Naucelle et ses foires d'antan

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  • Les foires de Naucelle comptaient parmi les plus importantes du département.     
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Centre Presse Aveyron

Léo Savy nous propose de nous replonger dans les foires d’antan de Naucelle.

Nous sommes en 1492. Le Roi Charles VIII autorise à Naucelle la création de deux foires annuelles, et d’un marché hebdomadaire « pour y vendre, achapter et eschanger toutes matières de denrées licites et comestibles. » Le 25 août 1629, le cardinal de Richelieu passe à Naucelle, accompagné du Maréchal de Bassompierre. Ils coucheront à la ferme château de la Razailhou, où l’historien local Gilbert Imbert naîtra exactement 300 ans plus tard. En 1780, Henri de Richeprey en inspection pour une répartition plus équitable des impôts, fera également étape à Naucelle. Dans ses notes il mentionnera les foires.

Comice agricole

En 1840 est créé « le Comice Agricole de Naucelle », dont le but est l’organisation d’un concours annuel d’animaux des races bovines, porcines, ovines, équines. Il se penche aussi sur les nouvelles cultures, les prairies artificielles, le matériel de labour. Les utilisateurs de la nouvelle araire connue sous le nom de Mousse, ou la Dombasle, seront primés. On se penche aussi sur les moyens de s’attacher les domestiques. Ces Comices sont essentiellement dirigés par les Pagès locaux. Ils seront même présidés pendant quelques années par le Comte de Toulouse Lautrec du Bosc. En 1891, par arrêté préfectoral la date des foires est fixée au 28 de chaque mois. Cette date mémorable du 28 du mois durera jusqu’en 1981. La foire est alors fixée au dernier mercredi du mois. En 1903, la première caisse locale du Crédit agricole de l’Aveyron est créée à Naucelle. En 1912, le Conseil municipal demande la création d’un marché aux poulains ; la demande est accordée. En 1936, création de quatre nouvelles foires le 12 des mois de janvier, février, novembre et décembre. Les foires de Naucelle sont alors parmi les plus importantes du département. Tous les 28 du mois plus de cinquante wagons de bestiaux sont chargés en gare à destination de Montpellier, Marseille, Béziers, Clermont-Ferrand, Paris, l’Espagne (on retrouvera dans les procès-verbaux de réclamation de la gare, en date du 29 juillet 1907, celle d’un marchand de Béziers, dont le wagon n’avait pas été attaché au convoi).

Un « chef-d’œuvre de pagaille »

Rendons nous maintenant à une foire en 1950. La commune compte alors 2 050 habitants (un peu moins de 2000 aujourd’hui). On dénombre, 26 lieux de boisson restauration, 22 épiceries, 20 étables intra-muros correspondant à un cheptel d’environ 230 vaches. Il n’y a pas encore l’eau courante dans les maisons. Elle n’y arrivera qu’en I95I. Après les fontaines municipales en I924, l’électricité est arrivée en I927. Dès les premières heures de ce 28 du mois, affluent des centaines de véhicules motorisés mais surtout d’attelages. Certains viennent de très loin. Les uns portent le bétail des fermes, d’autres le reprendront : camions bétaillère des maquignons, fourgonnettes des bouchers. C’est l’époque du fameux « tube Citroën ». On y vient aussi beaucoup à pied. C’est le grand embouteillage. C’est la foire ! Dans la bonne humeur, dans un esprit festif. C’est un chef-d’œuvre dira quelqu’un, « un chef-d’œuvre de pagaille ». Les veaux, une moyenne mensuelle de I500, de I60 à 220 kg, s’alignent attachés par leur « cabestre » aux longues rangées de barre de fer sur le grand foirail qui leur est réservé. Sur les autres foirails sont amenés porcs et porcelets, moutons, vaches et bœufs. On compte une moyenne de 3 000 porcs et porcelets, autant d’agneaux, une cinquantaine de bovins. À 8 heures sonnantes au clocher, le garde champêtre « lève le drapeau tricolore » fixé au tronc d’un arbre à l’entrée du marché des moutons. La vente peut commencer. À 8 h 30 pétantes au clocher, ce sera l’ouverture du marché des porcs et porcelets. À 9 heures, celle des gros bovins. À 10 h 30, le garde champêtre « lève le drapeau » du grand marché des veaux tant attendu.

Ambiance fiévreuse

C’est un marché fiévreux sur fond sonore de beuglements, de bêlements. On y parle à très haute voix, beaucoup en occitan, avec éclats et grands gestes ; et aussi à voix basse, à l’oreille. Les grands gestes, la gouaille pour le public, le spectacle. L’affaire faite, parfois longue à venir, l’acheteur tape d’un geste vigoureux de sa main, dans celle du vendeur. Avec ses ciseaux sortis de la pochette de sa grande blouse noire, il appose sa marque dans le poil de la croupe de la bête. Parole d’honneur. On ne reviendra jamais sur cette vente. Le fermier conduit ensuite son animal aux bascules municipales. Elles ont été installées dès 1885. La vente se fait au poids. Muni du ticket de pesage il rejoindra pour embarquement de son animal le véhicule du marchand, ou le wagon à la gare. Il n’oubliera pas de récupérer le fort utile cabestre. Le paiement se fera en espèces. Pendant tout ce temps, les fermières, vendent volailles et œufs sur le marché à la volaille, place de l’église. Elles feront ensuite leurs achats dans les boutiques des commerçants, et sur les stands des innombrables forains. On en comptera 150. Banques de chaussures, vêtements, chapeaux, chaussures, vêtements, denrées alimentaires. Les restaurants et bistrots ne désempliront pas. Il faut jouer du coude pour se trouver une place.
Dans l’après-midi la jeunesse se retrouvera au « bal à l’accordéon » dans une dépendance du café Issanchou. La foire finira fort tard. Elle a alors une importance considérable, essentielle, dans la vie économique et sociale du pays. Cette foire de Naucelle inspirera de magnifiques pages du grand poète Jean Boudou. Elles seront chantées par les inoubliables Campaniers du soir.
 

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