Rodez. Emmanuelle Fayel : "Ouvrir la voie parce qu’il y a encore tant à construire !"
"Quand Lily-Rose est devenue mère sa vie a changé. Quand elle est devenue mère à nouveau, sa vie a basculé." Autrice du livre "Un inconnu, si proche", la Ruthénoise Emmanuelle Fayel, mère d’un enfant autiste, se confie.
Après la naissance de votre deuxième enfant, diagnostiqué autiste, vous avez pris la plume dans un livre d’une rare sensibilité. Une façon de briser l’isolement dont vous faites état dans ces pages ?
J’ai commencé à écrire lorsqu’il y a eu une suspicion d’autisme sur mon fils. A une époque où je ne savais pas trop où aller, vers qui me tourner. Je n’avais personne, même pas les clés pour me dire tiens, je suis devant un enfant autiste. D’où ce besoin d’écrire. Sans être exhaustif, sans vouloir tout raconter, parce que des témoignages il y en a plein, sans être didactique non plus. Mon but est d’interpeller, de faire suivre de façon épurée, poétique, le cheminement d’une maman confrontée à l’inconnu, son enfant, à la fois très proche et éloigné du fait de ce phénomène sous-jacent. Le cheminement, c’est celui-là.
Il ne s’agit pas pour autant d’un livre autobiographique. Pourquoi cette "distanciation" alors que l’on comprend assez vite qu’il s’agit de votre histoire ?
Pas uniquement. Étant bénévole dans l’association de parents d’enfants porteurs d’autisme (CRI46), je suis régulièrement en contact avec le ressenti des parents, leurs questionnements que l’on retrouve aussi dans ce livre. Le but ici, n’était pas de parler de moi mais de l’autisme. Je n’avais pas, non plus, envie d’exposer mes enfants. C’est assez délicat parce qu’on se rend compte, malgré tout, que si on ne parle pas, si on ne médiatise pas, on a du mal à se faire entendre, à se faire comprendre et donc, in fine, à mieux inclure nos enfants. Les choses se doivent d’être dites au grand jour pour être entendues.
Vous parlez d’acharnement, de "l’acharnement destructeur" de ceux qui font porter la responsabilité du diagnostic sur les parents.
Il faut savoir que pendant des dizaines d’années, la théorie dominante en France était celle de Bruno Bettelheim. Un psychanalyste qui dans son livre "La forteresse vide" expliquait que les enfants devenaient autistes parce que leurs mères ne les désiraient pas : des "mères frigidaires" selon lui. Cette idée s’est répandue en France, a doiné. Heureusement, les neurosciences l’ont totalement invalidé, mais encore aujourd’hui, on a tous entendu, que ce soit dans la rue ou face à des professionnels, que notre enfant était "mal élevé."
Vous évoquez aussi la difficulté de prise en charge ?
Tout est toujours très compliqué.
Au niveau des droits, au niveau des délais : pour avoir un diagnostic, il faut parfois attendre un an et demi, deux ans, voir plus. Il faut savoir aussi frapper aux bonnes portes. Et sans le concours des associations, c’est assez compliqué pour les familles. Compliqué parce qu’on est encore difficilement informés de nos droits et de la façon de les mettre en œuvre. La loi de 2005 est bien jolie mais dans les faits ce n’est pas encore ça.
Les choses semblent, malgré tout, évoluer. Sans doute trop lentement…
Le but n’est pas de dénoncer telle ou telle chose mais d’interpeller, "d’ouvrir la voie" parce qu’il y a encore tant à construire ! Je veux aussi montrer que face à ces difficultés, on peut réagir et construire de façon extrêmement résiliente. Dans le handicap, on se sent souvent très seul, ce livre montre que l’on peut rendre plus "léger" ce sentiment de solitude, d’isolement.
"Un livre résolument optimiste" ?
C’est le cas. J’ai voulu montrer que malgré les difficultés, on en sort grandi. J’ai été très fragilisée au début par tout ça, mais paradoxalement j’ai le sentiment d’être aujourd’hui plus forte qu’avant, d’avoir gagné en maturité, de percevoir le monde peut-être différemment. De tendre vers davantage de sagesse en me détachant de certaines choses un peu vaines finalement.
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