Sud-Aveyron : le “préfet loup” découvre à Cornus les contraintes de l’AOP roquefort

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  • Jean-Paul Scoquart, éleveur, a notamment abordé la question des tirs autorisés par les agriculteurs.
    Jean-Paul Scoquart, éleveur, a notamment abordé la question des tirs autorisés par les agriculteurs. Cé. G.
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Célian Guignard

Jean-Paul Celet s’est rendu à Cornus, jeudi 20 février, pour visiter le Gaec de Caussenuéjouls. Pour la première fois, le haut fonctionnaire a effectué un déplacement "hors du cercle alpin".

L’AOP roquefort est l’une des principales richesses de l’Aveyron. Directement ou indirectement, elle emploie près de 6 000 personnes. Près d’un an après que le secteur a été classé Zone difficilement protégeables (ZDP) face à la prédation du loup, Jean-Paul Celet, nouveau préfet référent sur cette question, s’est rendu, hier, à Cornus pour visiter le Gaec de Caussenuéjouls. "C’est ma première véritable visite hors du cercle alpin ", a-t-il confié en préambule.

Le haut fonctionnaire a pu se confronter aux contraintes, aux craintes et aux traumatismes des éleveurs. " Nous avons 520 ha sur notre Gaec, dont 127 de terres cultivables, a détaillé Nicolas Fabre, l’un des quatre cogérants dont la production de lait est destinée à Société des caves. Le reste, ce sont des prairies naturelles pour le pâturage."

"Trois ans de cauchemar"

L’agriculteur est rapidement rentré dans le vif du sujet : " Nous avons eu une première attaque en mai 2016. Sur quarante animaux, une brebis était morte. Une seconde était couchée au sol avec les viscères dehors… Nous avons eu deux autres attaques et dix brebis tuées ou euthanasiées. Nous avons eu des bêtes blessées qui attendaient l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage)… C’était insoutenable. Nous avons même eu une attaque, une nuit, alors que nous étions en production. La bête est arrivée avec la moitié de la cuisse arrachée. Ça a été trois ans de cauchemar. Depuis quelque temps, nous avons un certain répit. Mais nous sommes inquiets pour la suite. Nous faisons un produit de qualité, qui correspond aux attentes du consommateur. Si vous mettez un loup au milieu, ça devient très compliqué."

Une baisse de la productivité des brebis ?

Face à ses attaques, un phénomène a été observé par les agriculteurs de différentes exploitations : une baisse du rendement de leurs animaux. " Nous n’accusons pas seulement le loup, poursuit Nicolas Fabre. Il y a peut-être aussi d’autres facteurs, comme le réchauffement climatique. Mais toujours est-il que nous avons de plus en plus de brebis improductives. En 2016, elles étaient 30 ou 40. En 2019, nous en avions 130 sur 530. Le manque à gagner est énorme. Nous avons, avec Société, un volume de lait contractualisé que nous n’avons pas pu atteindre. De plus, alors que ce n’est pas notre habitude, nous avons dû acheter du fourrage pour relancer la productivité de certaines bêtes."

Autorisation de tir

Les agriculteurs touchés par des attaques sont nombreux, que ce soit sur les causses ou dans les vallées. Jean-Paul Soquart, ancien éleveur à Sainte-Eulalie-de-Cernon, qui estime à "une centaine " le nombre de ses brebis tuées, "sans compter les agneaux disparus ", était aussi présent. Il est notamment revenu sur l’autorisation de tir, pour les agriculteurs détenteurs d’un permis de chasse, prévu par la ZDP. " Ce n’est pas à nous de tirer, mais à l’État, a-t-il estimé. Ça pose de gros problèmes de sécurité quand, après une journée de travail, vous partez chasser le loup, parfois au petit matin."

La protection des troupeaux est un vaste sujet en Aveyron. Et le préfet référent Loup a concédé que " certaines mesures risqueraient d’anéantir tout l’écosystème". Il avait d’ailleurs été question d’introduire 2 400 chiens de montagne des Pyrénées, autrement appelés patous, et d’un investissement de 33 millions d’euros pour fermer les espaces de pâturage. Une idée qui avait rapidement été balayée par l’ensemble de la profession.

Cinq cent trente loups en France

Recensement Selon le dernier comptage de juillet 2019, quelque 530 loups vivraient en France. « Nous avons des éléments qui disent que ce chiffre n’a pas baissé, a précisé Jean-Paul Celet, préfet référent loup, lors de sa visite, hier, à Cornus. Cinq cents, c’est le seuil de viabilité de l’espèce. »
Les Alpes accueillent la plus grande concentration de loups, avec des meutes constituées et de lourdes conséquences pour les éleveurs. « Il peut y avoir dix attaques par semaine et, parfois, jusqu’à cent victimes par jour. À l’échelle du pays, 50 élevages représentent 30 % des attaques », déplore le préfet.

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