes cinq à partir. »
« La retraite à 62 ans ? Beaucoup n’y arriveront pas, corrobore Pierre Roux. Si on avait suffisamment de personnels, le travail serait moins difficile. Il faudrait aussi tenir compte des horaires décalés. Nous sommes confrontés à un double problème et c’est pareil pour les infirmières. Un manque de moyens et une pénurie de personnels. » Au-delà des inquiétudes des aides-soignants sur le délicat sujet de la réforme des retraites et d’un manque de considération pour une profession qui touche à l’humain, Pierre Roux s’attache, tout autant, au bien-être des résidents. « On manque de personnels pour faire de l’inclusion sociale, amener de la vie et de la culture dans nos établissements. Y conserver le goût de vivre, y partager la vie », insiste le secrétaire national de l’Adeba, qui voudrait bien apporter une plus grande part d’humanité.

1 613

En euros, le prix moyen mensuel (en 2018) d’un séjour dans l’un des 70 Ehpad aveyronnais, qui disposent d’environ 5 200 lits. Ce prix moyen est de 1 613 € pour les maisons de retraite publiques, 1 753 € pour les établissements privés à but non lucratif. Une somme conséquente pour les petites retraites.
 

Qui sont ces retraités qui continuent de travailler ?

Selon une récente analyse de l’Insee Occitanie, la part régionale des retraités passe de 4 % chez les 55 ans à 33 % chez les 60 ans, 89 % chez les 65 ans et 95 % à partir de 75 ans. En 2015, 858 900 personnes âgées de 55 à 74 ans se déclarent retraitées. Parmi elles 25 500 sont également actives, car elles continuent à travailler ou à rechercher un emploi. La moitié est âgée de 55 à 64 ans, l’autre moitié de 65 à 74 ans. Bien qu’encore relativement rares, les situations de cumul activité-retraite après 65 ans, après l’âge de départ légal à la retraite, se développent fortement. Leur nombre a pratiquement doublé (+72 % en Occitanie, +83 % en France métropolitaine) entre 2010 et 2015. On distingue trois grands profils : les plus nombreux (54 %) sont des salariés non-cadres, qui travaillent le plus souvent à temps partiel, principalement des femmes, non-diplômées, seules, dont la principale motivation est d’ordre financier. On retrouve ensuite (25 % des retraités actifs) des non-salariés, hors professions libérales, diplômés de niveau intermédiaire. Il s’agit souvent de chefs d’entreprise qui poursuivent leur activité, faute de repreneur. Le dernier profil correspond au retraité actif diplômé du supérieur, cadres salariés (12 %) et professions libérales (9 %).

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