AVC, porte d’entrée du Covid-19 chez les moins de 50 ans ?

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    AVC, porte d’entrée du Covid-19 chez les moins de 50 ans ?
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Destination Santé

Des cas d’AVC commenceraient à survenir chez des jeunes patients (30-50 ans) atteints du Covid-19. Un risque notamment rapporté dans les formes asymptomatiques de ce coronavirus.

Le Covid-19 a le triste pouvoir d’atteindre plusieurs organes. Les poumons, les reins, le cœur, le système intestinal… et le cerveau. Le symptôme neurologique le plus fréquemment rapporté est la perte de goût et de l’odorat. Mais un autre phénomène commence à être rapporté par les neurologues : la possible corrélation entre une infection au Covid-19 et la survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC).

Ainsi, le 22 avril, le Dr Benoît Guillon, neurologue responsable de l’unité neurovasculaire au CHU de Nantes, rapportait une légère hausse des cas d’AVC dans la population jeune, « sans cause déterminée, sans pouvoir confirmer de lien direct avec le Covid-19 », étant donné « le manque de recul sur cette incidence ».

Mais les lignes bougent vite dans le monde du Covid-19. Aujourd’hui, les cas restent certes peu fréquents en France. Mais par précaution, « l’alerte est donnée par les médecins neurologues vasculaires », décrit le Dr Guillon. « Des patients jeunes positifs au Covid-19, sans facteur de risque*, semblent présenter des tableaux atypiques avec des thromboses, des occlusions artérielles relativement diffuses, assez inhabituelles. » Point important, « ces patients présentent dans certains cas peu voire pas de symptômes du Covid-19 ».

« Couper les chaînes de contamination »

Mais comment l’expliquer ? « Soit les patients asymptomatiques déclarent cet AVC alors que le Covid-19 a déjà bien évolué. Soit cette grave complication neurologique constitue une porte d’entrée dans la maladie », pour cette population jeune ne souffrant ni de toux, ni de céphalée, ni de gêne respiratoire. Dans tous les cas, le risque d’AVC doit être pris en compte « pour dépister le coronavirus au plus tôt et pouvoir couper les chaînes de contamination ».

Des AVC à domicile

De l’autre côté de l’Atlantique, le Washington Post révélait, le 25 avril, ces mêmes accidents neurologiques à New-York chez des patients âgés de 30 à 50 ans. Et le 28 avril, une étude, ou plutôt une étude de cas, publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM) étaye ce phénomène. L’équipe du Dr Thomas J. Oxley** y décrit 5 cas d’AVC survenus entre le 23 mars et le 7 avril, à domicile, chez des jeunes respectivement âgés de 33, 37, 39, 44 et 49 ans***. Tous étaient positifs au Covid-19. L’un d’entre eux est décédé, un est en réhabilitation, deux sont toujours hospitalisés et seule la patiente de 33 ans est aujourd’hui capable de parler. Cette dernière souffrait d’épisodes de toux, de maux de tête et des frissons la semaine précédant son hospitalisation.

Selon le chercheur, « les patients Covid-19 déclarant un AVC étaient en moyenne plus jeune de 15 ans comparés aux AVC diagnostiqués chez les maladies hors Covid-19 ». Enfin, « le nombre d’admissions de jeunes aux urgences pour des troubles de la coagulation sanguine cérébrale a doublé en 3 semaines à l’Hôpital du Mont Sinaï (New York) », complète le Dr Mocco, participant aussi au travail publié dans le NEJM. Et ce « malgré un recul des prises en charge aux urgences ».

Sur le plan physiologique, quelle origine peut-on prêter à ces complications ? « Le Covid-19 pourrait favoriser la formation de caillots sanguins. » Dispose-t-on de données sur le risque d’AVC lié aux autres formes de coronavirus ? Oui, « en 2004 à Singapour, le SARS-CoV-1 provoquait des AVC », décrit le Dr Oxley. « En 2012, au Moyen-Orient, durant l’épidémie de MERS-CoV, des tableaux d’atteintes cérébrales étaient décrits, avec le même aspect que ceux rapportés pour le Covid-19 », explique le Dr Guillon du CHU de Nantes.

Et après ?

Concernant le Covid-19, « d’autres études doivent être menées », appuie le Dr Oxley. A ce jour, « il me semble trop précoce de considérer que ces AVC chez les jeunes, qui surviennent encore très rarement, sont liés au Covid-19 », s’exprime le Dr Caroline Arquizan, responsable de l’unité neurovasculaire du CHU de Montpellier. « L’étude publiée dans le NEJM ne comprend que 5 cas d’AVC, ce n’est pas représentatif. » Le risque est-il qu’aujourd’hui on mette tout sur le dos du Covid-19 ? « Il est possible que certaines publications aillent trop vite en effet. »

« Nous avons observé une baisse des AVC pendant les mois de mars et début avril. Et aujourd’hui on parle d’une augmentation des AVC chez les jeunes sans que cela ne soit probant. » Pour éclaircir les choses, « nous allons lancer une étude nationale comparant les taux d’admissions pour AVC d’une part et des accidents cardiovasculaires d’autres part, entre les chiffres de la phase épidémique du Covid-19 et ceux de l’année passée à la même période ». Les données (incidence, type d’AVC et d’infarctus du myocarde, âge, accès aux traitements…) seront recueillies dans les 13 régions de France, au sein des unités neurovasculaires et des unités de soins intensifs cardiologiques.

A noter : les symptômes annonciateurs d’un AVC, nécessitant un appel du 15 en urgences, se caractérisent par la survenue brutale de la perte de sensibilité ou de la paralysie d’un ou plusieurs membres, de la face, le plus souvent d’un seul côté. Autres anomalies, les céphalées intenses et brutales, les troubles de la vision, de la parole et de l’équilibre. « La prise en charge d’un AVC doit survenir le plus précocement possible pour être efficace, idéalement dans les 6 heures sans dépasser le délai des 24 heures », rappelle le Pr Oxley.

*les trois principaux facteurs de risque de l’AVC sont l’hypertension artérielle, le diabète et l’hypercholestérolémie
**Mount Sinai Health System, New York
***par comparaison, en moyenne sur l’année, toutes les deux semaines, l’Hôpital du Mont Sinaï prend en charge 0,73 patients de moins de 50 ans victimes d’AVC

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