Ces commerçants qui restent ouverts… et se demandent bien pourquoi

  • Jérôme Prat.
    Jérôme Prat. C.C.
  • Vincent Foucault.
    Vincent Foucault. C.C.
  • Laurent Saint-Beauzel.
    Laurent Saint-Beauzel. C.C.
  • Christophe Majorel.
    Christophe Majorel. C.C.
Publié le
Christophe Cathala

Hors les rayons des supermarchés, point de salut pour les commerçants. Ceux qui sont obligés de rester ouverts ne sont pas loin de le penser, faute de clientèle. Regard à Laissac sur un problème commun à tous.

La ruée dans les supermarchés ne doit pas occulter l’existence d’autres lieux de ravitaillement, priés de rester ouverts par les mesures gouvernementales, pour la valeur des services qu’ils rendent à la population.

Ainsi à Laissac, bourg centre rural où chacun comme ailleurs se confine, la Maison de la presse qui diffuse de la lecture, à commencer par les journaux quotidiens. Jérôme Prat, son gérant, a décidé jeudi de n’ouvrir que le matin. " La fréquentation est en baisse chaque jour un peu plus, les gens ont pris conscience de ce qu’on leur demande : rester à la maison. Pourtant, on a des Parisiens qui sont redescendus ici dans leur famille… Mais on n’est pas là pour inciter la clientèle à consommer ", prévient-il. La Maison de la presse assurait le dépôt des colis pour Mondial Relais. Le gouvernement a suspendu ce service, au nom du confinement.

"Personne à qui parler"

Dans un tel contexte, internet est un peu plus encore la bête noire. "Il ne faudrait pas que la clientèle se jette sur les commandes via le web, livrées à domicile, et y prenne goût. Le redémarrage sera compliqué, on aura besoin de tout le monde pour relancer les affaires le moment venu. Heureusement que l’on a encore la presse, les magazines de jeux et les coloriages pour occuper les enfants…" Jérôme Prat délivre des attestations de sortie ce qui génère un peu de flux dans son commerce et crée le dialogue. Quand il y a du monde, ce qui n’est pas toujours le cas. "Je ne sais plus à qui parler", avance tristement une personne âgée qui vient d’acheter le journal.

Un salut : la livraison à domicile

À quelques mètres de là, Vincent Foucault, gérant de l’enseigne Proxi, prépare un cageot rempli de victuailles qu’il va aller porter chez les clients. " On fait beaucoup de livraisons à domicile, pour l’Ehpad ou le foyer logement. Mais l’on n’a rien pour se protéger et protéger les clients, c’est le souci. Et l’on subit des ruptures d’approvisionnement par nos fournisseurs. Alors, la semaine prochaine, je ne livrerai plus que deux jours, le vendredi et le samedi… ".

Un phénomène nouveau émerge : " Les gens se regroupent entre voisins pour réceptionner leurs commandes ". La livraison à domicile est devenue un sésame pour garder le contact avec la population. Ainsi l’hôtel-restaurant Cazes, prié de fermer sa table, propose chaque jour des plateaux-repas portés à domicile sur commande. Une solution pour celles et ceux qui ont peur des sorties, même justifiées.

Dur de fournir les artisans

Un peu loin, Laissac Bricolage est censé faire le bonheur de ceux qui cherchent à s’occuper. Mais depuis mercredi, "on tourne à 10 % de notre activité", constate Laurent Saint-Beauzel, gérant du magasin. "Dans un tel contexte économique, on devrait fermer. Mais je vends des granulés bois pour le chauffage et du gaz, je suis obligé de rester ouvert. D’autant que j’ai aussi une activité essentielle aux artisans : les matériaux de construction. Mais le ciment vient d’Espagne et les deux carrières qui me livrent sont fermées… On épuise les stocks, après, je ne sais pas ce que l’on fera. De toute façon, les règles changent tout le temps". Laurent et son épouse Isabelle se résignent à une sereine fatalité. Et gardent encore le sourire même si 50 % de leurs clients, surtout des artisans, ont un compte. ce qui confrontera le couple à d’inévitables problèmes de trésorerie. Des artisans de moins en moins nombreux apparemment : "Beaucoup ont jeté l’éponge et espèrent que le chômage partiel leur viendra en aide".

Lieu de vie en panne

Non loin de là, à Bertholène, la station Total se met en veille. Christophe Majorel a fermé hier vendredi soir, son atelier de mécanique. "De toute façon, je commence à avoir du mal à trouver des pièces pour réparer. Et j’ai du mal à faire comprendre, notamment aux retraités, que je ne peux plus assurer la vidange et le changement des pneus… " Des retraités qui, pour le coup, ne viennent plus comme à leur habitude, boire le café à la caisse et discuter entre eux. Le garage Total est aussi un lieu de vie que le confinement a réduit au silence. "Regardez la RN88 : pas un chat ! On se croirait un dimanche. De moins en moins de voitures s’arrêtent à la pompe". Et Christophe Majorel a pris à contrecœur la mesure du problème : "Je vais mettre la station en automate, par solidarité avec tous les autres garages de l’Aveyron, comme le suggère la fédération des artisans de l’automobile. J’habite tout à côté : je resterai disponible pour les entreprises qui ont un compte pour le carburant, et l’assistance-dépannage sera maintenue pour tous 24 heures sur 24. Au-delà de ça, je me confine…"

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