A Rodez, Mère Blanc va bientôt rendre son tablier

  • Tristan et Magali Corbin, avec l’équipe de Mère Blanc.
    Tristan et Magali Corbin, avec l’équipe de Mère Blanc. C.C.
Publié le
Christophe Cathala

C’est la fin programmée de l’une des dernières grandes institutions commerciales de la ville. Le spécialiste du linge de maison va tourner la page d’une belle aventure familiale.

Nous voilà dans de beaux draps, Mère Blanc plie boutique. Vénérable maison du 20, boulevard Laromiguière, avec son ambiance cosy entre couettes et tabliers, peignoirs et parures, coussins et mouchoirs ourlés (une rareté aujourd’hui). Une maison dont les hauts plafonds dominant des tables d’exposition en chêne de quatre mètres de long et des étagères grimpant comme du lierre, couvait ces conseils tout en confidences, dispensés par la patronne et ses trois employées, dans un cocon au parfum des armoires de grand-mère où il ne manquait que d’y prendre le thé…

L’âme des lieux en héritage

Une institution bientôt rangée au rayon des souvenirs. La "liquidation définitive" s’entend à partir de mercredi 13 novembre et pour huit semaines, peut-être un peu plus, tout dépendra du stock.

"J’ai des clients qui vont pleurer quand ça va fermer", dit en souriant celle qui tient ferme la barre de ce "grand navire" depuis des années. Magali Corbin est montée sur le pont à l’âge de 23 ans pour y suivre le sillage de son père, Pierre Bousquet. "Il m’a appris à acheter, à gérer, à faire les salons pour y rencontrer une centaine de fournisseurs, chiner les articles originaux. Car voyez-vous, nous ne sommes pas une franchise, mais un commerce indépendant".

Ce métier passion, Magali Corbin a décidé d’y mettre fin. Ce n’est pas le rapport qualité-prix, "marque de fabrique" de la maison et gage de fidélité qui a eu raison du chiffre d’affaires. Non, c’est une volonté personnelle, celle de prendre la retraite, d’y rejoindre son mari, Tristan, et "de m’occuper de mes petits-enfants". Mais "ce n’est pas facile", concède-t-elle, surtout quand aucun de ses trois enfants, conduisant "des métiers différents", n’a souhaité reprendre la boutique. Tous pourtant ont usé leurs fonds de culotte entre rayonnages et atelier.

1870, 1981, 2019

Il est vrai que les lieux sont exigeants : ils ont une âme. Depuis 1870, année à laquelle s’installe au rez-de-chaussée de cet immeuble cossu un commerce de tissu - matière dont Rodez fut une place forte - à l’enseigne "Verdeille et Bousquet". Le coton, le lin, le métis ou la laine s’y sont disputé les ciseaux de quelque 40 employés travaillant au sous-sol ouvert par deux grands escaliers se faisant face dans l’arrière-boutique.

Le tissu seul a eu son temps, lessivé par le prêt à porter. En 1981, le père et le frère de Magali décident de s’orienter vers la vente au détail de linge de maison. Ainsi est née "Mère Blanc", incarnée longtemps par Janine, la mère de Magali. Avant son décès il y a deux ans, elle guidait encore ses 93 ans vers le comptoir et les conseils à la clientèle, "pour rendre service".

Devoir accompli

Et sans nul doute, pour "parler chiffon, car le drap est un produit qui nous amène à rentrer dans l’intimité des gens", assure Magali Corbin. "On a toujours fait en sorte que le client reparte content", glisse-t-elle.

Les clients orphelins de cette complicité essuieront donc une larme. Et Magali Corbin ? "Je suis partagée entre la tristesse, bien sûr, et la satisfaction de tourner la page dans de bonnes conditions, d’avoir perpétué l’héritage, de finir proprement". Quitte à passer devant "sa" maison avec un pincement au cœur, ou une réjouissance légitime, si quelqu’un d’autre prend la relève. "On a des pistes, mais rien n’est signé" pour reprendre cette institution, dont l’âme, forcément, ne sera plus tout à fait la même.

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