Ceux qui ne se représentent pas : l’âge de raison comme âge pivot

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  • À Villefranche-de-Rouergue, Serge Roques a décidé de passer la main.
    À Villefranche-de-Rouergue, Serge Roques a décidé de passer la main. Repro CPA
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Olivier Courtil

Les maires qui ne repartent pas en campagne représentent environ un tiers des communes en Aveyron.

Moins de pouvoirs, plus de responsabilités. Ce constat traduit le malaise voire le mal-être des maires. En ce sens, voici un an, une étude annonçait que la moitié des maires ne briguerait pas un autre mandat. À quatre mois de l’échéance électorale, cette moitié s’est divisée de moitié pour tomber à un quart. Finalement, en Aveyron, ce serait un tiers des maires qui ne repartirait pas, en attendant encore le choix des indécis.

Dans ce tour d’horizon non exhaustif, certains se réjouissent du devoir accompli pour la cité et de ce qu’ils en retirent comme expérience à titre personnel. C’est le cas de Michel Soulié à Rieupeyroux. "Je me suis régalé, j’ai beaucoup apprécié de travailler au service de la collectivité. Il faut aimer son patelin." Depuis dix-neuf ans à la mairie, il laisse la place à son premier adjoint car "il faut savoir passer la main, le renouvellement, c’est maintenant ". Un bon slogan qui en rappelle un autre…

Charge de travail

De la durée et de l’âge, il en est donc question. Un peu à l’image des campagnes qui vieillissent. Comme un reflet de cette désertification rurale dont on ne voit pas le bout malgré la qualité de vie mise en avant et l’arrivée espérée du numérique pour ranimer l’emploi. Les anciens laissent donc leur fauteuil. À l’instar d’André Raynal à Cantoin, élu depuis 1971. "J’ai 72 ans, il faut faire de la place. " Non sans pour autant dresser un constat à la fois lucide et amer sur l’état du pays. "On est en train d’assister à un lieu d’émergence nationale avec une suradministration portée par des grands technocrates, à l’image des communautés de communes qui ne connaissent pas la réalité du terrain. Les initiatives sont cadrées avec des lois qui pleuvent et non adaptées au territoire. Cela est organisé pour faire voir des bourgs centres et, de façon insidieuse, on vide les campagnes."

À cette remise en cause de l’aménagement du territoire, René Delmas, âgé de 77 ans, à Saint-Amans-des-Côts, y ajoute l’évolution de la société. De l’humanité, avec l’individualisme prenant le pas sur le vivre-ensemble. "C’est de plus en plus difficile d’administrer, les gens on leur doit tout. Ils n’ont que des droits et pas de devoirs. Quant à la communauté de communes, c’est lamentable. On n’existe plus."

Évolution de la société

À l’amertume s’ajoute la charge de travail avec la multiplication des réunions. " Si je ne repars pas, c’est à 50 % à cause des réunions communautaires ", lâche Christiane Marfin, maire de Saint-Chély-d’Aubrac, encore indécise sur son choix. Michel Gantou au Monastère et aux affaires pendant 19 ans, établit un comparatif relevant aussi l’évolution des mentalités. " La société évolue et le rôle de maire avec. Il y a des administrés de plus en plus exigeants et une fonction où l’on accroît les responsabilités. À la retraite, je passe mes journées entières par rapport à mes débuts. On n’a jamais l’esprit libre. " De la disponibilité, c’est ce que met en avant le jeune agriculteur Mathieu Anglade qui a décidé de ne pas se présenter à Castelnau-de-Mandailles. " On met en place une équipe avec un retraité à la tête qui aura du temps. "

Du courage, du cœur et des c…

À l’inverse, le jeune Pierre Ignace à Mur-de-Barrez se lance dans la quête du pouvoir. Au risque de se brûler les ailes ? Comme le confie Didier Eche, à Golinhac : " On est un peu moins innocent qu’au départ. Le plus compliqué, quand on est maire, c’est de dire non et de prendre les décisions difficiles sans intérêt de copinage. " Il faut du courage en somme. Ce que résume symboliquement avec la même lettre en trois mots Alain Cezac, à Mur-de-Barrez. "Cela demande d’avoir de la cervelle, du cœur et des couilles". Et de la sagesse quand vient l’heure de partir, comme déclare Didier Eche : " Je vais cultiver mon jardin, comme Voltaire. "

Ainsi, ces élus qui arrêtent, malgré l’amertume pour certains voire la déception pour d’autres, ont le sentiment du devoir accompli, rempli de rencontres enrichissantes en côtoyant des gens de toutes catégories sociales, conscients enfin d’un horizon de plus en plus nébuleux, faute de moyens, voire de perte démographique pour certains.

L’heure de la relève

Serge Roques, qui arrête après trois mandats à Villefranche-de-Rouergue, résume la situation de bon nombre d’élus. "J’avais envie de repartir car j’en retire beaucoup de satisfactions mais à mon âge, à 73 ans, il faut être raisonnable. Il faut que chaque génération puisse participer à la vie de la cité." L’avenir appartient à la jeunesse. Ou comme l’écrit Victor Hugo : "La jeunesse est le sourire de l’avenir devant un inconnu qui est lui-même." À méditer pour ceux qui prennent le relais.

Trois questions à Jean-Louis Grimal, président des maires de l’Aveyron

En tant que président de l’association des maires de l’Aveyron, que pensez-vous du tiers de maires qui arrêtent ?
Ce fut un mandat très compliqué. Beaucoup jettent l’éponge car il y a une usure. L’évolution administrative oriente vers l’intercommunalité qui sollicite de plus en plus les maires et multiplie les réunions. Les élus ont donné, ils n’ont pas arrêté et on découvre encore des dispositifs issus de la loi NOTRe.

Êtes-vous en contact avec des communes sans candidat ?
Oui, il y a encore beaucoup de communes dans cette situation. Certains repartent par la force des choses.  C’est selon moi un phénomène nouveau lié à la question de l’usure et de la complexité malgré les aménagements de la loi proximité et engagement.

Ne se dirige-t-on pas vers la fin des communes ?
Il y a eu un transfert de compétences avec des baisses de moyens de l’ordre de 25 milliards d’euros au niveau communal. Bilan des opérations : le maire n’est plus le maître. Il faut faire demain des rapprochements de communes pour exister.
 

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