Decazeville. L’enquête publique de cinq semaines débute le 15 octobre

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  • Jean-François Bigot entouré de Stéphane Fory et de Marc Sévigné.
    Jean-François Bigot entouré de Stéphane Fory et de Marc Sévigné. Repro CP - DDM
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Depuis plus de trois ans, le projet Soléna (abréviation de Solution environnement Aveyron) agite le Bassin Decazevillois.

Porté par les entreprises Séché et Sévigné, Solena propose le développement d’une filière complète de gestion des déchets non dangereux de l’Aveyron, afin de valoriser plus de déchets, en produisant des ressources matière et énergétiques. "Solena répond ainsi aux orientations nationales en termes de gestion des déchets, fixées par la Loi de Transition Énergétique pour une Croissance Verte en 2015, et reprises par la Région Occitanie dans son Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets : développer la valorisation des déchets, et réduire de manière corrélative les déchets résiduels de 50 %. C’est un projet qui permettrait au département d’être autonome dans la gestion de ses déchets, ainsi que le Syndicat Départemental de Gestion des déchets (Sydom) l’a souhaité lors de sa délibération en mars 2016", indique Jean-François Bigot, président de Solena.

Relevant du Régime administratif des Installations Classées pour l’Environnement, le projet Solena a fait l’objet d’une instruction par les services de l’État. Il sera porté à enquête publique à partir du 15 octobre et jusqu’au 19 novembre. Le point avec Jean-François Bigot (président de Solena), Marc Sévigné (associé de Séché) et Stéphane Fory (responsable de projets Sévigné). Cette enquête publique est une phase importante de votre projet ?

Oui, il s’agit d’une phase extrêmement importante. Nous avons beaucoup informé depuis plus de 3 ans au travers de réunions et de rencontres (plus de 120), d’un site internet et dernièrement d’un site Facebook. Nous ne pourrons plus communiquer à partir de la date d’enquête afin d’observer une certaine réserve pour ne pas influencer le cours de l’enquête publique.

Quels sont le dimensionnement de l’usine et son périmètre de collecte ?

La demande d’autorisation porte sur les besoins aveyronnais, chiffrés à l’époque où le dossier a été fait, à 110 000 tonnes par an, en fonction des données dont on disposait. Il faudra voir les remarques qui seront faites sur ce point, mais l’objectif est bien de desservir le territoire de l’Aveyron.

Quel est le contenu du projet ?

Le projet porte à la fois sur les ordures ménagères résiduelles et sur des déchets de refus de tri de collecte sélective et l’apport de biodéchets quand cette séparation sélective sera mise en œuvre par le Sydom, et une part des déchets des activités économiques. Cet ensemble va alimenter l’usine avec l’objectif de les valoriser au maximum par le tri d’une matière première secondaire, la production de méthane (réinjecté dans le réseau Téréga intéressé par du gaz vert naturel) et la production de combustibles solides de récupération (CSR) qui sont le potentiel énergétique disponible dans les déchets qui seront valorisés à l’extérieur, tant en Aveyron qu’en Occitanie par exemple (cimenterie, etc.). Le taux de diversion, c’est-à-dire le reste de refus sera de l’ordre de 75 %, dans le dossier on parle de 50 % à 75 %. Compte tenu depuis des évolutions fiscales, ce taux de diversion pourra aller à 75 %.

Quels sont l’investissement et le nombre d’emplois créés ?

L’investissement est de l’ordre de 50 millions d’euros. Le process lui-même représente la moitié. La phase chantier est à considérer (terrassement, génie civil, bâtiments, électricité…) pour les entreprises locales d’au moins 50 %. Le nombre d’emplois directs créés est de 40 environ : environ 34 salariés sur l’usine de tri-méthanisation-production de CSR et 6 sur la partie stockage.

N’oublions pas le volet pédagogique. Ce projet peut susciter des vocations pour les jeunes sur la protection de l’environnement et le traitement des déchets. Nous allons nous investir dans la sensibilisation et la formation.

Les autres étapes à venir après l’enquête publique et à quel horizon l’usine entrerait en fonctionnement ?

Il y aura un mémoire à l’issue de l’enquête pour répondre aux questions posées. On peut imaginer que l’arrêté préfectoral pourrait être délivré dans le courant 2020. Il y aura probablement des recours qu’il faudra purger, puis la période de construction s’étalera sur environ 18 mois. C’est un horizon 2023 pour un démarrage effectif de l’installation sur lequel pour le moment on mise. Vous attendiez-vous à une opposition forte au projet ? Ce n’est pas une surprise. Il y a une exigence légitime de transparence des parties prenantes. On se doit d’être compétents et transparents.

Les inquiétudes portent sur des risques d’incendie et de pollution, des nuisances olfactives, le passage de nombreux camions, la dépréciation des biens immobiliers… Comment les rassurer ?

On doit être compétent et transparent. La compétence est de mettre en œuvre des systèmes éprouvés, par exemple le système industriel qui est totalement mis en dépression et avec des systèmes de traitement d’air, permet depuis des décennies, quand on y met les moyens et les bons équipements, de gérer les problématiques d’odeurs. Il y a des installations de traitement de déchets (par incinération ou méthanisation et même en stockage) dans différentes zones y compris urbaines, que ce soit à Bayonne ou à Monaco. Il faut y mettre les moyens, ce qui est le cas dans notre dossier. Les incendies interviennent le plus souvent dans les centres de tri de collecte séparative (tri des poubelles jaunes) car c’est sec, sans humidité. Les premiers contrôleurs de la pertinence des installations sont les assureurs. Ce sont des déchets non dangereux, sans risque de pollution

Concernant les camions, ils seront 30 à 40 à se rendre par jour à l’usine. Il faut mettre ce chiffre en relation avec les quelque 900 camions quotidiens qui passent au giratoire de Laubarède. On ne met pas en œuvre des solutions pour limiter les nuisances mais pour les supprimer. Il y a eu des débats sur le fait que l’installation tarnaise était mieux techniquement. Or, chez Tryfil, l’outil retenu est un outil de tri de matières premières, de méthanisation et de production de CSR avec des performances équivalentes à celles que nous proposons ici. À la différence que Trifyl a rajouté une petite unité d’incinération car leur process de méthanisation le demande. Ici il n’y a aura pas d’incinération, de combustion ou de gazéification (enlevé du projet car il ne nous apparaissait pas à maturité technique).

Comprenez-vous ces inquiétudes ?

Le dossier a été mis à disposition d’Adeba depuis plus d’un an. Certaines inquiétudes méritent des réponses techniques et on peut comprendre qu’elles persistent. À nous d’y répondre avec rationalité. On aura l’occasion avec les réponses faites aux questions posées d’apporter des compléments de réponse. Chacun en jugera.

Concernant la question de la dépréciation immobilière, c’est une inquiétude intuitive. Nous aurons l’occasion d’apporter des éléments de réponse factuels, c’est-à-dire en observant des situations passées ailleurs. Nous avons en France des indicatifs de l’immobilier par commune. C’est intéressant de savoir où sont les sites et d’examiner la situation des prix de l’immobilier, voir si elle est dépréciée au regard de communes de proximité."

 

Les opposants prévoient une manifestation sur le site.
Les opposants prévoient une manifestation sur le site. Repro CP - DDM

Les opposants au projet : « Pour une poignée d’emplois… »

À quelques jours de l’ouverture de l’enquête publique concernant le projet Solena de traitement et de stockage des déchets des ménages aveyronnais, les opposants fédérés au sein de l’Adeba (Association pour la défense de l’environnement du Bassin et alentours) invitent la population à « exposer ses craintes face à un désastre environnemental, mais aussi économique qui s’annonce ». Selon ces derniers, « ce projet qui annonce la création d’une quarantaine d’emplois, mais en comptera réellement 15 ou 20 maximum, en détruira bien davantage. Qui, en effet, viendra s’installer durablement ici, ou pratiquer des activités touristiques dans une vallée souillée par plus de 100 000 tonnes par an de déchets ? ». 

Un vent de fronde qui n’épargne pas les élus locaux, « ils délibèrent systématiquement en faveur du projet Solena qu’ils ne connaissent pas, et refusent systématiquement toutes réunions publiques pour expliquer leurs choix », s’indignent-ils.
Dénonçant au passage, « le comportement inqualifiable d’André Martinez, le maire d’Aubin, qui a agressé verbalement, et physiquement, l’un des nôtres qui s’était récemment invité à un conseil municipal privé ». L’invitation du maire d’Aubin proposant une réunion à huis clos avec l’Adeba a essuyé un refus, « en lieu et place de cette rencontre trop tardive, car programmée la veille de l’enquête publique, nous lui avons proposé d’organiser une réunion publique, sans obtenir de réponse à ce jour ».

Quels risques pour les habitants ?

Troisième secteur industriel accidentogène en France, le traitement des déchets installé à 200 mètres d’une entreprise classée Seveso, et à peine plus loin, environ 300 mètres, des maisons d’habitation, offre-t-il les conditions de sécurité maximales ? « Certainement pas, persifle Jean-Louis Calmettes, il suffit de regarder les chaînes d’infos qui relatent en boucle les deux graves accidents survenus dans la station d’épuration d’Achères et, plus récemment, sur le site Lubrizol à Rouen, dans ces deux cas, pour ne citer que ceux-là, des autorisations préfectorales en bonne et due forme ont été accordées sans pour autant mettre les populations à l’abri ».

Réunion d’information et manifestation

À l’initiative de l’Adeba, une réunion d’information publique aura lieu le vendredi 25 octobre, à 20 h 30 dans la salle de la Bastidie à Viviez. Plus tard, le samedi 16 novembre, une grande manifestation ouverte à tous sera organisée de 10 à 12 heures place Jean-Jaurès à Aubin. Une date qui ne doit rien au hasard avec la présence des commissaires enquêteurs ce jour-là en mairie d’Aubin. Au cours de l’après-midi, les participants se rassembleront à la Peyrolière pour effectuer une promenade (départ à 14 heures) autour de l’igue du Mas, le site retenu pour le stockage ultime des déchets du projet Solena. En fin d’après-midi, un goûter sera offert par l’Adeba dans la salle de la Bastidie, à Viviez. Enfin, d’autres actions symboliques sont dans les cartons des opposants bien décidés à « tout mettre en œuvre pour sensibiliser la population du Bassin sur les incohérences de ce projet ».
 

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