Saint-Victor-et-Melvieu : et au lever du jour, l’Amassada avait rendu les armes…

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  • Les pelles mécaniques ont fait table rase du site défendu par les militants de l’Amassada.
    Les pelles mécaniques ont fait table rase du site défendu par les militants de l’Amassada. Michael Esdourrubailh
Publié le
Victor Guilloteau

Environ 150 gendarmes mobiles ont procédé, dans la nuit de lundi à mardi, à l’évacuation, par la force, de la Zone à défendre (Zad) de Saint-Victor-et-Melvieu. Le site a été entièrement détruit.

C’est très certainement l’épilogue d’un long feuilleton entre l’État et les militants anti-éoliens de Saint-Victor-et-Melvieu. La nuit dernière, les gendarmes mobiles ont procédé à l’expulsion de près de 150 militants écologistes et activistes de l’Amassada. Le site était devenu, depuis plus de quatre ans, une Zone à défendre (Zad), espace de ralliement contre le projet d’installation d’un méga-transformateur électrique par RTE (Réseau transport d’électricité). Un projet d’une puissance de 400 000 volts, sur cinq hectares de parcelles agricoles. « Un cadeau de l’État au lobby de l’électricité », « une industrialisation du territoire », pour « une Europe de l’argent et du capitalisme vert », pouvait-on encore entendre, mardi matin, chez les militants. Un groupe de tous âges, composé d’activistes écologistes, de Zadistes expérimentés, d’anticapitalistes, de militants agricoles, ou encore de résidents des alentours.

Échanges de pierres et de gaz lacrymogènes

D’Amassada, il ne reste désormais plus rien. Peu après 9 h, les pelles mécaniques se sont chargées d’effacer de la carte les constructions de fortune et autres installations écologiques habitées continuellement depuis plus d’un an. La conclusion d’une nuit et d’une matinée particulièrement agitées. Prévenus de l’intervention de la gendarmerie, les militants s’étaient préparés à faire front et à défendre, coûte que coûte, leur “commune libre”. Sous un mercure dépassant à peine les 7° C, une centaine de militants a d’abord tenté de bloquer l’arrivée des forces de l’ordre avec des barrages et des barricades enflammées positionnées sur la D50, à la sortie du village. Peu après 5 h 30, dans une nuit noire simplement éclairée par la mise à feu de pneumatiques, ordre a été donné à la gendarmerie, agissant sur décision de justice (lire par ailleurs), de charger. Dissuasives, les digues successives n’ont fait que freiner les gendarmes et les deux blindés dans leur progression. L’affrontement entre militants et gendarmerie a été musclé, émaillé d’échanges de pierres et de grenades lacrymogènes. Alors que les manifestants ont été contraints de battre en retraite, les forces de l’ordre, elles, ont continué leur inexorable marche en avant. À 6 h, elles étaient postées à quelques dizaines de mètres de la Zad, les spots géants braqués vers l’Amassada et ses manifestants.

Retranchés sur les toits, les militants ont retardé l’échéance

L’assaut final a été donné au lever du jour, peu avant 7 h 45. Organisée en colonnes, la gendarmerie, après sommation, a progressé sous les invectives et les chants des militants, munis de drapeaux, de banderoles et de fumigènes. L’expulsion ne s’est pas faite sans heurts. Coups de matraque sur le bas du corps et lancers de grenades lacrymogènes ont fini par faire reculer les quelque 150 activistes qui défendaient le site. En une heure, les militants étaient encerclés, repoussés et dispersés sur les champs alentour. « Aucun blessé n’est à signaler », se félicitait dans la foulée, sur les réseaux sociaux, la préfecture. Laquelle a également confirmé deux interpellations.
Une quinzaine d’occupants, retranchés sur les toits des bâtiments, n’ont fait que retarder un scénario écrit à l’avance. Leur immobilisation, dans le calme, suivie de leur expulsion, a débuté à 9 h, deux heures durant. Pendant ce laps de temps, les pelles mécaniques sont entrées en action, démarrant leur entreprise de destruction, lente et inéluctable, des bâtiments. Un grillage, autour de la zone dans laquelle les travaux de construction doivent désormais démarrer, a été installé. « Nous ne les laisserons pas travailler en paix », a fait savoir, dès hier après-midi, les militants de l’Amassada. Comme pour faire comprendre qu’ils ne lâcheraient pas le combat. Depuis mardi matin, ils savent néanmoins que l’état a mis la main sur leur “commune libre”.

« Le professionnalisme des gendarmes »

La préfète de l’Aveyron, Catherine Sarlandie de La Robertie, présente sur place hier en fin de matinée, a tenu une conférence de presse à 17 h 30.
Elle a loué le « professionnalisme des gendarmes ».
« L’État a apporté le concours de la force publique à l’exécution d’une décision de justice en présence d’huissiers mandatés par RTE.
À 11 h 30, l’expulsion était terminée et les opérations de déconstruction des bâtiments illégalement implantés ont été conduites sans délai. Les travaux de sécurisation du site ont commencé.
La zone est gardée par des effectifs de la gendarmerie. Toute personne qui entendrait retourner sur les parcelles évacuées s’exposerait à des poursuites judiciaires (jusqu’à 7 ans de prison et 100 000 € d’amende).
L’objectif d’un retour à l’État de droit, par la mise en œuvre des décisions de justice, est donc pleinement atteint. »

Dix ans de rebondissements

Dès 2009, un projet de mégaposte électrique est envisagé dans un champ aux portes de Saint-Victor, sur 10 ha.
Les inquiétudes suscitées par cette perspective contribuent à la création, en 2010, de l’association Plateau survolté.
En janvier 2015, les opposants au projet porté par RTE érigent la première structure en bois de l’Amassada.
En mars, le maire Jean Capel se prononce contre le projet.
Fin août, le collectif célèbre, sur place, la première fête du vent, rendez-vous militant contre la promotion, notamment, des éoliennes industrielles.
L’enquête d’utilité publique sur le projet de transfo démarre en novembre 2017, pendant un mois.
Le 8, l’Amassada refoule de la mairie le commissaire enquêteur.
En février 2018, la société Théolia, qui réalise le parc éolien de Crassous, à Saint-Affrique, est déboutée de ses requêtes à l’encontre de cinq personnes du collectif de l’Amassada opposées entre autres, à la réalisation de ce parc.
En septembre 2018, les membres de l’Amassada décident d’une occupation du site au quotidien.
Le 28 décembre, le TGI de Rodez ordonne la levée de l’occupation du site, assortie d’une importante astreinte financière (2 000 € d’amende par personne et par jour de présence).
En février, cinq militants y sont interpellés pour occupation illégale.
Le TGI de Rodez annulera, en avril dernier, l’ordonnance d’expulsion du 28 décembre.
Le 4 juillet, les cinq prévenus interpellés en février seront condamnés à un mois de prison avec sursis, et 150 € d’amende avec sursis.
 

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