Muriel Bastide (Mexico) : "Le contexte est dangereux pour le pays"

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  • Toujours munie d’un masque, Muriel Bastide s’accorde « une petite balade matinale en solitaire » dans son quartier.
    Toujours munie d’un masque, Muriel Bastide s’accorde « une petite balade matinale en solitaire » dans son quartier. -
  • Le Parque Mexico, dans le quartier de Condesa, est (presque) désert. Tout comme le marché de Medellin à Roma norte. Le Parque Mexico, dans le quartier de Condesa, est (presque) désert. Tout comme le marché de Medellin à Roma norte.
    Le Parque Mexico, dans le quartier de Condesa, est (presque) désert. Tout comme le marché de Medellin à Roma norte. -
  • Muriel Bastide cultive un petit jardin dans son école et les 24 enfants de sa classe prennent plaisir à travailler la terre.
    Muriel Bastide cultive un petit jardin dans son école et les 24 enfants de sa classe prennent plaisir à travailler la terre. -
Publié le
Rui Dos Santos

L’enseignante de Naucelle est citoyenne de la capitale mexicaine depuis dix ans.

Le plus dur ? Vivre dans une des villes les plus peuplées au monde, avec plus de 20 millions d’habitants, et savoir que le pire est à venir.

Le Mexique est un pays assez désorganisé et peu rigoureux dans ses prises de décisions. Un pays où il y a de nombreuses injustices, de grosses différences entre les hôpitaux publics et privés. Un pays où l’accès aux soins est difficile pour les classes les plus défavorisées. Un pays au système social défaillant. On est encore à la phase 2 de la pandémie, selon les sources officielles. Ce qui fait peur, c’est le pic haut, la saturation des hôpitaux et la gestion de l’urgence sanitaire". Née à Rodez, originaire de Naucelle, Muriel Bastide est enseignante. Installée à Mexico depuis dix ans, elle a, notamment, pris une part prépondérante dans la création de l’école française d’Alembert et Diderot, en 2014, au cœur de la capitale mexicaine (lire en page suivante). Elle est "très à l’écoute" de ce qui se passe autour d’elle. "Le coronavirus, on a commencé à en entendre parler mi-février, se souvient-elle.

Des mesures de prévention ont été mises en place sur mon lieu de travail (lavage des mains, utilisation de gels antibactériens, désinfection plus systématique des pièces…). On a senti arriver l’inévitable". L’ambassade de France a donné des consignes pour les écoles françaises et l’Efad a fermé ses portes dès le 16 mars. Un peu moins d’une semaine avant la généralisation officielle. "Notre école a mis en place des classes par visio-conférences. Tout le monde, enseignants et familles, s’est adapté, rappelle Muriel Bastide. On a conscience que ça va durer longtemps, peut-être jusqu’à la fin de l’année scolaire, fixée vendredi 3 juillet après les cours".

La Naucelloise est catégorique : "Dans la rue, dans la ville, il y a eu vraiment peu de changements dans les attitudes durant deux semaines, même si, à partir du 23 mars, les gens étaient sensés respecter les distances (”susana distancia”), mesure du gouvernement peu suivie. Depuis le 29 mars, on ne peut pas parler littéralement de confinement car aucune contrainte n’est établie". Tout en précisant : "Les gestes barrières sont très peu appliqués. Les Mexicains ne sont pas habitués à des règles strictes. Le contexte économique aussi est un frein au confinement. Ceux qui ne travaillent pas ne sont pas payés. Donc les marchands de rue, dont les vendeurs de jus de fruits, sont toujours présents sur les trottoirs, avec des mesures d’hygiène très douteuses. Pas d’argent veut dire pas de quoi faire bouillir la marmite. Les marchés de Mexico sont aussi ouverts". Muriel Bastide est beaucoup plus disciplinée : "Pour ma part, je suis en mode confinement depuis que l’école a fermé. Je ne sors en fait que pour remplir le réfrigérateur. Pour m’occuper, en dehors du travail (auquel je consacre une bonne partie des journées), je lis, je cuisine, j’écoute de la musique et très peu les infos. J’ai la chance de vivre dans un appartement de 60 m2, très agréable et lumineux. Mais, je rêve d’une terrasse pour sentir davantage le “dehors” !".

Si elle a donc vu le jour à Rodez, en 1972, Muriel Bastide a grandi à Naucelle, là où vivent d’ailleurs toujours ses parents "100 % aveyronnais" et où elle a pratiqué le basket, en compagnie d’Anne Blanc, l’actuelle députée de la 2e circonscription. Le bac en poche, décroché dans le chef-lieu du département, elle a fait des études à Toulouse, puis passé son concours pour être professeur des écoles. Titularisée en Aveyron, elle y a enseigné durant sept ans, essentiellement en milieu rural.

En 2007, elle a posé son cartable au Caire, pour un séjour de trois ans en égypte. "C’était un rêve depuis longtemps de partir enseigner à l’étranger, explique-t-elle. J’ai saisi cette opportunité à un tournant de ma vie".

"Je pense beaucoup à Naucelle"

Au terme de cette expérience égyptienne, Muriel Bastide a eu alors le souhait de "changer de continent". "L’Amérique “latine” m’attirait, reconnaît-elle. J’ai postulé un peu partout et obtenu Mexico". Elle a travaillé quatre années au lycée franco-mexicain, puis "j’ai eu l’occasion, voire la chance, de participer au projet de création de l’école française d’Alembert et Diderot".

Elle y est toujours. "On tombe vite amoureux du Mexique, de sa culture, de ses couleurs, de ses gens, de son artisanat incroyable, se réjouit-elle, avec un sourire lumineux. C’est un pays immense, aux multiples facettes : la jungle tropicale avec sa faune inouie, de magnifiques déserts, les plages sur la côte Pacifique ou Caraïbes, ses dialectes, ses villes coloniales aux façades colorées, sa cuisine épicée, ses communautés indigènes…". Passionnée aussi de plongée, elle a trouvé son bonheur entre les Caraïbes et la mer de Cortez.

Mais, Muriel Bastide a parfois le mal du pays. "C’est dur, en effet, d’être loin de sa famille, savoir qu’il y a un océan qui nous sépare, confirme-t-elle. Cette expérience me fait valoriser le monde rural. Je pense beaucoup à mon village de Naucelle, à la maison familiale, où on a tellement plaisir à se retrouver tous les étés".

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