Edgar, l'insaisissable rappeur écolo des favelas aux Trans Musicales

  • Le Brésilien Edgar, 26 ans, pose vendredi soir pour la première fois aux Trans Musicales de Rennes son timbre de rappeur engagé
    Le Brésilien Edgar, 26 ans, pose vendredi soir pour la première fois aux Trans Musicales de Rennes son timbre de rappeur engagé Damien MEYER / AFP
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Relaxnews

(AFP) - Ses textes bruts désignent une planète malade des technologies: voix dissonante des favelas, le Brésilien Edgar, 26 ans, pose vendredi soir pour la première fois aux Trans Musicales de Rennes son timbre de rappeur engagé et son message de franc-tireur écolo.

"Je suis venu ici pour faire ce que je sais faire de mieux, c'est-à-dire mon art", déclare Edgar Pereira da Silva dit Edgar originaire de Guarulhos, une favela collée à Saõ Paulo (sud du Brésil), dans un entretien avec l'AFP.

Coiffure afro, peau tannée et yeux verts: le Brésilien au sourire contagieux, inconnu jusqu'à l'année dernière, a fait une première scène au Mama Festival de Paris (2018) et un passage aux Escales de Saint-Nazaire.

Ses textes esquissent un futur noir, parlent de robots dépressifs en 2050, au chômage, qui vont en thérapie, des progrès d'une médecine qui banalise la consommation de prothèses, peau et "sang 3D".

Dans son titre "Plástico", des manifestants brandissent des panneaux à LED, Edgar dénonce les excès d'une société surconnectée dont il faut "tirer les câbles".

"Il faut redémarrer internet (...) Nous devons nous réveiller sinon ...W W W... nous détruirons aussi l'espace", clame-t-il faisant claquer en portugais son rap comme une mitraillette.

"Les jours de grand soleil, quand tu es dehors tu crées de l'ombre" et "quand je vois les choses qui se passent j'essaie d'avoir une sorte d'alerte", dit le Brésilien.

Edgar espère que le festival révèlera son travail, comme celui d'"Amadou et Mariam" qu'il a pu rencontrer il y a quelques jours au Brésil.

- Petit prince du rap écolo -
Habitué aux performances, le Brésilien ne porte pas seulement sa créativité bouillonnante et son engagement écologiste sur ses costumes et chaussures qu'il confectionne lui-même en matériaux recyclés, il garde les yeux grands ouverts.

"En analysant la situation, je me suis rendu compte qu'au Brésil on ouvre plus d'emballages qu'on épluche d'objets naturels", commente Edgar, mes textes "ressemblent un peu à des spoilers d'apocalypse".

La marée noire sur les côtes brésiliennes, l'attentat en Nouvelle-Zélande, un mannequin qui meurt à la Central Fashion week: "Tout ça je le chantais sans le savoir il y a un an", souligne l'artiste qui se dit malgré tout "optimiste de nature".

Politiquement, Edgar est aussi une voix critique du Brésil de Jair Bolsonaro où "13 femmes meurent chaque jour dans des féminicides". C'est aussi "le pays qui tue le plus de transsexuels", souligne-t-il.

"Tous ces mouvements doivent s'unir pour créer une forme d'art, d'attaque" et selon lui, "c'est le meilleur moment". "Il n'y a plus vraiment d'option aujourd'hui de chanter des chansons d'amour".

André Bourgeois, fondateur du label de Saõ Paulo "Urban Jungle", se souvient s'être "pris une claque" en découvrant Edgar.

"Il n'était pas dans notre radar, il vivait dans la banlieue de la banlieue."

Edgar n'a que 14-15 ans quand il réalise ses premiers clips avec des images volées. "Il vivait dans la rue, buvait beaucoup et avait honte", explique André Bourgeois. Le "petit prince" apprend le rap, prend des cours de percussions et "fait un parallèle entre ses textes et le coté percussif de la musique" et "commence à intégrer les rythmes brésiliens d'origine africaine".

En 2012, il se fait connaître avec "Crack só se for de Fútebol" (Ne craque que pour le football), un message positif aux banlieues, face aux ravages du crack.

Effets minimalistes et vidéomontage: ses clips incitent à mesurer les conséquences de nos gestes - ces "milliers de tonnes de déchets technologiques arrivant chaque année au Ghana", ces paillettes du carnaval de Rio dans l'eau potable, effets de la consommation jusqu'à l'absurde.

Et s'il devait avoir un défaut ? "Il ne pense à rien, il ne calcule rien, c'est de l'art +brut+ avec un B majuscule. Est-ce qu'en 2020, sans marketing, c'est quelque chose qui paie ? On verra", souligne son producteur.

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