Sud-Aveyron : "L'Amassada, elle est en nous", témoigne une militante après l'expulsion

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  • Mercredi, c’était le jour d’après à Saint-Victor-et-Melvieu, sur le site de l’Amassada. Les constructions avaient été érigées il y a plus de cinq ans.
    Mercredi, c’était le jour d’après à Saint-Victor-et-Melvieu, sur le site de l’Amassada. Les constructions avaient été érigées il y a plus de cinq ans. ML
Publié le , mis à jour
Propos recueillis par Victor Guilloteau

Au surlendemain de l’expulsion, Nelly Didyck, au nom de l’Amassada, livre le sentiment des militants de Saint-Victor.

Comment avez-vous vécu la destruction des bâtiments, mardi 8 octobre au matin, par les forces de l’ordre ?

Comme d’autres, j’étais effondrée, en pleurs, lorsque les machines ont détruit les premiers bâtiments. Nous avons été nombreux à quitter les lieux les larmes aux yeux, la boule au ventre… Ces images étaient trop dures à voir pour nous. Moi, je pense aussi à mes enfants. Pour l’un, j’ai appris que j’étais enceinte après la première fête du vent, il y a cinq ans. Le second avait six mois quand on a inauguré la cabane. Ils ont grandi à l’Amassada et cela va leur faire bizarre de voir qu’il n’y a plus rien…

L’Amassada semblait représenter plus qu’un simple lieu de convergence…

Certaines personnes étaient là depuis un an, avec des chats, des poules, des jardins… C’est une véritable famille qui s’y retrouvait, avec ses habitudes, sa vie, ses rencontres, ses histoires d’amour, d’amitié, ses conflits parfois… Aujourd’hui, ces gens se retrouvent à la rue. Elles ont perdu leur maison. On ne sait pas comment on va faire. Mais l’envie est forte de rester ensemble et on va trouver des solutions.

Qu’avez-vous pensé de l’action menée par la gendarmerie ?

C’est ce à quoi on s’attendait, même si on pensait qu’ils seraient plus nombreux. On craignait aussi qu’il y ait plus d’arrestations, mais la consigne avait été passée de ne pas interpeller. Les deux personnes placées en garde à vue sont ressorties avec de simples rappels à la loi. Deux autres interpellations ont eu lieu mardi après-midi, mais avec des rappels à la loi également. Les gardes à vue se sont bien passées, contrairement aux premières réalisées en début d’année.

Mardi, vous sembliez dénoncer une opération de communication de l’État…

Ce fut effectivement une opération de com pour la préfète. Elle a dû discuter des modalités d’expulsion avec Emmanuel Macron à Rodez, et a désormais gagné le droit d’aller dans une préfecture plus importante. Il y a eu beaucoup de mise en scène de sa part. On l’a notamment vue poser devant des affaires personnelles des habitants… Chez nous, il n’y a pas eu d’acte de violence. Elle a essayé de nous criminaliser, alors que nous étions dans une résistance passive.

L’expulsion s’est-elle faite, à vos yeux, dans la violence ?

Les gendarmes mobiles sont violents par définition. Lorsqu’il faut expulser des gens dans des cabanes construites, ils font preuve de violence. Leur métier, c’est de dégager les gens par la force. Il faut néanmoins reconnaître qu’à Notre-Dame-des-Landes ou à Sivens, on a vu des images beaucoup plus violentes. Là, on a reçu des grenades de désencerclement, des lacrymogènes, quelques coups de matraque, mais les gendarmes n’étaient pas là pour casser du Zadiste. Nous, on a chanté des chansons, on a fait des blagues… Je dirais que ça s’est fait sans haine des deux côtés, sans volonté d’en découdre. Ils ont fait leur travail, on a fait le nôtre.

Avez-vous reçu des gestes de solidarité depuis l’expulsion ?

Oui, et ils sont énormes. Des maraîchers, des paysans, nous ont donné des légumes, du pain, de la nourriture sortie du congélateur. Ce sont de petits gestes qui mettent du baume au cœur. Les gens du village sont aussi très touchés.

Comment voyez-vous la suite ?

On va rester dans le village. Il faut savoir que la mairie subit de grosses pressions. On demande au maire de ne pas nous laisser à disposition de salle municipale, par exemple. Il reçoit des pressions d’habitants du village, mais aussi de gens favorables au mega-transfo.

Êtes-vous toujours autant déterminés à poursuivre votre combat ?

Même si c’est dur de voir ce lieu complètement rasé, ce n’est pas la fin. On mène un combat qui dépasse l’Amassada. Ce n’est pas seulement un mot, c’est aussi une idée. Tant que nous seront là, déterminés, cette idée vivra. Ce n’est pas un simple slogan. L’Amassada, elle est en nous. On a la force de repartir et de rester mobilisés.

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