Capdenac-Gare. Et si Capdenac devenait lotoise ?
Le Lot serpente entre les deux, tel une frontière entre Lot et Aveyron. Capdenac-Gare d’un côté, Figeac de l’autre. Pourtant un géographe vient de rendre une étude pointant les non-sens de ces contours cartographiques. Son raisonnement est loin d’être farfelu, cependant…
Redessiner les contours de nos cartes départementales en fonction des réalités actuelles, voici la réflexion de Laurent Chalard, docteur en géographie de l’Université Paris IV-Sorbonne, qui a publié un document proposant un nouveau maillage départemental. Le Lot n’échappe pas à l’analyse du professeur qui considère que "Capdenac-Gare, de plus en plus tourné vers Figeac, devrait évoluer de l’Aveyron au Lot".
Nous avons donc contacté deux représentants de ces territoires : Vincent Labarthe et Stéphane Bérard.
Pour le premier, président du Grand Figeac : "Cette étude a du sens, sinon le Grand Figeac ne se serait pas construit à cheval de chaque côté de la frontière départementale. Car au-delà de Capdenac-Gare, ce sont 5 communes aveyronnaises qui ont adhéré à la communauté de communes ; d’autres pourraient même encore rejoindre ce bassin de vie".
"Cela nous faciliterait la tâche"
Pour l’élu, également vice-président de Région Occitanie, "cette crise que nous traversons nous montre l’intérêt de l’échelon départemental, mais, ajoute-t-il, même en repoussant les frontières, il y aura toujours des communes limitrophes…".
Quant au lien presque historique entre les deux villes centrales Figeac et Capdenac qui ont uni leur destinée au sein de Figeac Communauté dès 2007, il pourrait aujourd’hui constituer une véritable unité urbaine. "Cela nous faciliterait la tâche, plaide Vincent Labarthe, puisque nous œuvrons aujourd’hui avec des interlocuteurs différents de chaque côté du Lot, avec les deux conseils départementaux et les deux préfets".
Au Grand Figeac, on a donc appris à fonctionner ainsi, en s’amusant parfois de cette complexité à coordonner les avis. "Ainsi quel arrêté de réouverture appliquer pour la piscine communautaire située à Capdenac-Gare ? Celui de la préfète de l’Aveyron qui depuis 15 jours autorise les réouvertures, ou celui du préfet du Lot ?", s’est longtemps demandé le chef de file du Grand Figeac.
Des considérations administratives bien loin du quotidien des Aveyronnais et des Lotois qui traversent la frontière sans se poser de question… "Dans un sens comme dans l’autre", ajoute Vincent Labarthe pour qui les deux territoires sont traités de la même manière, notamment sur le volet économique, l’une des compétences majeures de la collectivité qu’il préside et qui compte Figeac Aéro, Nutergia, Raynal & Roquelaure, Fives-Forest…
"Cette analyse conforte nos choix"
"Cette logique de territoire nous en avions conscience, et nous sommes vite passés de la constatation aux actes en constituant Figeac Communauté. Cette analyse du géographe vient donc conforter nos choix de l’époque. Une décision qui a peut-être aussi permis de se tourner encore davantage l’un vers l’autre, même si elle n’a pas été aisée à acter. Nous avons fait partie des toutes premières communautés de communes interdépartementales, il a fallu être persuasif pour pouvoir concrétiser ce rapprochement", rappelle Stéphane Bérard, maire de Capdenac.
Mais de là à sauter définitivement la rivière, pour devenir la 311e commune lotoise, ce serait pour nos voisins aveyronnais se renier. Avec humour, Stéphane Bérard propose donc "d’accueillir Figeac en Aveyron", avant d’argumenter plus sérieusement sur la notion d’appartenance : "Quels intérêts de démanteler ce qui aujourd’hui fonctionne ? Nous avons côté Lotois, comme côté Aveyronnais, nos identités propres, notre enracinement : on y est né, on y vit, on en est fier ; et on sait s’envoyer quelques piques quand il faut !".
Un frein "d’ordre psychologique"
Laurent Charlard reconnaît que l’appartenance départementale est probablement plus vive en Aveyron que dans d’autres départements français.
Laurent Chalard a donc passé à la loupe la cartographie de nos départements.
Cette analyse, il la destine aux décideurs politiques nationaux dans le cadre de la réflexion sur le nouvel acte de décentralisation dans l’optique de "les faire réfléchir sur le devenir de l’échelon départemental, voué aux gémonies jusque très récemment, et sur les éventuelles modifications à apporter à la carte nationale".
En quoi l’échelon départemental est-il pertinent aujourd’hui ?
Il reste la meilleure grille de lecture des dynamiques territoriales à l’échelle du pays, comme l’ont montré les cartes de diffusion du covid-19 ; les régions, issues de la réforme de 2014, ayant un périmètre beaucoup trop large pour en faire un outil pertinent d’analyse.
Parallèlement, du fait de la relative faible densité de la population de la France au sein de l’Europe occidentale, avec des métropoles peu peuplées en dehors de la capitale, le département est la seule maille territoriale permettant une couverture adéquate de l’ensemble du pays, en particulier dans les territoires ruraux.
Comment consolider sa position ?
Il faudrait lui donner des compétences économiques, pour mettre fin à la situation paradoxale actuelle, où le département, par ses compétences sociales, gère les maux consécutifs de la désindustrialisation alors qu’on ne lui donne pas les moyens lui permettant de réindustrialiser.
Cette évolution de la carte peut sembler pertinente ; mais l’est-elle sur le plan humain ?
Par définition, l’espace du quotidien, c’est l’espace de vie d’un être humain, donc il n’y a pas de contradiction entre les deux. D’ailleurs, on constate souvent que les jeunes générations, entendues comme les personnes en activité, acceptent beaucoup plus facilement l’adaptation des territoires institutionnels aux territoires fonctionnels que les générations plus anciennes, entendues comme les retraités. Car elles pensent plus en termes de facilitation de la vie quotidienne qu’en termes d’identité. Le frein principal aux évolutions, en dehors des questions politiques, est beaucoup plus d’ordre psychologique : la difficulté pour les individus de modifier une appartenance administrative à laquelle ils se sont habitués depuis leur enfance.
Même si l’appartenance départementale est probablement plus vive en Aveyron que dans d’autres départements français, il ne faut pas la surestimer.
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