Kyrie Kristmanson sur la voix lactée des femmes troubadours

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  • Dans son travail sur les femmes troubadours, Kyrie Kristmanson est passée par Belcastel.
    Dans son travail sur les femmes troubadours, Kyrie Kristmanson est passée par Belcastel. Illustration Centre Presse
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Laurent Roustan

La Canadienne de 30 ans, qui sort un nouvel album en janvier, a traversé l’Occitanie et l’Aveyron pour s’imprégner des vieilles pierres et de l’esprit des "trobairitz". Rencontre.

Les trobairitz, c’est une fascination. J’ai entendu parler des femmes troubadours lorsque j’ai commencé à écrire des chansons au Canada, j’avais 14-15 ans. "

Ainsi parle Kyrie Kristmanson des femmes troubadours qui ont jalonné et fait entendre leur voix comme leur chant dans l’Occitanie de Moyen Âge.

Installée en France depuis 9 ans ("Je suis venue en 2010 pour faire la première partie d’Émilie Loizeau, et je ne suis plus repartie "), Kyrie (c’est son vrai prénom) produit une pop assez mystérieuse, empreinte de poésie et surtout d’intelligence. Une atmosphère qui fait penser à Björk, mais une voix stellaire, modulée, qui vous entraîne de suite vers des hauteurs cosmiques, vers des territoires où la pensée et la beauté sont souveraines.

"Ce qui m’inspire, dit-elle, c’est le mystère, les choses qu’on entend murmurer de très loin et qui ont besoin d’une grande écoute. "

Mystérieuse donc a dû lui paraître la chanson de la comtesse Beatriz de Die, " A chantar m’er de so que no volria ", la seule avec texte et partition nous est parvenue jusqu’à aujourd’hui. Des chansons de ces autres dames érudites et chantantes, il n’y en a qu’une trentaine de connue à ce jour. "Je me suis penchée sur ces premières compositions de femmes de l’histoire de la musique, qui chantaient de plus l’amour profane avec beaucoup… d’importance, de la philosophie, de la transcendance ", commente Kyrie, qui en 2010 en France va suivre des cours de musique médiévale.

Une thèse à la Sorbonne

Mais pour mieux écouter ce mystère des femmes troubadours qui murmure depuis il y a huit siècles à ses oreilles, "avec mon professeur on a créé un parcours en Occitanie ". En Kyrie va donc remonter le temps en se rendant dans des villes occitanes qui furent le berceau de quelques trobairitz célèbres, Die bien sûr mais aussi Orange, Forcalquier… La Canadienne a aussi traversé l’Aveyron, et se souvient d’avoir visité Belcastel et son " joli pont ".

Mais elle va aussi s’intéresser aux ruines des châteaux, aux vieilles pierres venues du Moyen Âge : "Ce sont des lieux qui m’inspirent, ça n’existe pas du tout au Canada. Je me sens attirée par ces pierres qui sont en train d’être attirée par la nature. Elles interagissent avec mon imagination, elles ont la capacité de raconter des histoires au-delà des mots. J’aime à voir comment cette histoire perdure et coexiste avec notre histoire. Nous avons peut-être tendance à l’oublier en ce moment… "

De ce périple d’une semaine, et de son travail en amont sur le sujet, Kyrie va écrire un mémoire sur les femmes troubadours à la Sorbonne, mais aussi s’inspirer de leur œuvre pour réaliser un album avec l’aide d’un quatuor à cordes dirigé par Clément Ducol. Un album qui est sorti en 2014, baptisé "Modern ruin". "Ce sont des compositions filtrées par mon imaginaire, ma sensibilité, ma sensualité, dit-elle. Ces femmes, je les considère comme des cousines musicales. Mes chansons sont totalement anachroniques par rapport à l’époque médiévale, mais j’établis une sorte de dialogue avec les trobairitz, avec ce passé. "

 

Demain, la physique quantique

De la temporalité, Kyrie Kristmanson passe aujourd’hui à l’espace, au cosmos et aux lois de la physique, avec son nouvel album "Lady lightly", qui sortira le mois prochain. Et qui rend hommage à la physique quantique en version pop électro folk. "Chaque album est pour moi l’opportunité d’explorer un sujet qui me fascine. Une même fascination envers le mystère. La physique quantique, c’est la science des lois les plus fondamentales de notre univers. J’adore cette citation de Coltrane qui dit que " le travail d’un musicien est de se rapprocher des sources de la nature ". Je me suis mise à explorer avec ma fantaisie ces idées de la physique quantique. La science est en train de réenchanter le monde par ses découvertes. D’évoquer ça, c’est une façon de souligner ces idées belles et poétiques. Parce que tout est vertigineusement lié au niveau atomique, ce que soulignent déjà des idées primitives". Quand l’homme a commencé à s’interroger sur l’univers.

Érudite et troubadour, telle enfin est Kyrie.

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