Thierry Campion (la Mascotte à Paris) : "Je veux participer à l’effort national"
S’il est né à Asnières en 1963, ce restaurateur parisien est un enfant de Pons, village situé entre Saint-Hippolyte et Entraygues, la terre de son père Maurice. Comme d’autres Aveyronnais dans la capitale, il baigne dans l’univers CHR (cafés, hôtels et restaurants). Il est ainsi à la tête de La Mascotte, 52 rue des Abbesses, au pied de la Butte de Montmartre dans le 18e arrondissement. Alors qu’il attend toujours le feu vert pour rouvrir son établissement, comment vit-il cette crise sanitaire ?
Que faisiez-vous le samedi 14 mars 2020 ?
J’avais prévu de regarder France – Irlande, pour le compte de la 5e et dernière journée du Tournoi des VI nations de rugby. Finalement, le match a été reporté mais une petite équipe de potes de province a quand même fait le voyage jusqu’à Paris et ils avaient réservé une table le soir à La Mascotte. La soirée avait bien commencé mais tout s’est arrêté à minuit.
Que s’est-il passé alors ?
Rien de très original ! On a fait comme tous les autres confrères, afin de respecter les décisions gouvernementales. On a rangé et vidé tout ce qui était fragile. On s’est partagé les denrées périssables et recyclé tout ce qui pouvait l’être, évitant les pertes.
Et quelles incidences humaines ?
L’effectif est de 27 personnes et 25 étaient au chômage partiel dès le lendemain matin. Heureusement qu’il y a eu cette mesure ! Les deux autres salariés m’ont permis de garder ouvert l’Ecaille, la boutique voisine spécialisée dans les fruits de mer. Mais, cela a duré quatre jours. Car on a fait quelques huîtres le dimanche, 200 € de recette le lundi, 150 € le lendemain. J’ai donc vite arrêté la plaisanterie !
Avec quels dégâts financiers ?
J’ai perdu 200 000 € avec les Gilets jaunes, 300 000 € avec les grèves pour la réforme des retraites. L’enveloppe était déjà assez conséquente et je n’avais pas besoin de ça. Je distingue deux notions : il y a la perte avec toute la marchandise "foutue en l’air" et puis, il y a le manque à gagner sur avril, mai et peut-être juin qui sera très important (il hésite mais finalement il ne donne pas de somme, NDLR). Sur la Butte de Montmartre, la saison démarre à Pâques, mi-avril. J’ai la chance, grâce à quelques travaux, dont des verrières, d’avoir "cassé" cette saisonnalité, tout en bénéficiant de l’attractivité pour les touristes de ce haut lieu parisien. La Mascotte a toujours été un peu anachronique avec une clientèle de quartier.
Justement, c’était comment avant le confinement du 17 mars ?
Et bien ça frémissait, ça rebougeait pas mal, avec quelques réservations de groupes. Du coup, à cause du Covid-19, on va perdre mars, avril, peut-être juin, et très certainement juillet et août qui sont, habituellement, les deux mois les plus calmes de l’année. Mais, je dis tout ça avec des pincettes car je n’en sais rien. Je suis partagé. Il y a des réflexions mais pas de réponses. Comme je suis un optimiste convaincu, sans entrer dans le détail de la fréquentation, j’espère qu’il y aura un va-et-vient salutaire.
Paris ne sera donc pas "une ville fantôme" cet été…
On verra. La tendance est de dire qu’on ne peut pas savoir tant que les restaurants ne sont pas ouverts. Ils seraient les indicateurs majeurs de la reprise ou pas de l’activité touristique. Et puis, si les étrangers ne peuvent pas venir, croisons les doigts pour que les Provinciaux (les Aveyronnais notamment !), les Francilliens de Versailles, de Cergy-Pontoise ou encore de Meaux fassent, eux, le déplacement jusqu’à la capitale.
Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
On se projette déjà sur septembre. Mais, on a ouvert L’écaille depuis le 8 mai. On a bricolé, on fait un peu de passage, mais je reste convaincu qu’il faut participer à l’effort national. On recrée un lien social, de la dynamique. En clair, il est fondamental de relancer la machine.
Dès que le feu passe au vert pour la réouverture, vous faites quoi ?
(Sans hésitation) J’y vais ! Je me prépare dur pour ça et j’ai juste besoin de deux ou trois jours pour être prêt. En termes d’espace, je n’ai pas trop de soucis. Sauf au bar (où on ne trouvera pas de solution) et en terrasse. La capacité est de 130, dont 44 à l’étage. Je devrais me contenter sûrement d’une cinquantaine de places au total. C’est certes compliqué, c’est dommage, c’est tout ce qu’on veut, mais c’est déjà pas mal. Je vais donc opter pour "une positive attitude". La seule décision qui m’est douloureuse, c’est de devoir "compresser" le personnel. Je l’ai déjà fait après les Gilets jaunes (on est passé de 35 à 27) et je n’ai pas d’autre choix que de recommencer !
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