Rodez. Bozouls : Jacques Genthial, un grand flic, le "Bertillon des temps modernes"

  • Jacques Genthial restera celui qui a sorti la police scientifique et technique du «Moyen-Âge.».
    Jacques Genthial restera celui qui a sorti la police scientifique et technique du «Moyen-Âge.». Repro CP - J-Louis Pradels
Publié le
Aurélien Delbouis

Père de la police scientifique moderne, le Ruthénois Jacques Genthial s’est éteint à l’âge de 82 ans. Retour sur la vie du directeur de la police judiciaire et proche collaborateur de l’ancien ministre de l’Intérieur Pierre Joxe. Un homme de devoir et de conviction. Un "grand flic" auquel rend aujourd’hui hommage l’ensemble de la profession. .

Il était policier, il était donc au centre des choses..." Rarement, la citation de Camus tirée du roman Les justes, n’aura été plus indiquée. Père de la police scientifique moderne, l’Aveyronnais Jacques Genthial vient de s’éteindre. Salué par ses pairs, celui qui aura œuvré sa vie durant au sein de la police judiciaire laisse un héritage indélébile, tant au sein du célèbre 36 Quai des Orfèvres - dont il a assuré la direction - que dans la Police nationale.

Né le 3 février 1938 à Rodez, fils d’un officier et d’une mère répétitrice d’allemand au lycée Foch, le jeune Jacques contracte très tôt le virus. Après des études secondaires à Foch, et un baccalauréat de philosophie, il prend la direction de la faculté de droit de Montpellier, avant de décrocher brillamment son concours d’entrée de la police. Il fera toute sa carrière au sein de la police judiciaire, où il entre en 1965 en qualité de commissaire de police.

Confiance de Pierre Joxe

En 1982, il devient chef de la brigade criminelle de la préfecture de police de Paris, poste dont il est écarté brutalement, en 1984, après une obscure manœuvre de la cellule antiterroriste élyséenne.

Un départ providentiel pour la Police nationale, tant ce qui va suivre sortira définitivement l’institution du "Moyen-âge".

Désuète, incohérente, dispendieuse, totalement inadaptée aux besoins de son époque, l’Identité judiciaire française souffre à l’époque d’un mal profond, que d’aucuns jugent incurable. A l’invitation de Pierre Joxe, fraîchement nommé au ministère de l’Intérieur, l’Aveyronnais prend le problème à bras le corps. Exhaustif, lucide, Jacques Genthial signe en 1984 une autocritique accablante de l’état de la police scientifique française. Sans concession, le rapport de 40 pages passe de mains en mains et soulève bien des questions. L’expertise du commissaire est sans appel. Elle relève l’indigence et le retard accumulé vis à vis de ses voisins européens. "Les laboratoires français emploient une soixantaine de scientifiques et policiers, écrit Genthial, or, il y a environ mille scientifiques en Allemagne (…) et mille au Royaume-Uni."

"Honte française"

Illustration de cette "honte française", l’épisode désormais célèbre de "l’appartement conspiratif" de la bande à Baader, la "Fraction armée rouge". Découvert en 1980 à Paris, la cache est, selon l’expression consacrée, passée au peigne fin par l’identité criminelle française qui ne relève aucune empreinte exploitable. Devant l’insistance des services allemands, les experts français de la police scientifique cèdent ensuite la place à leurs homologues allemands qui, au même endroit, découvrent 60 traces exploitables permettant l’arrestation de 11 membres de la bande…

"Grand flic"

"Voilà où en était le pays qui a vu naître Bertillon et surtout Edouard Locard, le père de la police scientifique connu dans le monde entier", se souvient Claude Cancès, cet autre grand flic que Jacques Genthial prendra sous son aile dès son arrivée au "36".

Seul dans son petit bureau, Jacques Genthial rédige son rapport et élabore la réforme "à la plume". Des heures entières à imaginer la police scientifique d’après, en pointant du doigt ses errements. Un travail de fourmi finalement couronné de succès.

Le 8 mars 1985, le ministre de l’Intérieur crée une sous-direction de la police technique et scientifique. Jacques Genthial en sera le premier patron. "Vous l’avez écrit, faites-le", lui aurait lancé Pierre Joxe.

Rendue efficiente, dotée de moyens supplémentaires autant matériels qu’humains, la police scientifique revient de loin et permet aujourd’hui l’identification annuelle de plusieurs milliers de malfaiteurs (30 000 en 2014). Voilà ce que la France doit à Jacques Genthial, homme passionné qui aura inlassablement servi son pays. Un "grand flic", "Bertillon des temps modernes", meneur d’hommes, chaleureux et convivial qui vient de s’éteindre à Bozouls à l’âge de 82 ans.

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