"Papa, maman, j’ai quelque chose à vous dire…"

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  • Le réalisateur Pascal Petitaux côtés des époux Debard, encadrant leur fils Antony.
    Le réalisateur Pascal Petitaux côtés des époux Debard, encadrant leur fils Antony. XB -
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Xavier Buisson

Pour tourner son émouvant documentaire "Mon enfant est homo", projeté la semaine dernière à Rieupeyroux et mardi 19 novembre à 20 h 50 sur France 5, le réalisateur Pascal Petit a notamment suivi la famille Debard, de La Capelle-Bleys. Josiane, Jean-Paul et leur fils Antony ont accepté de jouer le jeu et de revenir sur la façon dont les uns et les autres ont vécu le "coming out" d’Antony, qui leur a dévoilé son homosexualité en 2010.

"Papa, maman, j’ai quelque chose à vous dire. Si je n’ai jamais ramené de copine à la maison, c’est que je préfère les garçons", a lâché Antony. "Je suis allée aux toilettes, j’ai vomi tout ce que j’ai pu. J’ai pleuré, je suis restée dans ma chambre un long moment. J’étais effondrée ". Josiane Debard, de La Peyrière à La Capelle-Bleys, n’oubliera jamais ce jour où son fils a décidé de tomber le masque et de dévoiler son homosexualité, à elle comme à son mari Jean-Paul.

Les époux Debard, agriculteurs retraités de 64 ans, font partie des cinq témoins du documentaire "Mon enfant est homo", dernier travail du réalisateur Pascal Petit.

"Montrer un cheminement"

À travers ce film, ce dernier a souhaité avant tout "montrer un cheminement", celui de cinq familles qui ont appris, dans des conditions bien différentes, l’homosexualité de leur enfant. "Cela n’a pas été facile de se replonger là-dedans", confie Josiane Debard. Avant d’apprendre l’homosexualité de leur fils, elle et son mari avouent qu’ils changeaient de chaîne lorsqu’ils voyaient deux hommes s’embrasser à la télévision. Aujourd’hui, les choses sont bien différentes, et c’est aussi ce chemin parcouru qu’a voulu mettre en évidence le documentaire.

Pascal Petit a rencontré le jeune Antony à Paris, par le biais de l’association Contact, dont le but est de favoriser le dialogue entre les parents et les lesbiennes, gays, bi, trans et leurs familles et amis. Le réalisateur y a expliqué sa démarche et sa volonté de réaliser un documentaire sur la thématique de l’acceptation (ou non) de l’homosexualité au sein des familles. Antony, d’abord timide, a décidé de franchir le pas et d’accepter de témoigner.

"Aider d’autres personnes dans notre cas"

Les choses s’enchaînent alors rapidement. "Nous nous sommes rencontrés en juin 2018, juste après la Gay pride à laquelle ils participaient tous les trois. Josiane et Jean-Paul m’ont raconté leur histoire, nous avons parlé longuement et je suis venu les voir une première fois dans l’Aveyron, sans caméra", explique Pascal Petit. Suivront quatre visites, avec la caméra cette fois, au cours desquelles tous se livreront, avec honnêteté, émotion et un formidable courage, sur le long parcours de cette acceptation.

"Nous avons dû faire des efforts d’introspection, explique Antony. Nous n’avons jamais beaucoup abordé ce sujet entre nous." Pour sa mère, "la caméra, ça a été une épreuve. L’idée était d’aider d’autres personnes dans notre cas. Nous voulions évoluer, sortir de cette réaction négative, lui montrer qu’on n’était pas aussi fermé". Du fait de la puissance de leur témoignage et, peut-être, de la sympathie qu’éprouve pour eux le réalisateur, Josiane et Jean-Paul Debard servent de fil rouge au documentaire.

"Tous les gens qui l’ont vu les trouvent attachants", souligne Pascal Petit, visiblement heureux, mardi, de retrouver cette famille avec qui de forts liens semblent s’être tissés et la région de Rieupeyroux pour une projection en avant-première.

"C’est une expérience qui nous a rendus meilleurs", conclut Josiane Debard. Ce cheminement dans l’acceptation, ils en ont sans doute réalisé une petite partie face à la caméra, qui leur a permis, grosses émotions à la clé, de se remémorer tout cela. "On avance tout le temps, à petits pas", résumera Jean-Paul. En 2018, 80 % des homosexuels ont été victimes de manifestations de rejet et d’ignorance de la part de leur famille selon un sondage de SOS Homophobie.

Mardi soir sur France 5

Après une projection très suivie mardi 12 novembre à Rieupeyroux, le documentaire « Mon enfant est homo » sera diffusé mardi 19 novembre à 20 h 50 dans le cadre de l’émission « Le Monde en face », animée par Marina Carrère d’Encausse. Cette diffusion sera suivie d’un débat et le film devrait être ensuite rapidement disponible sur https://www.france.tv › france-5

Association. Alertes Aveyron, sur le front de l’acceptation

Forte d’une petite quarantaine de membres, l’association Alertes Aveyron intervient sur plusieurs champs pour venir en aide aux personnes ayant du mal à accepter leur orientation sexuelle. "Notre rôle est d’être présents dans l’Aveyron, de permettre aux jeunes de venir vers nous, pour éventuellement rendre possible les conditions d’un coming out. Faire en sorte qu’ils soient accompagnés et armés si ça se passe mal avec les parents ou l’entourage", explique le co-président Michel Mégnin.

Alertes propose aussi de nombreux créneaux de convivialité (rencontre, randonnées, soirées) afin de rompre l’isolement. "Nous sommes là pour que la personne se sente mieux, vive mieux son orientation sexuelle", reprend le co-président.

Alertes Aveyron travaille aussi à la sensibilisation, en milieu scolaire notamment. "Nous avons un côté militant, nous faisons notre possible pour défendre les droits des LGBT.

Plusieurs représentants de l’association ont assisté, mardi, à la projection du documentaire de Pascal Petit. "Un excellent film, singulier par la diversité des témoignages, et qui représente très bien ce qui peut se passer. En tant qu’association, nous sommes confrontés à des demandes d’aide… Il faut toujours dédramatiser la situation, ce n’est pas toujours facile pour les parents, il faut se mettre à leur place. Pour les jeunes, à cause des normes imposées par la société, il faut aussi parfois beaucoup de temps pour accepter son orientation sexuelle", explique Michel Mégnin.

Dernièrement, plusieurs bénévoles de l’association ont participé à une formation pour en apprendre davantage sur les manières de recevoir, écouter et accompagner leurs bénéficiaires. Par ailleurs samedi 23 novembre, ils seront mobilisés et prendront part, à Rodez, à la marche contre les violences sexistes et sexuelles et aux animations proposées dans ce cadre.

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