Dans les petits villages de l'Aveyron, "maire, c’est tous les jours"

Abonnés
  • Les maires aiment leur commune.. Heureusement !
    Les maires aiment leur commune.. Heureusement ! AFP - Reproduction Centre Presse, archives
Publié le
Ph.R.

En Aveyron, comme ailleurs, la tâche de maire, dans les petites communes est très, très prenante…

Un dimanche matin du mois d’août. Les pelouses qui bordent ce lac du Lévezou se remplissent peu à peu. En cet été chaud et ensoleillé, les poubelles remplies à ras bord témoignent de la foule qu’il y avait à cet endroit même la veille. Dimanche matin, donc, le maire du village en personne se charge seul d’embarquer un à un les sacs des poubelles dégueulant de détritus.

Un soir, un autre village. Un habitant appelle la mairie, inquiet de voir un "gros chien" dans son jardin. Quelques instants plus tard, il voit arriver le maire, lui-même, avec son utilitaire s’occuper d’embarquer le chien perdu. Ces petits gestes du quotidien, chaque maire de chaque petite commune peut en remplir des cahiers entiers.

"Tu verras, ce n’est pas si compliqué…"

Alors qu’il avait besoin d’être conforté dans son idée de se présenter aux municipales, l’actuel maire de Réquista se souvient de cet élu qui lui avait glissé : "tu verras, ce n’est pas si compliqué… Cela te prendra trois après-midi par semaine". Michel Causse en rit encore. " Même si j’ai pris la présidence de la communauté de communes, maire, c’est tous les jours !"

Daniel Julien, élu en 2014 à Pont-de-Salars et travaillant pour un camping : "Il n’y a pas une casquette pour le travail, un autre pour le maire. La casquette du maire, on la garde tous les jours ! Au travail ou pas". Qui plus est dans une "petite" commune. Car dans tous ces petits villages, les maires peuvent témoigner de l’engagement personnel que cela représente. Michel Causse, dans son bureau de Réquista, montre le téléphone portable. " Celui-là, il n’arrange rien". Le "06" du maire est un des téléphones qui doit le plus sonner en France. Des services du département au président de telle ou telle association, ce numéro chauffe parfois.

Mais l’image et le rôle que l’on confère aux maires va a au-delà. Un ancien édile d’un village de l’Est-Aveyron, absorbé par le régime de la commune nouvelle et qui n’a toujours pas digéré la chose, lance : "La mairie, dans les toutes petites communes, est l’endroit où se fait le lien social. C’est là qu’un habitant va venir expliquer ce qui lui arrive, parler, devant un café ou un morceau de fouace. Que la fonction " administrative " de la mairie disparaisse, pourquoi pas, mais il faut à tout prix préserver le lien social qu’elle constitue ".

Paradoxalement, la tâche est de plus en plus lourde pour ces maires, qui voient leurs communes de plus en plus dépouillées au profit des "com’com". "Il ne reste que le social, les problèmes de voisinage, moi, ça ne m’intéresse pas ", souffle un ancien conseiller municipal qui a décliné la proposition de rejoindre une liste.

"De notre côté, nous avons du personnel sur qui on peut compter. On ne se plaint pas. C’est plus difficile dans de toutes petites communes ", convient le maire de Réquista. Avec ce sentiment qu’ils n’ont pas tout à fait la même fonction que les maires des communes les plus importantes.

Des maires cumulent plusieurs responsabilités, à la mairie, à la communauté de communes, au département et autres structures du "millefeuille"… et gardent leur travail. " Comment font-ils ? ", sourit un élu.

À Compeyre, dans le Sud-Aveyron, Patricia Pitot-Migayrou, maire et mère, glissait à nos confères de Midi Libre : "Je comprends qu’il y ait peu de femmes qui se lancent. Notamment jeunes, à cause du temps que ça prend." Et de souligner le rôle précieux que joue son mari, agriculteur, pour lui permettre de mener à bien sa mission de maire et de mère de deux enfants.

Le soutien de la famille

Pour Daniel Julien, qui brigue un second mandat à Pont-de-Salars, c’est la possibilité de s’appuyer sur des adjoints et des employés qui permet de ne pas "crouler". Puis il y a le soutien de la famille. Le plus précieux.

En bon médecin, Michel Causse estime toutefois qu’il faut garder "un stress quotidien pour vivre longtemps ". Entendez par là un "bon" stress. Pas le stress négatif, sans doute vécu par le maire par intérim de Najac qui, cet été, a retrouvé les quatre pneus de sa voiture crevés. Ou celui qui vous ronge quand il faut aller annoncer une mauvaise nouvelle à une famille du village. Mais plutôt celui de l’organisation d’une inauguration, la célébration d’un mariage…

Mais ce grand écart est aussi le quotidien d’un maire.

En novembre, la grogne des maires des petites communes avait résonné un peu partout dans le pays. Jusqu’à inquiéter le président de la République face à tant d’exaspération chez ces hommes et femmes qui ne comptent pas leurs heures. Et le mal semble profond. En décembre 2019, une loi Engagement et Proximité a été adoptée, souhaitant faciliter la vie des conseils municipaux dans les petites communes.

Outre la problématique de l’engagement, l’image renvoyée par ces maires qui se donnent sans compter dans leurs petits villages a de quoi effrayer. "Puis il faut reconnaître que ce mandat, avec les nombreuses réformes qu’il a fallu appliquer, n’a pas été des plus tranquilles", estime Michel Causse.

À quelques jours du dépôt de listes pour ces prochaines municipales, aucune commune de l’Aveyron ne se trouve toutefois dépourvue de candidats et de listes. Ce qui n’est pas le cas partout.

Mais dans six ans ?

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?