Rodez. Dr Ray : "Il y aura un pic épidémique majeur en Aveyron"

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  • L’infectiologue Simon Ray  (à gauche), hier dans les couloirs de l’hôpital, aux côtés du médecin en chef du service des maladies infectieuses, Bruno Guérin. L’infectiologue Simon Ray  (à gauche), hier dans les couloirs de l’hôpital, aux côtés du médecin en chef du service des maladies infectieuses, Bruno Guérin.
    L’infectiologue Simon Ray (à gauche), hier dans les couloirs de l’hôpital, aux côtés du médecin en chef du service des maladies infectieuses, Bruno Guérin. Repro CP -
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Recueillis par Mathieu Roualdés

Jeudi dernier, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, l’infectiologue Simon Ray de l’hôpital de Rodez prévenait : "Le virus circule largement en Aveyron, restez chez vous". Moins d’une semaine après, son message a totalisé près de 200 000 vues. Sur le front depuis le début de la crise, ce médecin de 35 ans n’a pas changé de discours. Pis, comme ailleurs en France, il s’attend à connaître un pic d’épidémie, dans les prochains jours, voire semaines. Entretien.

Depuis votre prise de parole sur les réseaux sociaux la semaine passée, comment a évolué la situation à l’hôpital de Rodez ? Redoutez-vous un pic d’épidémie dans les prochains jours ?

Il est certain qu’au regard des exemples du nord de l’Italie et du Grand Est, on doit considérer qu’il y aura un pic épidémique majeur dans l’Aveyron.

Notre département n’est pas épargné. Le nombre de cas est clairement croissant. Surtout, le nombre de cas aujourd’hui confirmés ne correspond plus au nombre de cas réels dans la population.

Depuis le passage en stade 3 de l’épidémie, la stratégie de dépistage a évolué. On ne dépiste plus les cas n’ayant pas de critères d’hospitalisation, dits “non graves”,. Le nombre de tests est désormais limité et on les utilise seulement pour les gens qui en ont réellement besoin.

De nombreuses personnes sont donc porteuses du Covid-19, sans réellement le savoir ou sans symptômes graves ?

On n’a pas le nombre de cas réels, mais on était à 67 personnes testées positives mardi soir… Mais, on sait que les médecins généralistes voient quotidiennement des patients avec des symptômes compatibles avec le Covid et ne sont pas forcément comptabilisés.

Redoutez-vous un scénario à l’italienne ?

Il est très difficile de répondre à cette question car beaucoup de paramètres entrent en jeu. Ce qu’on peut dire c’est que l’Italie a eu un début d’épidémie différent du nôtre. Là-bas, c’était un foyer contaminé. On a tardé à le prendre en charge et le confinement est arrivé tardivement également… En France, nous sommes davantage sur un modèle de “cluster”, avec l’Est de la France très touché par exemple. Mais les mesures de confinement ont été rapides. En Aveyron, on présente un avantage : la distanciation sociale est plus élevée qu’ailleurs, il y a moins d’habitats collectifs. Mais, franchement, on ne peut pas prédire l’avenir.

Si le pic d’épidémie venait à arriver très rapidement, l’hôpital de Rodez pourra-t-il y faire face ?

Aujourd’hui, notre plan pour y faire face tient toujours. Nos unités ne sont pas saturées. Et même si cela peut arriver dans le futur, notre hôpital s’est tourné sur une organisation à 100 % sur la gestion de cette crise, il n’y a plus de médecine de spécialité. Car on s’attend à voir le volume de patients pris en charge augmenter au fil des jours. La collaboration avec les autres structures aveyronnaises est également très importante. Aujourd’hui, les hôpitaux de Villefranche-de-Rouergue et de Millau peuvent recevoir des patients atteints du Covid-19, ce qui n’était pas encore le cas la semaine dernière… On s’organise au mieux. On ne cesse de développer des stratégies pour faire face à un pic épidémiologique.

Quel est le profil des personnes atteintes du Covid-19 prises en charge à l’hôpital à ce jour ?

Vu que nous ne recevons que des patients avec des signes de gravité, ils sont statistiquement plus fragiles que les autres, plus âgés également et présentent souvent des signes de comorbidité. Mais en ville, il y a des patients bien plus jeunes… L’Aveyron présente exactement le même profil épidémiologique qu’ailleurs.

Quant aux symptômes présentés, évoluent-ils au fil des jours ?

On a des patients peu symptomatiques, voire totalement asymptomatiques chez les enfants par exemple. Chez les adultes, le problème respiratoire revient souvent… Quant aux personnes âgées, ça varie beaucoup entre chaque patient. Mais, on découvre la maladie au fur et à mesure. L’avantage, c’est qu’il y a un échange très fort entre les professionnels de santé, les scientifiques. Il faut se tenir informé et être très réactif.

Un traitement, la chloroquine, est beaucoup évoqué ces derniers jours. Qu’en pensez-vous ?

Aujourd’hui, les données ne cessent d’évoluer sur la maladie et nous n’avons pas un haut niveau de preuves pour un traitement plus qu’un autre. L’équipe médicale de Marseille défend le bienfait de la chloroquine, nous, on attend d’avoir davantage d’informations scientifiques dessus… Cela ne veut pas dire que la chloroquine n’est pas efficace. Puis, outre le traitement en tant que tel, il faudra également prendre en compte la chaîne d’approvisionnement de celui-ci…

L’hôpital de Rodez bénéficie-t-il de chloroquine si l’efficacité du traitement venait à être prouvée ?

Oui, nous en avons.

Dans votre vidéo, vous aviez également longuement insisté sur la nécessité de respecter scrupuleusement les règles de confinement. Pensez-vous qu’un prolongement de ce dernier doit être acté désormais ?

Ma prise de parole, c’était avant tout pour passer un message local, dire que le Covid-19, ce n’était pas simplement le problème des voisins mais bien celui des Aveyronnais. Aujourd’hui, oui, je pense qu’il faut un prolongement du confinement car l’épidémie progresse toujours. La situation reste encore relativement maîtrisée et il faut que cela dure. Et cela passe par un confinement. Oui, car toutes les données montrent qu’il y a toujours une progression de l’épidémie. Le confinement n’a toujours pas permis d’inverser cette courbe.

Un confinement avec des règles plus strictes ?

Si tout le monde fait déjà preuve de civisme, je ne suis pas certain que ce soit nécessaire.

Le retour des Aveyronnais de Paris, et d’autres métropoles, a inquiété plusieurs personnes. Est-ce votre cas également ?

On a analysé cet élément car il est certain qu’en région parisienne, la circulation virale est plus importante qu’ici. Mais sur ce point également, il suffit d’être citoyen. Les personnes de retour dans l’Aveyron doivent respecter les règles, rester chez eux.

En tant que médecin et personnel soignant plus généralement, vous êtes en première ligne dans cette “guerre” contre le Covid-19. Craignez-vous également une contamination ?

Les chiffres sur le personnel soignant en Chine ou encore en Italie sont inquiétants, surtout lors du pic de l’épidémie. On doit craindre ce risque même si, comme je le répète, nous faisons notre travail et nous prenons toutes les mesures pour éviter le risque infectieux. Car on sait que dans d’autres cas, cela a extrêmement impacté l’activité du personnel soignant. Mais, il faut voir le côté positif de ce risque : aujourd’hui, il y a une solidarité importante dans l’hôpital et les rangs se serrent.

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