Rodez. Avec "Bois", Fanny Gombert renoue avec la poésie d’une culture oubliée
Interprète de danse contemporaine depuis ses jeunes années, Fanny Gombert se lance dans la chorégraphie avec le deuxième volet d’un diptyque consacré à l’œuvre cinématographique de Georges Rouquier.
Elle ne s’est jamais projetée ou rêvée danseuse, ni chorégraphe, la danse a simplement toujours été là. Tenue longtemps éloignée de son Aveyron natal, la danseuse Fanny Gombert revient, "au moins pour un temps", poser ses ballerines à Rodez pour la mise en scène d’une création contemporaine autour du film Farrebique de Georges Rouquier, fresque de la vie paysanne aveyronnaise aujourd’hui révolue. Un travail de fond autour de cette œuvre testimoniale, une revisite du folklore local qui s’inscrit plus largement dans la proposition de la jeune femme amorcée autour de l’œuvre du réalisateur aveyronnais. "Jusqu’à mes 32 ans, je n’avais jamais entendu parler de ce film. Je ne cultivais pas spécialement cette matière, la culture occitane, son folklore… Bien que j’aie toujours gardé beaucoup d’attachement. Le déclic est arrivé tardivement."
Présenté l’année prochaine, à l’occasion notamment de l’Estivada de Rodez, Bois – on parle ici de la matière, non d’une injonction à la déraison –, fait écho au sentiment d’ivresse présent dans une des scènes de l’œuvre du réalisateur aujourd’hui disparu. "Ici la danse se crée en jouant avec le déséquilibre", abonde la chorégraphe. Dans cette atmosphère intime et minimaliste, on observe le parcours de deux hommes évoluant sur un plancher résonnant, tout à la fois instrument sonore, spatial, sensitif.
"Ce lien si particulier au sol de cette danse paysanne inspire la proposition scénographique. En bois, le plancher s’impose comme un instrument de jeu, de danse, de son, développe la scénographe Manon Revel. À la fois initiateur de mouvement et résonance des pas, le sol n’est plus seulement un élément scénographique. Il devient une matière sonore, rythmique et au même titre que les corps."
Bois est la représentation abstraite de la scène de bourrée dans Farrebique jouant avec les codes de la danse traditionnelle et contemporaine. "Pour cette création, je cherche à atteindre un juste équilibre dans l’évocation du passé et raviver les détails poétiques d’une culture parfois oubliée ou ringardisée."
"Envie d’Europe"
Interprète de danse contemporaine depuis ses 10 ans, Fanny a écumé les belles scènes du monde avant d’amorcer un retour dans son "département de cœur". Formée chez Dominique Jean à Rodez, – "des années qui ont véritablement déterminé la suite de mon parcours" –, Fanny a ensuite rejoint la compagnie new-yorkaise Martha Graham : un must. Décédée en 1991, la danseuse et chorégraphe américaine est considérée comme l’une des plus grandes innovatrices de la danse moderne et fondatrice de la danse contemporaine. Si le label en impose, "l’envie d’Europe" était plus forte. "J’étais partie pour 6 mois. Je suis finalement restée 5 ans à New York. J’aurais pu faire ma vie là-bas, c’est vrai. Mais j’avais envie de revenir. De retrouver ces compagnies européennes, cette identité forte, cette singularité, cette création qui, de mon point de vue, est la meilleure au monde." De retour en France à 25 ans, la jeune femme retrouve très vite chausson à son pied. Poursuit sa carrière d’interprète auprès du Centre Chorégraphique National de Rillieux-la-Pape avec le chorégraphe Yuval Pick, lui-même issu de la Compagnie Batsheva dirigée par Ohad Naharin, autre "gourou de la danse contemporaine". Avec huit autres danseurs, elle interprète en Ré Mineur, pièce tirée de la Partita BWV 1004 de J.S. Bach qui amorce une tournée nationale et internationale dès le mois de janvier 2020.
"Écouter son corps, se connecter à ses sensations"
Depuis 2015, elle s’initie aussi à la pratique de la danse verticale et intègre la Compagnie Retouramont dirigée par Fabrice Guillot, là encore une référence de la discipline en France. En mai dernier, elle défiait la gravité sur les façades de la Bibliothèque nationale François Mitterrand à Paris : "De belles opportunités. De très beaux moments".
Cet appétit débordant pour la danse, dans toutes ses formes, ses symboles, l’a naturellement amenée à envisager la chorégraphie. Une suite logique, évidente même, pour celle qui du haut de ses 14 ans, "à peine" intégrait la compagnie aveyronnaise Amalgama. Précoce, cette première expérience la marquera à vie. "La pièce était déjà très riche en propositions artistiques. C’était beaucoup de travail, d’investissement, mais j’ai sans doute puisé là, ce qui devait m’animer plus tard, se souvient celle dont l’ambition de jeune fille était de rejoindre l’armée. "Je voulais être médecin militaire. Sans doute par goût de l’aventure, des voyages."
Talentueuse, créative, à l’écoute, la trentenaire puise de toutes ces expériences, de ce terreau personnel, de ses joies, ses peines, le ferment d’une nouvelle vie de chorégraphe. Avec une pudeur désarmante. "J’essaie d’apprendre à parler de moi, à raconter mes expériences qui sont assez éloignées de celles que l’on pourrait imaginer. La vie ne se déroule pas toujours comme dans les films. Cette légitimité est encore difficile à assumer, à formuler." Reste la danse qui avec Fanny Gombert trouve sa plus pure expression.
La médiation au cœur du projet
Parallèlement à l’action de création de BOIS, l’association Les Boraldes dansent imagine une démarche visant à réunir différents publics autour de son projet. Actions de médiation en milieu scolaire, ateliers « ludiques et originaux », initiation à la culture traditionnelle aveyronnaise et à la pratique chorégraphique contemporaine.
« Les élèves de l’école primaire de Rignac vont enregistrer leurs voix sur la bande son, explique Fanny. Les répétitions et la sortie de résidence se déroulent dans les locaux de la maison de quartier de Gourgan à Rodez. Nous espérons aussi présenter, pourquoi pas, le spectacle dans les collèges aveyronnais dès l’année prochaine. »
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