Rodez. Accusé de 62 agressions sexuelles, l’ostéopathe reste de marbre devant le tribunal

  • Le procureur, Bernard Salvador, a requis 18 mois de prison, avec sursis, contre l’ostéopathe.
    Le procureur, Bernard Salvador, a requis 18 mois de prison, avec sursis, contre l’ostéopathe. JAT
Publié le , mis à jour
Mathieu Roualdés

Touchers vaginaux, rectaux… Un ostéopathe, installé dans le Sud-Aveyron au début des années 2010, répondait de 62 agressions sexuelles, mercredi 4 décembre devant le tribunal de Rodez, lors d’une audience quelque peu nauséabonde entre l’assurance du prévenu et le traumatisme des victimes. Le jugement sera rendu le 20 janvier.

Silhouette ronde, chauve, barbiche parfaitement taillée, l’ostéopathe accusé de 62 agressions sexuelles envers des patientes, a eu réponse à tout, mercredi 4 décembre devant le tribunal de Rodez. Jusqu’à décontenancer la présidente, Sylvia Descrozaille. "Vous me laissez sans voix, votre aplomb me sidère", lui dira-t-elle, après avoir énuméré les lourdes charges pesant contre lui. Et fait la longue liste des plaignantes, soixante-deux au total. Toutes ont vécu et raconté la même chose.

Entre 2010 et 2013, elles ont consulté cet ostéopathe, né en 1977 à Talence (Gironde) et au CV quelque peu particulier : échecs répétés en faculté de médecine, puis diplômé d’étiopathie, une pratique non reconnue et jugée dans l’Hexagone comme ayant une "dérive sectaire", père de neuf enfants… En 2010, il pose ses valises en Aveyron, ouvre un premier cabinet à La Cavalerie, puis un deuxième à Sévérac-d’Aveyron. Sa plaque affiche la profession d’ostéopathe, "car commercialement, c’est plus attrayant qu’étiopathe. Ici, personne ne connaît cette pratique", explique-t-il.

L’homme se constitue alors une petite clientèle, oscille entre ses deux cabinets, trois jours par semaine. On vient le voir pour des maux de dos, d’épaule, des accouchements douloureux, des angoisses… Dans la plupart du temps, les personnes qu’il reçoit disent "avoir tout essayé auprès de la médecine traditionnelle", sans réussite. Elles lui font alors confiance.

Jusqu’à 30 minutes de toucher vaginal

Et l’ostéopathe semble avoir la solution miracle : prodiguer des touchers vaginaux, voire rectaux. Ces derniers durent de longues minutes, jusqu’à une demi-heure dans certains cas ! L’homme, se décrivant comme "brut de décoffrage", n’hésite pas non plus à demander à sa clientèle d’ôter ses sous-vêtements, se permet parfois de palper la poitrine ou bien de faire quelques compliments sur le fessier de ses clientes. A certaines, il leur conseille même de se masturber ou bien d’utiliser un sex-toy, après la séance. Il lui arrive même de demander leur statut conjugal, la taille du pénis de leurs conjoints, etc.

Mais, en 2013, l’une d’entre elles dépose plainte à Sévérac-d’Aveyron. Une enquête est alors diligentée. Près de 500 femmes, ayant consulté le praticien, sont interrogées. 139 disent avoir subi ces touchers vaginaux, alors même qu’un décret datant de 2007 interdit cette pratique à tous les ostéopathes.

"Tout était justifié"

"La plupart de ces femmes sont encore traumatisées aujourd’hui par les pratiques de ce monsieur. Elles se sentent salies, honteuses et n’ont plus confiance en la médecine…", ont rappelé Me Cécilia Fraudet et Me Charlotte Cardi, avocates de la partie civile, hier lors du procès. Le prévenu, lui, n’a pas montré une quelconque empathie, ni même adressé un seul mot envers ces femmes. Trois heures durant, il a répété que "tout était justifié". L’interdiction de pratiquer de tels gestes, il dira qu’il ne savait pas à l’audience, à l’inverse de sa première déposition lors de garde à vue en 2013. Alors, comment justifier cette pratique réputée comme "rarissime" ? "C’était pour soigner, seul le résultat m’importait. Je n’ai fait que ce que l’on m’a enseigné en école d’étiopathie. Dans ma tête, je n’ai jamais été ostéopathe et j’avais le droit de prodiguer ces soins. Il n’y a jamais eu d’intentions sexuelles de ma part", a-t-il répété à l’envi, avant de se dire "choqué" par "les retours des clientes". Pourtant, la plupart de ces dernières ont décrit, lors des auditions, une "ambiance glauque", "des regards malsains", "une familiarité gênante" ou encore "une insistance étrange pour prodiguer des touchers vaginaux" de la part du prévenu.

"Les femmes étaient sa chose"

Mais, appuyé par son conseil, Me Sébastien Daufay, l’homme, désormais secrétaire dans l’Oise, n’a pas changé d’un iota sa défense. Même lorsqu’il fut interrogé sur la nécessité thérapeutique d’un toucher vaginal pour une cliente venant consulter pour des problèmes d’angoisse. "Il peut y avoir beaucoup de causes, mon métier était de chercher… partout". Quant aux nombreux témoignages de professionnels de santé avançant que de tels gestes étaient nullement justifiés dans cette affaire, le quadragénaire indique qu’il "y a toujours eu une guerre entre les médecins et les étiopathes et ils ont sauté sur l’occasion pour m’enfoncer". Pour le procureur, Bernard Salvador, ces arguments sont difficilement audibles. "Il a mis en confiance ses clientes, il s’est senti au-dessus de tout, les femmes étaient sa chose, à sa merci et il a succombé à des pulsions sexuelles…", a-t-il plaidé, avant de requérir 18 mois de prison avec sursis. Les nombreuses plaignantes, elles, ont demandé des indemnités, de 200 à 50 000 € ! Le tribunal de Rodez rendra sa décision le 20 janvier.

Déjà des avertissements

22 novembre 2013 : la plainte d’une personne à Sévérac-d’Aveyron, contre l’ostéopathe, débouche sur l’affaire jugée hier au tribunal.
Au final, on dénombre plus de 60 plaignantes. Mais avant cela, le quadragénaire au casier vierge avait « reçu deux avertissements », comme l’a rappelé l’accusation, mercredi 4 décembre.
En 2008 déjà, à la fin de ses études. Le directeur de la faculté d’étiopathie de Toulouse lui adresse un courrier pour lui signifiait qu’il « manipule trop les personnes ».
Mercredi 4 décembre, le mis en cause a été surpris de découvrir cet avertissement qui, pour lui, n’était qu’une histoire de tutoiement… L’année d’après, il démissionnera de la fédération d’étiopathie et s’installera, en tant qu’ostéopathe, dans la banlieue toulousaine. Là, un acupuncteur lui téléphonera pour le prévenir d’une plainte d’une patiente qu’ils ont en commun, déjà pour des faits de touchers vaginaux… La femme ne déposera finalement pas plainte.
En 2010, l’ostéopathe s’installera finalement en Aveyron et dans l’Hérault, à Canet où il possédait également un cabinet jusqu’en 2014. Et dans lequel il est également poursuivi pour des faits similaires.
 

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