A Millau, 33 PV et une seule question : la méthode de la verbalisation
L’identification d’individus par la vidéosurveillance pose problème. La direction départementale de la police répond aux accusations et une manifestation est prévue à Millau ce samedi 13 juin.
« La dictature », c’est la comparaison que font les manifestants verbalisés le 12 mai et après. Réunis en collectif, ils sont désormais trente-trois à avoir reçu une enveloppe cachetée de l’État, leur demandant de s’acquitter de 135 €, pour “rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale où l’état d’urgence sanitaire est déclaré”. « Nous avons fait le choix d’une réunion un peu cachée, en plein air, parce que, depuis le 12 et depuis le vendredi d’après qui était le 16, on s’est pris des PV parce qu’on était une vingtaine de personnes sur la place de la Capelle », explique Christian Roqueirol, un des porte-parole du mouvement. En effet, c’est dans un sous-bois, à l’abri des regards, que le collectif avait décidé de convoquer la presse. Car sur le fond et la forme, ces verbalisations les dérangent.
Pour le rassemblement du 16 mai, les policiers ont procédé à un contrôle d’identité physique pour dresser le PV après un avertissement fait au mégaphone. Deux personnes ont été verbalisées. « Pourtant il y avait plus de monde dans le centre commercial et plus de policiers aussi », justifie Jérôme Remia, aussi porte-parole. En revanche, « aucun contrôle n’a été effectué » le 12 mai. Le mode d’identification des personnes présentes sur la place du Mandarous interroge. De même, le 22 mai, sur le marché où « nous étions moins de dix attachés par des cordes qui faisaient deux mètres. »
L’identification s’est faite, entre autres, avec l’usage des caméras de vidéoprotection, installées par la Ville. Pour ce cas, comme dans d’autres, la police municipale a répondu aux réquisitions faites par l’autorité judiciaire et elle indique qu’elle « n’est en rien responsable des suites données en matière de verbalisations ».
La réponse de la direction départementale de la police
Le commissaire Jérôme Buil, directeur départemental de la sécurité publique a adressé à cet effet un communiqué pour préciser notamment le travail de la police sur le terrain et la videoprotection.
"Lors du déconfinement, à plusieurs reprises, les services de police, à Millau, mais également à Rodez, ont été amenés à verbaliser des personnes participant à des rassemblements non déclarés. Ces personnes étaient rassemblées sur la voie publique, ne respectant pas les mesures sanitaires interdisant le rassemblement de plus de 10 personnes. Il s'agit là de contraventions de 4° classe punies d'une amende d'un montant de 135 euros, et pour les réitérants une amende de 5e classe, voire un délit. Ces faits là ont été constatés par les fonctionnaires de police présents sur le terrain. Il ne s'agit pas là d'une vidéo-verbalisation mais de constatations réalisées sur les lieux des rassemblements. L'utilisation des images de vidéoprotection est venue en appui des constatations initiales effectuées par les policiers. Les contrevenants ont désormais la possibilité de contester la verbalisation en saisissant l'officier du ministère public du tribunal de police, ou la juridiction compétente qui apprécieront les poursuites à donner aux recours ainsi formulés".
Le commandant Calméjane assume pleinement et admet les moyens d’action utilisés ce jour : « La vidéoprotection est un des moyens que nous avons utilisée pour procéder à l’identification de ces personnes. » Ce que, visiblement, la préfecture ne veut pas reconnaître. Elle n’a pas voulu ajouter une ligne à la réponse faite, le 29 mai dernier, mais simplement rappeler le décret pris dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
Une première en France ?
Le cas de Millau interroge pourtant. Plusieurs manifestations ont eu lieu un peu partout depuis le déconfinement et, à chaque fois, les personnes verbalisées ont fait l’objet d’un contrôle d’identité physique par les forces de l’ordre. Ce contre quoi la Ligue des droits de l’Homme (LDH) s’est aussi indignée. Elle ne veut en revanche pas juger le fond du rassemblement. Elle cible « l’attaque au droit d’expression, parce que le gouvernement a prolongé l’état d’urgence sanitaire » et aussi « la verbalisation automatique, c’est encore quelque chose de nouveau. » La responsable du service juridique de la LDH, Isabelle Denise, précise : « Une caméra a pour rôle la protection des personnes et des biens. Aucune analogie ne peut être tirée des contrôles radar installés sur les routes et autoroutes en matière d’infractions routières afin d’identifier les plaques d’immatriculation et ainsi remonter jusqu’aux propriétaires du véhicule. »
Pour Bastien Le Querec, membre du “groupe contentieux” de la Quadrature du net, l’usage de la vidéoprotection inquiète, mais est juridiquement possible : « Ce n’est pas impossible pour faire de l’identification d’individus parce que le cadre juridique est organisé par le code de la sécurité intérieure. On peut avoir un usage, comme on dit en police administrative, pour prévenir un trouble à l’ordre public et, en police judiciaire, pour rechercher des auteurs d’infractions ou de délits. » Ce qui semble être le cas ici. Pour un rassemblement sur la voie publique non déclaré, les sanctions peuvent aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende. Pour Bastien Le Querec, comme pour d’autres, le cas de Millau semble être première dans l’usage de la vidéoprotection, en marge d’une manifestation non déclarée en France.
Une manifestation ce samedi
Le groupement a prévu de répondre à ces verbalisations par… une manifestation. Ils donnent rendez-vous, samedi 13 juin, à 11 h, sur la place du Mandarous. Ils demandent des explications sur les moyens utilisés par la police nationale, pour procéder à leur identification. Le parti communiste de Millau s’est aussi associé à la convergence des luttes pour cet appel à manifester. « Pour la justice, pour la démocratie, nos libertés, donnons de la voix », a indiqué le parti dans un communiqué.
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