Peut-on donner une alimentation végane à son enfant ?

  • Les apports en fer et en calcium, essentiels pour la croissance de l'enfant, se trouve dans de nombreux aliments (chou vert, brocolis, épinards, haricots secs, lentilles, graine de chia...).
    Les apports en fer et en calcium, essentiels pour la croissance de l'enfant, se trouve dans de nombreux aliments (chou vert, brocolis, épinards, haricots secs, lentilles, graine de chia...). gpointstudio / Istock.com
Publié le
Relaxnews

(Relaxnews) - A partir de quel âge un enfant peut-il devenir végétalien ? Comment combler les éventuelles carences et s'assurer que son bébé ne manque de rien pour grandir correctement ? A l'occasion de la journée mondiale du véganisme qui se tient ce vendredi 1er novembre 2019, le médecin nutritionniste Jérôme Bernard-Pellet nous aide à y voir plus clair. 

Pas de viande, ni de produit d'origine animale tels que les œufs, le miel et les produits laitiers. Par souci des droits et du bien-être des animaux, par conviction écologique ou pour des raisons de santé, de plus en plus de personnes choisissent d'adopter un régime végétalien. En France, la hausse de ventes de produits végétariens et végétaliens a augmenté de 24% pour un chiffre d'affaires total de 380 millions d'euros sur l'année 2018, selon une enquête de l'Institut d'études Xerfi.

Pour les parents vegans, il est inconcevable de cuisiner de la viande ou de servir des laitages à leurs enfants. C'est le cas de Pascale, 50 ans et originaire d'Indre-et-Loire, végane depuis plus de 4 ans et maman de deux enfants âgés de 7 et 11 ans : "Végétarienne depuis toute petite, j'ai expliqué le plus tôt possible à mes enfants, sans les traumatiser, pourquoi je ne mangeais plus de viande. Ils ont rapidement adhéré à la cause".

"L'alimentation végane chez l'enfant est clairement viable"

Mais peut-on donner un régime végétalien à sa progéniture à tout âge ? Comment combler les éventuelles carences en protéines, en calcium ou en oméga 3 ? En France, les avis d'experts plaident fortement en défaveur de ce type de régime alimentaire chez les enfants.

"La littérature scientifique est vraiment claire là-dessus. L'alimentation végane chez l'enfant est clairement viable. Aucune preuve scientifique ne montre un retard de croissance. On peut être végan de in utero jusqu'à la mort. Le seul risque connu est la carence en vitamine B12", explique Jérôme Bernard-Pellet, médecin nutritionniste et cofondateur de l'Association de Professionnels de Santé pour une Alimentation Responsable.

Essentielle pour le développement cognitif, la vitamine B12 représente en effet le seul nutriment disponible uniquement (en quantités suffisantes) dans les produits d'origine animale. Pour les personnes végétaliennes, une supplémentation est donc vivement recommandée, à raison de 25 microgrammes par jour chez les enfants (gélule, gouttes, spray...). "Ma fille a été habituée à prendre de la B12 dès son plus jeune âge. Comme tous les enfants, les miens font des bêtises, mais ils sont très sérieux en ce qui concerne leur alimentation", affirme Pascale.

Se pose également la question du DHA, un acide gras de type d'oméga 3 présent naturellement dans les poissons comme les sardines et les maquereaux. "L'absence de DHA fait partie des points faibles du régime végétalien. Cet aliment n'est pas vital mais je pense qu'une source directe de DHA est essentielle pour le développement cognitif de l'enfant. On peut en trouver dans les graines de lin ou prendre des suppléments de micro-algues", explique le Dr Bernard-Pellet. 

Utiliser du lait maternisé à base de protéine de riz ou de soja

Autre argument avancé par les détracteurs du régime végétalien chez les enfants : le lait infantile. Si l'alimentation au sein est préconisée durant les six premiers mois d'existence du nourrisson, les parents qui préfèrent se tourner vers le biberon utilisent généralement du lait maternisé, provenant principalement de la vache ou de la chèvre. Or, pour les parents végans, la composition d'un lait végétal seul ne suffira pas à couvrir les besoins nutritifs des enfants. "Les parents qui souhaitent éviter les laits maternisés d'origine animale pourront opter pour des laits à base de protéines de riz ou de soja. Les autres laits végétaux comme le lait d'amande ou de châtaigne ne sont en effet pas adaptés pour le nourrisson", insiste le Dr Bernard-Pellet.

Quant aux apports en fer et en calcium, essentiels pour la croissance de l'enfant, on en trouve dans de nombreux aliments (chou vert, brocolis, épinards, haricots secs, lentilles, graine de chia etc. ). "Il faut savoir que beaucoup d'enfants présentent des carences en fer, même ceux qui mangent de la viande. Et aucune étude ne montre un quelconque retard de croissance chez les enfants vegans à ce jour. Le calcium est en revanche un point faible car plus difficile à trouver, mais cela reste faisable", précise le Dr Bernard-Pellet.  

Mais l'alimentation n'est pas le seul obstacle auquel les parents sont confrontés, remarque aussi le médecin : "La vraie difficulté à mon sens se trouve moins dans le mode d'alimentation, qui est plutôt facile à intégrer une fois qu'on a les bonnes informations, que dans la pression sociale, car notre société n'est pas 'conçue' pour ce cas de figure spécifique." 

L'Anses lance un groupe de travail en vue de nouvelles recommandations

Les choses peuvent en effet se compliquer dès l'entrée à l'école. Fabrice, originaire d'Orléans, est papa d'une petite fille de 3 ans. Vegan de longue date, sa fille l'est donc aussi à la maison... mais pas à la cantine. "Nous avons demandé à la mairie de faire des plats végétariens, mais sans succès. On a ensuite essayé de passer par un plan d'accueil individualisé mais ce dispositif étant réservé aux enfants souffrant d'allergie ou autres pathologies spécifiques, les médecins n'ont pas joué le jeu. Ma fille est donc servie comme les autres enfants de l'école. On attend qu'elle soit plus grande pour comprendre et refuser elle-même de manger des produits animaux", explique-t-il. 

Pascale, elle, a eu de plus de chance : "La cantine a été un gros sujet. Quand la viande était mélangée aux légumes, je demandais à apporter un repas pour ma fille. Puis on est passé par un plan d'accueil individualisé. Mais maintenant, mes enfants sont suffisamment grands pour dire non à la viande. Les commentaires de leurs camarades ou des autres membres de la famille ne les influencent pas".

Fabrice évoque par ailleurs des réticences de la part du corps médical : "Certains médecins que j'ai consultés m'ont assuré que je faisais prendre des risques à ma fille en la nourrissant ainsi. D'autres se sont montrés plus ouverts, mais leurs connaissances sur le sujet étaient très limitées. Nous nous sommes donc principalement informés dans les livres."

Cette pression sociale vis-à-vis du véganisme chez les enfants est toutefois en passe de changer en France, espère le Dr Bernard-Pellet : "Un groupe de travail de deux ans sera prochainement lancé à l'Anses (l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) pour étudier la question et rendre un avis dans 5 ans. Le chemin est donc encore long. Mais on peut s'attendre à une nouvelle position sur les alimentations végétariennes et végétaliennes, à la fois chez l'enfant et chez l'adulte".

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?