RN 88 en Aveyron, la route de toutes les urgences

  • Un mort et deux blessés le 4 octobre, tournée de Campeyroux sur la RN 88, entre Canabols et Gages.
    Un mort et deux blessés le 4 octobre, tournée de Campeyroux sur la RN 88, entre Canabols et Gages. Reproduction Centre Presse -
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Christophe Cathala

L’inauguration de la première partie de la déviation de Baraqueville, ce mardi 29 octobre, remet en lumière l’importance à finaliser au plus vite toute la traversée de l’Aveyron, en regard du nombre toujours considérable d’accidents sur les parties à double sens de la RN 88…
 

Dimanche 29 septembre en soirée, une jeune fille de 19 ans se tue dans une collision sur la RN 88, rocade de Saint-Mayme. Vendredi 4 octobre, c’est une mère de famille de 56 ans qui perd la vie, percutée à un carrefour par un semi-remorque, un peu plus loin sur le même axe, tournée de Campeyroux.

Deux morts en cinq jours. Et à y regarder de près, l’histoire de cette transversale aveyronnaise particulièrement fréquentée, reste jalonnée de drames, plus encore que les autres axes du département (lire par ailleurs).

Prises de conscience

Financements en berne, prises de décisions contrariées… Les accidents de parcours subis par le projet de mise à quatre voies de la désormais seule route nationale aveyronnaise ne sont finalement rien en regard du nombre de tués et de blessés dont elle aura été le théâtre.

La mise en sécurité des 74 km que constituent la RN 88 dans sa partie aveyronnaise est une préoccupation de très longue date des pouvoirs publics, élus comme services de l’État. Mais le chemin est long pour répondre aux attentes des automobilistes qui la parcourent au quotidien, que ce soit dans le transit ou dans les trajets domicile-travail.

Pour leur donner raison, cette sécurisation opérée avec quatre voies bien séparées entre le viaduc du Viaur (ouvert en l’an 2000) et Tauriac -de-Naucelle – La Mothe, en service depuis juillet 2015, n’a pas connu depuis lors d’accident grave. Il est probable que la déviation de Baraqueville, mise en service le 14 octobre, suive le même chemin.

Malédictions

Reste tout le reste, ce serpent de bitume où s’enchaînent les virages sans créneau de dépassement, hormis la déviation de La Primaube, la rocade de Rodez et la déviation de Recoules. Le tronçon Rodez-A 75, pour lequel aucune décision concrète de doublement ne se dessine à ce jour, est ainsi particulièrement accidentogène.

Au point de mobiliser les élus des communes riveraines de l’axe, qui ont créé un collectif en janvier 2011 pour faire pression sur les services de l’état (lire par ailleurs).

Un collectif porté par l’énergie de Claude Salles, alors maire de Laissac. Il s’est tué aux portes de sa commune le 15 février 2018, sur cette RN 88 qui avait emporté trente années auparavant son épouse et l’une de ses filles entre Gages et Bertholène, et sur laquelle son fils avait perdu la vie, près de Naucelle cette fois. Claude Salles plaidait pour que la nationale ne soit plus une malédiction. Une exhortation à agir plus que jamais d’actualité.

Quand les maires passent à l’action

Accidentologie en hausse, mais aussi impossibilité à créer des zones économiques faute de savoir quand la quatre voies sera livrée, tels sont les arguments qui ont présidé, sous l’autorité de Claude Salles qui était alors maire de Laissac, à la création d’un collectif baptisé "Rodez-A 75 : accélérons la RN 88". En son sein, de nombreux maires dont les communes sont traversées par ce tronçon, oublié à leurs yeux. Ils rédigeront des motions à l’adresse des services de l’État, du Département, du Grand Rodez et mèneront des actions de sensibilisation autour, en premier lieu, de la sécurité, en interpellant sur le terrain le préfet Louis Laugier (8 novembre 2017) ou en se rendant par deux fois en délégation à la préfecture… Huit ans plus tard, si le collectif fait moins parler de lui, ses revendications n’ont pas pris une ride.

L’axe le plus dangereux

Même si la dernière étude quinquennale réalisée porte sur la période 2012-2016, les statistiques parlent d’elles-mêmes. La RN 88 dans sa traversée de l’Aveyron est la route la plus dangereuse avec un indice de gravité (nombre d’accidents pour 100 km) de 90,6. Certes, c’est aussi l’axe le plus fréquenté du département. Et c’est bien pour cela qu’il doit être sécurisé en priorité. D’autant qu’il accuse sur ces cinq ans 77 accidents avec 11 tués et 79 blessés dont 50 d’entre eux l’ont été gravement.

En seconde position, on trouve l’axe Rodez-Espalion (RD 988 et RD 920) avec un indice de gravité de 76,9 pour 20 accidents avec 5 tués et 29 blessés.

Vient ensuite la RD 840 (Rodez-Lot) qui présente un indice de gravité de 69,6 avec 32 accidents, 7 tués et 54 blessés.

La liaison Rodez-Montauban (RD 994, RD1 et RD 926) accuse quant à elle 42 accidents (9 tués et 70 blessés) et un indice de gravité de 64,6.

Cet indice est de 49,3 pour l’axe entre l’A 75 à Millau et le Tarn (RD 999) où en cinq ans 33 accidents se sont soldés par 6 tués et 46 blessés.

Pour fermer la marche, la liaison Rodez-Millau par la RD 911 : 22 accidents, 4 tués et 38 blessés, pour un indice de gravité de 38,6.

Cette étude consolidée de 2012 à 2016, réalisée par les services de la préfecture de l’Aveyron sert de base "à l’élaboration du document général d’orientations, en matière de sécurité routière, pour les années 2018-2022".

 

Une évolution sensible des comportements des automobilistes

La majorité des accidents recensés sur les routes aveyronnaises est avant tout liée au comportement des automobilistes, bien plus encore que l’état de la chaussée ou la configuration du tracé. L’alcool et la prise de stupéfiants sont au nombre des causes identifiées, mais ces dernières en la matière sont loin d’être les plus fréquentes. La vitesse, le téléphone au volant et la baisse de vigilance sont en revanche des facteurs plus répandus au répertoire de l’accidentologie "ordinaire". Ceux qui parcourent la RN 88, entre Rodez et Sévérac par exemple, ont constaté l’évolution des comportements des automobilistes : ces derniers ont considérablement réduit leur vitesse au fil des années, plus encore dernièrement, depuis le passage en juillet 2018, à 80 km/h.

Les camions, plus vite que les voitures

"Les gens roulent souvent bien en dessous de cette limitation, de peur d’être pris par un radar caché ou la jumelle des gendarmes, note un garagiste, habitué au parcours. De fait, ceux qui roulent à 80 km/h ont tendance à vouloir les doubler, quitte à prendre des risques… Et finalement, ce sont les camions qui, eux, roulent souvent plus vite que les voitures". Plus de 400 poids lourds sillonnent ce tronçon, dans les deux sens, chaque jour. Un trafic considérable qui impose des règles de cohabitation parfois complexes : les camions "serrent" les voitures qu’ils suivent et qui roulent moins vite. Un simple coup de frein suffit alors à provoquer un accident…

Pannes de concentration

La vitesse, dans tous ses compartiments, est un élément majeur du danger. La partie Rodez-Sévérac a d’ailleurs été la première à être équipée par la préfecture d’un radar autonome mobile pour ralentir les ardeurs au volant.

Mais à trop vouloir ralentir, certains automobilistes perdent le fil de la concentration. Tel ce trentenaire qui effectue Rodez-Laissac chaque jour, et assure ne plus vraiment faire attention à sa conduite, qu’il juge "lancinante et linéaire" : "Je me suis souvent fait piéger", reconnaît-il en avouant même avoir souvent eu la tentation "de téléphoner au volant pour tromper mon ennui"…

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