Rodez. Dr Rohmer : "Il faut donner un sens au confinement"

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  • Le Dr Gérard Rohmer (2e en partant de la droite) et le personnel soignant de Sainte-Marie,  à l’instar de celui de Jacques-Puel, appellent les gens à rester chez eux. Et ainsi à les aider…
    Le Dr Gérard Rohmer (2e en partant de la droite) et le personnel soignant de Sainte-Marie, à l’instar de celui de Jacques-Puel, appellent les gens à rester chez eux. Et ainsi à les aider… -
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Propos recueillis par Mathieu Roualdés

Psychiatre et médecin chef de l’UADO de Sainte-Marie, le docteur Gérard Rohmer livre quelques conseils pour résister au confinement et gérer notre angoisse liée à la crise du coronavirus. Si d’un point de vue purement psychiatrique, il admet que la claustration n’a pas que du bon, surtout si elle vient à durer, il tient néanmoins à relayer le message de tout le personnel hospitalier : "Restez chez vous, aidez-nous". Entretien.

Épidémie sans précédent, confinement historique… les urgences de l’hôpital Sainte-Marie sont-elles prises d’assaut en ces temps angoissants ?

Le stress monte, c’est certain mais pour l’instant, nous n’avons pas forcément relevé un afflux massif… En revanche, nous recevons beaucoup d’appels téléphoniques et une nouvelle patientèle depuis le début du confinement. Avec par exemple la prise en charge d’adolescents qui, enfermés dans un petit espace et parfois avec une cellule familiale compliquée, ne parviennent pas à expulser leurs tensions.

Quelles répercussions psychologiques sur tout un chacun peut créer un tel confinement ?

Le confinement n’est pas un fonctionnement normal. C’est un mécanisme de contraintes, de privation de liberté, d’autonomie. Donc cela peut créer une tension psychique. Le danger, c’est si cela dure. L’anxiété peut augmenter. Plusieurs études prouvent que les facteurs s’aggravent après le 10e jour. Les premiers signes inquiétants sont une baisse de moral, une certaine dépressivité et un entrain naturel qui s’éteint progressivement.

D’un point de vue purement psychiatrique, mieux vaut que ce confinement ne s’attarde pas trop dans ce cas…

Absolument même si je tiens à le préciser et le répéter : il faut absolument respecter les règles du confinement ! Mais, à chaque prolongement de ce dernier, nos repères vont être bouleversés. Il faudra une explication très claire de la part de nos politiques. Ils se doivent d’être le plus transparent possible en indiquant des dates précises, l’avancée exacte de l’épidémie. Et surtout, ils se doivent d’offrir un sens à ce confinement. Pour bien le vivre, tout le monde se doit de comprendre qu’il est nécessaire pour nos soignants tout d’abord. Puis pour se protéger soi-même, ses proches, renforcer la cohésion de la société. Il est nécessaire de renforcer notre sens de l’altruisme pour passer cette période. Et d’ailleurs, on le voit déjà : le personnel soignant est ravi quand les gens applaudissent à leurs fenêtres, il est, en revanche, mal quand on voit des personnes continuant à se promener dans les pars…

Existe-t-il des clés, des solutions pour mieux vivre ce confinement et faire face à une angoisse soudaine ?

Premièrement, la plupart de la société a aujourd’hui une grande chance avec l’accès à internet. Cela offre une ouverture sur l’extérieur, on peut échanger, s’évader… Maintenant, il faut bien utiliser cet outil. Il ne faut pas, par exemple, lire à l’infini des articles sur l’addition du nombre de morts, les nouveaux cas dans le monde. Bref, il faut parvenir à s’évader du "coronavirus", en écoutant de la musique, en lisant, en regardant des paysages sur son ordinateur… Puis, il ne faut pas hésiter à téléphoner. On le voit ici, à Sainte-Marie, avec une cellule d’écoute qui fonctionne bien depuis le début du confinement. Cela rassure les gens, parfois très isolés.

Et pour les personnes les plus fragiles, comment faire face à une telle situation ?

C’est difficile… C’est une source de stress supplémentaire. Récemment, deux personnes ont été hospitalisées car elles ne parvenaient pas à imprimer ce nouveau cadre. Elles s’exposaient fréquemment aux autres, malgré les nombreuses remontrances et amendes des forces de l’ordre. Certains sont incapables d’imprimer les règles d’un tel confinement. On a également eu une personne qui s’est mise à délirer avec le mot "corona". Elle se sentait intouchable, prise de pouvoirs magiques et ne respecter aucune règle barrière donc…

Parmi nos patients, nous en avons également plusieurs personnes persuadées d’avoir le coronavirus. Ce sont des convictions délirantes. Ils pensent qu’en ne les testant pas, on leur cache des choses. Et cela me fait penser à l’épisode de l’éclipse totale, il y a quelques années, où on disait aux gens de porter des lunettes spéciales pour protéger leurs yeux. Et on avait plusieurs personnes qui venaient en nous disant qu’elles étaient aveugles… Alors que l’éclipse n’était même pas passée.

La question des enfants revient souvent également. Sont-ils " armés " face à une telle situation et comment les parents peuvent-ils gérer ?

Les enfants sont plus fragiles que nous, lors d’un confinement. Surtout dans ce cas où on leur dit que le virus n’est pas dangereux pour eux mais qu’ils doivent respecter les mêmes règles que nous. Les enfants sont de véritables éponges, il faut au maximum ne pas leur faire ressentir notre stress. Même via nos gestes, car ils comprennent tout. Le comportement des parents est très important.

Il ne faut pas hésiter également à leur faire passer le fameux message d’altruisme, bon pour tous, en leur disant : le virus n’est pas grave pour vous, mais en restant à la maison, vous protégez tout le monde, votre famille, vos copains, votre maîtresse…

Autre question qui revient souvent : ce confinement peut-il s’avérer dangereux pour les couples ?

Non, je pense que c’est une chance d’être en couple lors d’une telle période. Car on peut s’appuyer sur l’autre, lui partager son angoisse. Cela a un côté protecteur, bénéfique. Il ne faut pas que le confinement devienne un élément d’inquiétudes pour les couples même si je sais que certains sont inquiets (sourire)…

Pour finir, que peut-il rester d’une telle expérience de confinement ?

Du bon, comme du mauvais. Le bon serait de voir une cohésion renforcée entre les proches, un sentiment d’avoir traversé une épreuve difficile ensemble, de réfléchir également à notre sentiment d’appartenance, à repenser la société également…

Puis, il y a une mauvaise sortie de cette crise. Si le confinement ne représente qu’une contrainte, et non pas un devoir pour protéger les autres, cela peut aller jusqu’à créer des épisodes dépressifs chez certains, un envahissement anxieux même. Et cela pourrait, dans le pire des cas, se terminer avec des risques suicidaires.

Dans ce cas, des personnes nécessiteront des soutiens et une prise en charge médicale. Il y a également un autre facteur qu’on rencontre souvent chez les détenus.

Le phénomène de confinement peut amener à un sentiment de persécution. J’ai par exemple vu un patient récemment qui me confiait ne pas comprendre pourquoi sa compagne ne venait plus le voir, qu’il avait des doutes sur sa sincérité alors qu’elle respectait simplement les règles de confinement.

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