Rodez. Jean-Philippe Murat : "Handicapé, on n’en est pas moins légitime pour être entrepreneur"

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    Jean-Philippe Murat s’investit pour les « handipreneurs ». Philippe Routhe
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Propos recueillis par Philippe Routhe

Entrepreneur à succès, le Ruthénois a été victime d’un grave accident en 2006 qui l’a cloué dans un fauteuil. Il vient de publier un livre, "la différence est une chance" où il évoque son parcours pour se reconstruire et propose un guide à destination des "handipreneurs". Rencontre.

Pourquoi ce livre aujourd’hui ?

C’est la synthèse de trois années au cours desquelles j’ai rencontré de nombreux chefs d’entreprise handicapés. Avec le même constat : faire face aux problèmes de frais bancaires, le besoin de s’y retrouver dans le maquis professionnel et ce sentiment général qui se dégage de se sentir vraiment seul quand on est chef d’entreprise et handicapé. C’est la raison pour laquelle on a fondé avec d’autres chefs d’entreprise handicapés l’handiprenariat. C’est un guide à destination des personnes handicapées qui sont chef d’entreprise ou qui veulent le devenir. Handicapé, on n’en est pas moins légitime pour être entrepreneur.

Avant votre accident, vous étiez un entrepreneur à succès. Et même pour vous cela a été difficile ?

Oui. Malgré cela, j’ai été lâché par une partie des actionnaires et les banques. Et je ne suis pas le seul dans cette situation. Il n’y a que le personnel de l’entreprise qui a eu une présence bienveillante. Mais pour le reste, même les partenaires de l’entreprise et les fournisseurs ont plutôt tendance à vous tendre la main pour vous dire au revoir et bonne chance.

Vous étiez entrepreneur avant, vous l’êtes après (il coupe)

C’est dans les gênes. Mais j’avais pour ma part un coefficient d’hypercativité et de résistance à la souffrance physique et psychologique un peu supérieur à la moyenne. Mais on revient de loin. Après l’accident, j’étais dans un désert d’interrogations. En rupture avec la société. Mais au fil du temps, on se rend compte que cela nous rend plus fort, que l’on a la rage de vaincre. On ne veut pas lâcher.

D’un point de vue plus global, quel regard portez-vous sur le handicap en France.

Le regard commence à changer. Il y a une prise de conscience. Quelque chose se passe autour du handicap depuis 2 – 3 ans. De nombreux témoignages et d’actions menées par des personnes handicapées montrent que l’on peut faire d’autres choses. Je ne sais pas si c’est lié, mais l’arrivée de Sophie Cluzel au gouvernement (secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées) fait bouger les choses. Notamment avec la mobilisation autour de l’autisme ou des aidants. On voit également des exploits de sportifs handicapés qui font bouger les lignes. A mon modeste niveau, j’essaie aussi de contribuer à une image plus positive du handicap.

Mais votre "médiatisation" vous invite à être porte-parole de toutes les personnes handicapées, pas seulement des handipreneurs…

C’est la première partie de mon livre. Je fais part de mon expérience de reconstruction. Et un des messages que je veux faire passer c’est qu’il y a un chemin pour vivre et non pour survivre. Je me sens une responsabilité vis-à-vis aussi de tous ces gens. Car on peut très vite perdre l’estime de soi. Et la première partie du livre veut donner de l’espoir. Les limites, on peut les dépasser. On a cette force qui nous permet de mener des combats et prendre notre revanche.

Revenons aux handipreneurs. Selon vous, quelle est la priorité à dégager ?

Le prêt bancaire. J’y travaille avec la BPIfrance (Banque Publique d’Investissement) et, récemment j’ai rencontré Sophie Cluzel à ce sujet. L’idéal serait la création d’un fonds de dotation qui permette à l’entrepreneur handicapé d’aller voir le banquier. Il y a 75 000 handipreuneurs en France, 3 000 nouveaux par an. Il faut vite faire quelque chose. Car beaucoup de personnes handicapées veulent créer leur entité économique. On travaille également sur la simplification de l’accès. Qu’il y ait un guichet unique, mais pour toutes les personnes handicapées.

Vos sentez-vous un chef d’entreprise comme les autres ?

Oui. Je crois même que l’on peut se fixer des limites qui vont au-delà de ce que pourrait se fixer une personne valide. Peut-être y a-t-il un peu plus de fatigabilité. Mais pour ma part, mon entreprise, j’y travaille sept jours sur sept, 10 à 12 heures pas jour. Comme beaucoup d’autres chefs d’entreprise. Pas question d’être perçu, en plus, comme un handicapé qui a entrepris.

Pour ce qui est des déplacements, est-ce difficile ?

En voiture et en train, pas du tout. Le service Access plus de la SNCF est même très bien. Quand je vais à Paris, je prends le TGV à Montpellier. Le déplacement est plus compliqué dans les villes. On est très en retard en France. C’est un sujet sur lequel j’aimerai travailler après l’handiprenariat.

Avez-vous envisagé de quitter Rodez ?

Rodez, j’y suis né et j’y suis attaché. Le siège social de mon entreprise est à Montpellier et j’ai pensé déménager là-bas ; mais non, c’est à Rodez que je veux être. Même si ce n’est pas très facile de se déplacer. Encore que beaucoup d’efforts ont été faits. Notamment dans les commerces, mais pas assez dans les restaurants à mon sens. En fait, le handicap, on n’y pense pas. Moi-même j’en étais très loin avant mon accident. Mais quand je vois par exemple, à Rodez, les travaux de la place de la Cité. Elle sera magnifique… Mais pas bien accessible pour les gens en fauteuil qui emprunteront le trottoir de la rue de la cathédrale. Au bout, ils auront une marche. Alors, à moins d’emprunter la route avec son fauteuil… Ce n’est qu’un exemple.

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