Legs de Montézic : que faire avec 14 millions d'euros ?

  • René Lavastrou (au centre) passe le relais pour gérer ce fructueux mais vertigineux dossier.
    René Lavastrou (au centre) passe le relais pour gérer ce fructueux mais vertigineux dossier. repro CPA
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Olivier Courtil

Suite au don de 14 M€ fait à la ville de Montézic, nous avons interrogé des maires de communes d’une population similaire. Comment utiliseraient-ils cette manne ?

L’Aveyronnais garde la tête froide. Prudent et avisé. Comme en témoignent les maires sondés sur ce sujet qui fait tant parler depuis quelques jours du legs de Montézic. « Je les répartirais aux communes les moins riches. Je rembourserais tous les emprunts et je baisserais les impôts mais il faut en débattre en conseil municipal », déclare Francis Cayron à Boisse-Penchot. Ces élus font preuve d’altruisme, répondant à ce geste de la générosité par la générosité. « J’embaucherais du personnel pour les personnes âgées. Nous avons 38 personnes de plus de 80 ans sur la commune, il faut donner du confort pour qu’elles puissent rester chez elles », dit en ce sens Christian Naudan à Sainte-Eulalie-d’Olt. « Je penserais aux personnes âgées », ajoute Zephirin Quintard à Saint-Felix-de-Lunel.

Patrimoine et tourisme

Le patrimoine tient aussi au cœur des maires. Pour Patrice Viala à Laval-Roquecezières : « Nous avons cinq clochers qu’il faudrait réhabiliter ». À Tournemire, Pascal Rivier, rachèterait et réhabiliterait un couvent pour 4 M€ et tout en gardant « un peu d’argent de côté ». À Campouriez, Monique Boiché en profiterait aussi pour rénover les maisons et aider les gens à pouvoir le faire ainsi qu’à enfouir les réseaux. Toujours en Viadène où se trouvent Montézic et ses 234 habitants, René Delmas à Saint-Amans-des-Côts a son idée : « La piscine ! » dont le projet évalué à 5 M€ a été retoqué par l’intercommunalité. Une piscine, c’est ce qui vient aussi à l’idée de Jacques Gardé à Prades-de-Salars, et de voir plus loin à l’échelle communautaire et le syndicat mixte. « Avec les dix-neuf communes, on pourrait aménager autour du lac, il y a tout à faire à Pareloup. »
Enfin, les maires n’oublient pas le donateur comme l’idée d’un buste à son effigie en souvenir du donateur (à l’instar ci-contre de la place du Bourg à Rodez). La somme, vertigineuse, dépasse l’entendement. Au point d’en rire. Ainsi, le maire de Prades-de-Salars offrirait bien « une Ferrari à chaque conseiller ! »
En attendant la Ferrari, le maire de Montézic a fait effectuer une étude par un expert en généalogie pour s’assurer qu’il n’y avait pas de descendance et laisse le soin à son successeur pour vendre les biens immobiliers du bienfaiteur Bernard Milhau. Ce délai est désormais de deux ans. Un problème de riche, en somme !

La commune invitée à la prudence

Difficile pour une commune de refuser la générosité d’un administré, surtout quand il s’agit d’un tel montant… Et qu’il est exonéré de droits de succession.
Mais pourtant, le don, même quand il obéit aux meilleurs sentiments peut s’avérer être un cadeau empoisonné pour la collectivité, quant aux conditions de son usage notamment.


Compétences et pertinence
Dès lors, la commune peut ne pas accepter cette libéralité quand il lui est demandé en retour d’accomplir ce que la loi ne peut permettre (c’est rare) et plus communément quand elle en viendrait à outrepasser ses compétences réglementaires pour « exécuter » le legs. Ainsi, pas question pour elle de s’engager à créer un collège ou un lycée, compétences du Département et de la Région, voire un Ehpad quand il est soumis à autorisation de l’ARS.
Le code général des collectivités territoriales donne à ce sujet l’éventail des marges de manœuvre accordées aux élus.  De façon générale, la collectivité attributaire d’un legs devra bien évaluer la pertinence et le coût de fonctionnement, sur le long terme, d’un équipement destiné « au bien-être des habitants », comme c’est le cas à Montézic. Une piscine olympique, un parc d’attractions, un hélicoptère pour les baptêmes de l’air au-dessus du village… Attention à bien mesurer les effets d’une telle décision, si tant est soit-il qu’elle ait du sens.
Il reste possible de vendre des legs de nature immobilière si cette vente ne contrevient pas aux clauses établies. La commune devra alors s’appuyer sur les expertises des Domaines…

Le pouvoir des clauses testamentaires
Ces clauses du testament, appelées « charges », peuvent néanmoins être révisées, sous l’égide d’un juge, au bout de dix ans, si elles deviennent trop lourdes pour la commune. Il faut pour cela en justifier, par un changement de circonstances, une évolution du contexte économique et social, par exemple. Fleurir la tombe du généreux défunt n’entre pas vraiment dans ce cas de figure, même si elle n’est pas limitée dans le temps.
Pour le reste, c’est le pouvoir infini de l’imagination qui guide les heureux bénéficiaires, toujours dans le cadre prédéfini par le testament. Ce qui ne veut pas dire, peu s’en faut, que la chose est aisée. 

Et vous ?

Demain, votre commune « hérite » de 14 millions d’euros. Que proposeriez-vous à votre maire pour utiliser cette manne ?
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