Saint Geniez d'Olt et d'Aubrac. Jean-Claude Luche prépare ses adieux à la vie politique

  • Jean-Claude Luche, chez lui  à Pierrefiche, « résolument serein » après sa décision.
    Jean-Claude Luche, chez lui à Pierrefiche, « résolument serein » après sa décision. José A. Torres
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Christophe Cathala

Sénateur de l’Aveyron et conseiller départemental, il achèvera au terme de ces deux mandats, en septembre 2020 et mars 2021, l’histoire politique qu’il a construite avec l’Aveyron, après 38 années d’un parcours sans écueil. Une décision surprenante.

La lettre à en-tête du Sénat est partie en milieu de journée, hier lundi 20 janvier, à destination d’un grand nombre d’élus de tous bords, présidents d’associations, adhérents du Fabriqué en Aveyron… En quelques pages, Jean-Claude Luche y retrace de sa plume les grandes lignes d’un bilan, tant local et départemental que national, marqué par un inventaire à la Prévert des réalisations qu’il a accomplies.

Et surtout annonce aux récipiendaires de la missive qu’il raccroche les gants. Ceux de sénateur en septembre 2020, ceux de conseiller départemental en mars 2021. Et de tous les postes auxquels il siège à travers ses fonctions d’élu. Il ira toutefois au bout de ses mandats. " Après des mois de réflexion, il me semble sage d’arrêter cette vie politique, au fur et à mesure du terme de mes mandats en cours. Je ne me représenterai donc pas, lors des prochaines échéances électorales, au Sénat et au conseil départemental, pour essayer de profiter d’une nouvelle vie que je pense bien méritée ", écrit-il avant de remercier tous ceux qui ont croisé sa route, qui l’ont accompagné, qu’il a accompagné.

Il aura 68 ans en août et 38 ans en 2021 de cette vie politique qu’il a décidé de conclure.

Maire de Saint-Geniez, conseiller régional, président du conseil départemental… Autant de fonctions électives auxquelles vous avez dû renoncer un jour au nom du cumul des mandats. Là, rien ne vous oblige. On vous prêtait même l’envie de vous porter à nouveau candidat à la présidence du Département, l’an prochain. Vous agissez donc sur un coup de tête ?

Pas du tout ! C’est une décision que j’ai mûrement réfléchie en compagnie de mes proches, qui ne m’ont d’ailleurs pas influencé. Et j’aurai 68 ans bientôt, c’est d’actualité avec l’âge pivot pour la retraite, non ? En fait, je n’ai jamais eu l’occasion de prendre du temps pour moi, ma famille. Et puis ces 38 ans de vie politique deviennent une contrainte : celle d’avoir tout fait tout mené, passé partout… Je suis un perpétuel insatisfait, il me faut toujours plus, et je n’attends rien de plus : il me faut donc surtout arrêter.

Par peur d’être la cible d’un nombre croissant de citoyens défiants et " dégagistes " à l’égard des élus qui s’accrochent à leurs mandats, partout en France ?

Honnêtement, je n’y ai même pas pensé. Non, c’est une soif de liberté et d’une nouvelle vie qui a motivé ma décision. Je suis quelqu’un de sensible, un grand affectif. Je vais m’occuper de ma famille, mon épouse Rose-Marie (qui est à la retraite depuis trois ans), mes trois filles, mes six petits-enfants.

Ce côté famille et affectif ne transpire pas à la lecture de votre parcours politique…

C’est vrai que j’ai souvent eu du "pif" et l’envie de combattre en politique. Quand je me suis présenté à la mairie de Saint-Geniez en 1995 alors que j’étais jusqu’alors maire de Pierrefiche : toute ma liste est passée du premier coup. Et quand j’ai pris la présidence du Département en 2008 à la suite de Jean Puech qui n’avait pas fait de moi son dauphin. On disait : "Luche est jovial, mais il n’est pas capable pour la fonction". Au début, je travaillais et lisais mes notes des nuits entières pour arriver à prouver le contraire. Ce fut fait. Mais, bref, aujourd’hui le combat est derrière moi, je vais me dévouer à ma famille.

Quitte à délaisser ce qui vous tient à cœur, l’attractivité de l’Aveyron, l’objectif des 300 000 habitants ?

J’aimerais demeurer au sein d’Aveyron Ambition Attractivité, dont j’ai impulsé la création : j’y suis en tant que sénateur, je m’y régale. J’aimerais prolonger à travers mon mandat de conseiller départemental jusqu’en mars 2021. Idem pour Fabriqué en Aveyron. On verra si cela est possible. Il faudra sûrement transformer les organisations. Si mon expérience peut être utile… Mais je ne m’imposerai pas.

Pourquoi annoncer en ce mois de janvier ce retrait programmé, en septembre d’abord et en mars 2021 ensuite ?

Je suis élu depuis 38 ans, et je compte beaucoup de mes amis parmi les élus, qui ne se représenteront pas forcément aux municipales de mars. Je trouve normal de les informer au plus vite. Idem côté Sénat. Par honnêteté vis-à-vis d’eux. D’où cette lettre datée du 20 janvier, car c’est le 20 janvier 1994 que j’annonçais ma candidature aux cantonales à Saint-Geniez. Un symbole en quelque sorte. .

Et puis, il faudra bien préparer votre succession. Vous avez déjà des poulains ?

La page se tourne pour moi et aussi pour l’Aveyron, avec des chaises musicales en perspective, c’est un fait. Je ne m’exprime pas là-dessus, plus tard si nécessaire !

Que regretterez-vous le plus, le Sénat ou le Département ?

Je quitte à regret le conseil départemental. Moins le Sénat, même si je suis fier et honoré d’y avoir été élu, beaucoup de ministres sont mes amis mais je pense avoir fait le tour de la question.

Au Département, c’est un peu différent, je pense avoir rapproché les Aveyronnais du conseil général. Car je suis un homme de terrain et que j’ai coutume de dire qu’il ne faut jamais oublier d’où l’on vient et que l’on ne réussit jamais tout seul.

Beaucoup d’élus qui ont une longue carrière et qui sont convaincus ou contraints d’y mettre un terme redoutent la " peur du vide ", la perte de pouvoir. Êtes-vous vraiment préparé à échapper à la dépression ?

Ma femme et mes filles m’ont dit : "C’est toi qui vois mais ça va te faire drôle !". Préparer cet arrêt, cette nouvelle vie, c’est compliqué, surtout quand on ne sait pas rester inactif. Ce qui me manquera le plus, c’est le contact avec les gens, d’être reconnu par eux. Alors, si je peux être utile au milieu associatif… Je suis serein car au fond de moi, j’ai le sentiment de ne plus rien avoir à me prouver, j’ai pris des coups, j’en ai distribué, j’ai mis tout mon cœur et ma passion dans ce que j’ai fait… Mon souci sera désormais d’être heureux à la retraite.

La " vie d'après "

Jean-Claude Luche se prépare à la retraite, avec cette fois de modestes ambitions. "Le potager, les espaces verts chez moi et mes filles… Et les voyages avec mon épouse. Je n’en ai pas vraiment fait jusqu’alors". Et puis aussi la Grande-Motte où il a un pied à terre, sa piscine dont il attend la construction depuis 18 mois. Et surtout la chasse, au sanglier, sans fusil parfois mais toujours avec quelques-uns de ses quinze chiens pour lesquels il a construit un chenil immense près de chez lui à Pierrefiche, pour leur confort, et un local de détente personnel, avec trophées, machine à café et table à casse-croûte pour ses copains. La chasse lui permet "de faire du sport avec 987 kilomètres parcourus dans les bois entre septembre et Noël, selon mon podomètre !". Soit 28 km par week-end… Et c’est à la chasse qu’il avoue avoir eu autant d’idées pour le département. Plus calme sera sûrement sa fréquentation de l’amicale des retraités du Crédit Agricole à laquelle il adhère depuis sa retraite de cadre de la banque.

Quelques repères

1983. Élu au conseil municipal de Pierrefiche-d’Olt. Il en deviendra maire en 1986, réélu en 1989.

1994. Conseiller général de Saint-Geniez. Le canton deviendra Lot et Palanges en 2015, il ne sera plus conseiller départemental en 2021.

1995. Il quitte Pierrefiche pour devenir maire de Saint-Geniez. Il en deviendra simple adjoint pour respecter le cumul des mandats après son élection à la présidence du Département.

2008. Président du conseil général.

2010. Conseiller régional. Il démissionne de ses mandats municipaux à Saint-Geniez (pour cause de cumul).

2014. Élu sénateur de l’Aveyron (centriste mais sans carte de parti), il démissionne du conseil régional (cumul).

2017. Les règles de cumul changent : un parlementaire ne peut présider un exécutif. Il démissionne donc de la présidence du conseil départemental.