Renaud Chantegrelet : entre Paris et l'Aubrac, une vie à 200 à l'heure

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  • Féru d’aéronautique, le pilote totalise déjà près de 200 heures de vol depuis son brevet l’an passé. Une moyenne à son image, "hors norme."
    Féru d’aéronautique, le pilote totalise déjà près de 200 heures de vol depuis son brevet l’an passé. Une moyenne à son image, "hors norme." ac
  • Premier pilote paraplégique, Renaud Chantegrelet est en passe de réediter l’exploit, sur un hélicoptère cette fois. Premier pilote paraplégique, Renaud Chantegrelet est en passe de réediter l’exploit, sur un hélicoptère cette fois.
    Premier pilote paraplégique, Renaud Chantegrelet est en passe de réediter l’exploit, sur un hélicoptère cette fois. ac
Publié le , mis à jour
Aurélien Delbouis

Paraplégique suite à n accident survenu à l’adolescence, renaud Chantegrelet est aujourd’hui à la tête de trois restaurants dans les Hauts-de-seine. "hyperactif heureux", il donne aussi aussi de son temps pour la bonne cause : "Offrir des ailes aux enfants en situation de handicap". Rencontre.

Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait." A regarder de près le parcours de Renaud Chantegrelet, la citation de Mark Twain retrouve ici son sens le plus pur. Patron du Café Renaud depuis 2009, et de chez Paulette depuis 2019, le natif de Nasbinals n’est pas du genre à se laisser impressionner ni à reculer devant ce que les autres pourraient juger, à tort, inatteignable. Paraplégique depuis un accident de moto survenu à l’adolescence, ce fonceur au grand cœur n’a, depuis, jamais laissé place au doute ni au découragement. Assis dans un fauteuil roulant depuis ses treize ans et demi, c’est même de tout le contraire dont il fait preuve au quotidien.

À la tête de deux adresses réputées des Hauts-de-Seine, ce quadragénaire pressé s’apprête à ouvrir une troisième affaire sur la place des marchés à Antony. Chez Jean, du nom de son père cette fois. Tout un symbole. Une boulimie assumée pour qui la compétition n’a jamais été un vain mot. "J’ai toujours pris des risques, c’est ce qui fait que je suis en fauteuil roulant, tu me diras ! J’ai toujours été enragé par la compétition. Le premier jour où je suis monté sur une moto, mon rêve était de devenir champion du monde de motocross ! Je n’avais que cette idée en tête… Indétrônable !"

"Rien n’est impossible"

Cette passion aurait pu le mener à sa perte avec pour seul horizon son terrible accident – "c’était le 6 mars 1994" – et ce fauteuil roulant. C’était mal le connaître. Fort de ce tempérament bouillonnant, de cette force de vie inaltérable, le jeune homme n’aura jamais laissé de place à l’accablement. Si la moto est hors de portée – et encore – le quad prend très vite une place de choix dans sa vie d’adolescent. "J’ai bouclé six saisons en championnat de France de quad. Au milieu des autres concurrents valides." Une épopée qui ne manque déjà pas de susciter l’admiration dans les paddocks.

Si beaucoup à sa place auraient baissé les bras, lui en profite pour, comme il aime à le dire, "commencer une nouvelle vie". Ski à Val Thorens, kart sur les circuits nationaux – il a participé à deux saisons du Championnat de France de la discipline – ULM, parapente… "Rien n’est impossible pour qui s’en donne les moyens", plaide le jeune homme. "J’ai toujours eu l’envie de prouver que le handicap n’est qu’une vue de l’esprit." Avec force et détermination, il poursuit dans le même temps l’aventure familiale. "La prolonge, plus précisément. "Mes parents sont arrivés à Paris comme serveurs. Ils ont gravi les échelons. Mais je n’avais pas envie de prendre la suite. J’ai préféré créer quelque chose à moi." À 18 ans, quand les bacheliers désespèrent aujourd’hui devant le portail Parcoursup, lui crée une civette à Bercy Village dans le fief des Aveyronnais de Paris.

"Quand je suis arrivé à la régie des douanes à Paris et qu’ils ont vu un mec de 18 ans, en fauteuil roulant, avec la ferme intention d’ouvrir un débit de tabac, ils m’ont dit : "Impossible !" J’ai dû les inviter chez mes parents pour leur montrer que même en fauteuil roulant, j’étais autonome, libre de mes mouvements, tout simplement valide !"

Pendant six ans, il passe sa vie sur son siège de caisse roulant avant de vendre sa civette pour une nouvelle création : le Café Renaud, implanté justement sur les anciens terrains de l’usine Renault à Boulogne-Billancourt, le "New Boulogne" comme on le surnomme alors. "J’ai été le premier commerçant du quartier !" A l’image de notre parieur, le challenge est risqué mais très vite gagnant.

"Le resto à l’hélico"

En 2019, le restaurant Chez Paulette, "du nom de ma maman" ouvre ses portes à quelques encablures de là. Avec son sens de l’accueil et une assiette aussi généreuse que l’est le patron, le lieu ne désemplit pas. Et ne laisse pas indifférent avec sa décoration pour le moins insolite. Lui qui s’est pris de passion pour l’aéronautique a fait de la carcasse d’un hélicoptère Alouette, la décoration tape à l’œil de son établissement. "C’est la marque de fabrique, reconnaît Renaud. Paulette, c’est le resto à l’hélico !" Un caprice ? Pas vraiment. "Mon rêve de toujours était de devenir pilote d’avion. J’ai passé mon brevet de pilote en mai dernier. Et depuis je vole beaucoup. Dès que je le peux. Notamment pour rentrer en Aveyron et retrouver l’Aubrac : mes poumons"

Mais au-delà de ses petites virées champêtres, ce qui l’anime aujourd’hui, c’est bien de devenir le premier commandant de bord hélicoptère paralysé des membres inférieurs. "C’est une première ! J’ai profité du confinement pour travailler la partie théorique comme un acharné. C’est validé ! Maintenant on travaille sur les modifications à apporter à l’hélicoptère – une Alouette 2 – pour pouvoir passer ma pratique et devenir commandant de bord." Insatiable, passionné, Renaud Chantegrelet a trouvé là son équilibre. Dans ses restaurants où il virevolte entre les tables "avec toujours la même passion" et dans les airs. "L’aéronautique m’a donné des ailes, m’a tiré vers le haut. C’est un véritable bonheur, et ça me donne la force de créer tout ça, l’énergie d’entreprendre, d’avancer." Et s’il admet ne pas avoir assez de 24 heures par jour pour parachever son œuvre, la perspective de poser très prochainement les patins de son hélicoptère devant le buron de Born, sur l’Aubrac, ne laisse peu de place au doute. "C’est sûr, je vais le faire. Je l’ai promis à Gilbert Bastide [ le propriétaire Ndlr], mon deuxième papa et à son fils Jean-Pierre, avec qui on a fait les 400 coups tout jeunes à Nasbinals", annonce déjà Renaud. Et à le connaître, cela ne devrait pas tarder…

Donner des ailes aux enfants

Comme si ses journées n’étaient pas assez remplies, ce fonceur au grand cœur vient de créer l’association Les Ailes de l’Aubrac. Sa vocation écrite en lettres d’or sur le logo : « donner des ailes aux enfants en situation de handicap. » Une initiative qu’il explique simplement : « Après mon accident, j’ai eu la chance de pouvoir compter sur ma famille. Pendant mon hospitalisation à Garches, ma mère m’a énormément soutenu. Elle était là tous les jours. Ma force de caractère vient de là, de sa présence : je lui dois beaucoup. »  Il poursuit : « tout ça m’a donné des ailes que les autres n’ont peut-être pas eu la chance d’avoir. Avec cette association, l’idée est de montrer que quand tu as un handicap, la route est loin d’être terminée. Au contraire, c’est le début d’une nouvelle vie pour qui s’en donne les moyens. C’est l’enjeu. En transmettant ma passion à ces enfants, en leur offrant ce soutien que ma famille m’a apporté, j’ai envie à mon tour de leur donner les ailes. »

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