Rodez. ScarnaFishing, le Mouching… les Aveyronnais au bout de la ligne
Ils ont fait de la pêche loisir une passion dévorante qu’ils partagent désormais via leurs sites web. Rencontre avec des amateurs heureux, droits dans leurs bottes.
Elle aurait pu être la dernière activité nature autorisée en période de confinement. Le décret gouvernemental publié le soir de l’ouverture en a décidé autrement. Au grand dam des pratiquants. Mais dans un département qui fait figure de paradis pour tous les amateurs de gaule, la pêche reste un trésor en Aveyron. Un trésor que certains ont décidé de partager avec le plus grand nombre. Premier à avoir lancé la tendance, Cyril Kamir, natif de Montrozier installé à Paris, a créé Le Mouching, un site web pour les "moucheurs" de tous bords. "Il y a 10 ans, on a décidé avec quelques potes de lancer Le Mouching car on ne trouvait pas ce que l’on cherchait sur les sites ou les forums, souvent très sectaires, où chacun défendait sa petite chapelle et écartait celui qui ne plaît pas".
Le résultat n’est pas piqué des vers ! Salué pour la qualité de ses contenus, Le Mouching détonne. "Chez nous, vous allez retrouver tout ce dont on parle lors d’une sortie pêche entre potes. De cinéma, de bouffe, de bouquins, de musique… et pas spécialement de matériels, de technique pure, de taille de poissons."
Un parti pris "un peu décalé" qui fait aussi la force de ScarnaFishing. Lancée en 2015 par deux musiciens du Sud-Aveyron, la chaîne Youtube dédiée aux "chasseurs de carnassiers" a trouvé son public. Avec ses 80 000 abonnés, et ses 40 000 followers (Instagram et Facebook) ScarnaFishing s’impose comme l’un des sites références en France. Et là encore, le ton choisi n’y est pas étranger.
"D’abord un mode de vie"
"Nous avions la volonté de montrer la pêche sous son aspect ‘franche camaraderie’, ce qui était encore assez inédit. Un côté ‘pêche entre potes’et la vie qui va avec. On se montre tels qu’on est Tant pis, si on est ridicule, si le moteur du bateau tombe en panne, si on mange dans un mauvais resto entre à midi – oui, c’est arrivé !-… tout ça, on le montre aussi. C’est ce qu’explique Anthony, coprésident heureux, qui après les études, la musique et les filles”… Avec Jérémy, son associé, le natif de Saint-Affrique réussit même à en vivre : "Les débuts n’ont pas été simples, développe Anthony. Faire comprendre à sa famille qu’on va gagner sa vie en pêchant, ce n’est pas commun, il faut bien l’admettre. Mais après cinq ans d’investissement, on a tous les deux réussi à en faire un métier à plein temps."
Séduites par le savoir-faire de ScarnaFisching, les marques de matériels dédiés n’ont pas tardé à investir sur les deux Aveyronnais. "On est devenu des influenceurs en quelque sorte. Elles ont voulu s’associer à nous", explique Anthony. Et profiter ainsi de la belle communauté des abonnés.
Aujourd’hui, ScarnaFishing, c’est un site, une chaîne Youtube, une agence de communication, de production audiovisuelle, une marque de leurres aussi… "Rassurez-vous, on a quand même le temps de se retrouver au bord du ruisseau. On allie travail et plaisir car depuis nos débuts, un peu balbutiants, on essaie de publier une vidéo par semaine. On en a déjà tourné 300 environ mais on ne compte pas s’arrêter de sitôt." Jugée passéiste, désuète, à la limite de l’anachronisme parfois : avec ses nouveaux ambassadeurs, la pêche retrouve des couleurs et suscite un regain d’intérêt chez les plus jeunes qui représentent 30 % des licenciés. "Je crois en effet qu’un nouveau type de pêcheurs est né, reconnaît le directeur de la Fédération aveyronnaise de pêche. Plus sensibles à l’environnement, au cycle de l’eau, au fonctionnement des rivières, à la reproduction des espèces. Plus attentifs à la problématique plus générale de la gestion de l’eau et des espèces."
"Telle qu’on la voit aujourd’hui, la pêche s’est désolidarisée de la chasse dans le sens nature, pêche et tradition. Cette image, on l’a dynamitée ! On prône davantage une pêche sportive, de mouvement", revendique Anthony.
Retour en grâce
La pêche serait-elle devenue sexy ? Le regain d’intérêt que suscite la pratique chez les annonceurs, le nombre croissant de sites dédiés, de blogs, comptes Instagram ou encore l’intérêt croissant des départements pour en faire un argument touristique de premier plan plaident en ce sens. Le nombre de pratiquants en hausse – légère – mais constante depuis plusieurs années confirme également cet engouement. À elle seule, la pêche en eau douce compte près de 1,6 million de licenciés en France, ce qui en fait la plus grosse fédération en nombre d’adhérents après celle de football (2,1 millions).
On retrouve aussi dans la pêche ce côté micro-aventure, ce côté liberté, nature, respect de l’environnement, détente, convivialité. Des aspects qui sont précisément dans l’air du temps, poursuit Cyril Kamir. Il ne faut pas se leurrer (!), les mecs à Paris ou ailleurs ont aussi envie de rêver devant leurs écrans. Le Mouching, et la pêche en général, permettent ça. Apprécier une belle vidéo et se dire : c’est ça que je veux faire, c’est là où je veux être !"
"Publier des vidéos de brochets d’un mètre n’est plus une finalité en soi, abonde Anthony. La pêche, avec tout ce qu’elle véhicule, est devenue un art de vivre à part entière. Chez ScarnaFishing, on s’attache davantage à produire de belles images… Surtout en Aveyron. Filmer le lac de Pinet ou les Raspes du Tarn au petit matin, c’est juste sublime !"
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