Sylvain Prudhomme, l'autostoppeur littéraire

  • L'écrivain Sylvain Prudhomme
    L'écrivain Sylvain Prudhomme Joel Saget / AFP
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Relaxnews

(AFP) - Avec l'autostoppeur compulsif de son dernier roman, "Par les routes", Prix Femina 2019, Sylvain Prudhomme partage le goût du voyage et des rencontres. Et du Sénégal, d'Algérie, de la frontière mexicaine ou d'Arles, il rapporte des histoires: "J'aime les choses vécues".

Si l'écriture est "un désir là depuis très longtemps, depuis le collège", raconte l'auteur, il a atteint, à 40 ans, une forme de maturité et un style d'une simplicité percutante, peaufiné au long d'un parcours singulier.

Né dans le Var, arrivé bébé au Cameroun en 1979, Sylvain Prudhomme a parcouru le monde, et surtout l'Afrique, d'abord en suivant son père Philippe, qui travaillait à la Caisse Centrale, ancêtre de l'Agence française de développement (AFD): Niger, Burundi, Ile Maurice...

Jeune adulte, il retourne en Afrique, pour travailler à l'Alliance française en Casamance, au Sénégal, où il pioche déjà un de ses récits, "Les Grands" (2014), sur un groupe de musiciens de la Guinée Bissau voisine.

Car plus encore que les voyages, Sylvain Prudhomme aime les gens et leurs histoires. "Il a une grande attention à la parole des autres", souffle son éditeur Thomas Simonnet, responsable de la collection L'Arbalète, chez Gallimard.

"J'aime les choses vécues, pas forcément par moi, mais qu'on m'a racontées et qui m'ont marqué. Mon plaisir, en écrivant, est de retourner dans l'épaisseur du moment", ce moment où les personnages "prennent un certain nombre de décisions, au lecteur de savoir s'ils ont bien fait ou pas", explique l'auteur à l'allure de jeune homme et aux cheveux ébouriffés.

Pas question pour lui d'imposer ses vues au lecteur, il refuse que les choses soient "trop soulignées" dans ses œuvres. Un trait qui épouse son caractère, assurent ses proches.

"Infinie douceur"

M. Prudhomme, c'est "une énergie assez exceptionnelle, éreintante parfois", plaisante l'historien Paulin Ismard, un ami depuis la Fac de Lettres à Paris, où il a débarqué à 18 ans. Mais c'est aussi "un désir gigantesque pour le monde et en même temps une grande douceur, une vraie bienveillance".

Son écriture n'est "jamais prétentieuse", abonde l'écrivaine Alice Zeniter. "Je trouve très beau cette humilité, chez lui pas de: +Regarde comme j'ai travaillé ma phrase+. Ça va avec sa personnalité, une infinie douceur. Sylvain est profondément gentil", poursuit l'auteure de "L'Art de perdre".

Cette "grande douceur enveloppante", son éditeur Thomas Simonnet l'avait découverte dans "Là avait dit Bahi", publié en 2012. Sylvain Prudhomme y contait l'histoire de son grand-père maternel, qui a dû fuir l'Algérie à l'Indépendance, en une seule longue phrase, sans ponctuation. "En un souffle", résume l'auteur.

Ce fan de foot, et de l'OM en particulier, a aussi gardé un pied dans le journalisme. Chroniqueur régulier à Libération, il a parcouru en... autostop toute la frontière entre le Mexique et les États-Unis pour un grand reportage publié en 2018 dans la revue America ("On the road").

Mais de l'Algérie à la Guinée Bissau en passant par la frontière mexicaine, le voyageur infatigable a fini par se fixer un peu, à Arles, où sa compagne Aurélie travaille pour les Rencontres de la photographie.

Les jouets de leurs deux garçons disputent aux livres l'invasion du salon de la maison, tout près du Rhône, le nouveau décor de ses romans les plus récents, comme "Légendes" (2016), dans lequel il fait revivre les heures de gloire de la mythique boîte de nuit de la Plaine de la Crau, la "Churascaia", dans les années 1980.

Son éditeur a senti le changement: "Dans ses premiers livres, il rapportait la parole des autres, dans +Par les routes+ il utilise le +je+ pour la première fois".

"C'est quand même une conquête", estime Sylvain Prudhomme. "Je ressentais le besoin de n'avoir la responsabilité que de moi-même", surtout après le polyphonique "Légendes", "où je devais assumer les histoires qu'on m'avait confiées".

L'autostoppeur s'est posé, au moins pour un temps.

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