Aubin : quand Christian Beaumel travaillait dans l’atelier de Jean Dubuffet

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  • Christian Beaumel (au 2e rang, 3e en partantde la gauche) avec l’équipe de Jean Dubuffet(au centre avec la veste) dans l’atelier de Périgny.
    Christian Beaumel (au 2e rang, 3e en partantde la gauche) avec l’équipe de Jean Dubuffet(au centre avec la veste) dans l’atelier de Périgny. Centre Presse - Joel Born
  • Quand Christian Beaumel travaillait dans l’atelier de Jean Dubuffet
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Joel Born

Durant sa jeunesse parisienne, l’ancien rugbyman, champion de France avec Viviez, a fréquenté, de 1968 à 1971, l’atelier du père de l’art brut, Jean Dubuffet. Une rencontre forcément marquante dont il garde un émouvant souvenir.

On connaît, bien sûr, l’ancien rugbyman, qui a porté notamment les maillots decazevillois, millavois et viviézois, cet AOV avec lequel il fut champion de France de troisième division en 1980. On connaît bien aussi l’ancien facteur et l’homme de convictions, créateur de Radio Bassin Houiller, en 1985, élu municipal durant quatre mandats à Aubin, syndicaliste à la CGT. Mais on connaît beaucoup moins la jeunesse parisienne du Millavois devenu Aubinois, lorsqu’il fréquentait l’atelier de Jean Dubuffet, le père de l’art brut. Une rencontre forcément marquante, quand on a 22 ans, dont il garde un émouvant souvenir.

Le jeune télégraphiste devenu facteur dans la capitale

Christian Beaumel le dit lui-même. La vie a souvent tourné, pour lui, du bon côté. Fils et petit-fils de gantiers millavois, il rêvait d’être maçon sur de gros chantiers. Il sera finalement télégraphiste, avant de réussir le concours de facteur en 1964. Marié depuis tout juste une semaine avec Colette, une fille de Roquefort, il fait sa valise, débarque dans la capitale, se retrouve facteur dans le XIIIe.. Par un heureux concours de circonstances, il est rapidement muté à Mandres-les-Roses, où il croise un certain Romain Bouteille sur sa tournée.

Du basket au rugby

On ne peut, bien sûr, parler de Christian Beaumel sans parler de sport. Basketteur, comme ses deux frères Jean-Claude et Jacques, à l’ASPTT de Millau, durant sa jeunesse, il évolue ensuite, de 1966 à 1968, avec l’équipe du Centre national d’études de télécommunications. Il découvre le rugby avec l’équipe corpo de La Poste. Son adresse et ses qualités de sauteur sont vite remarquées. Et c’est à Yerres, dans l’Essonne, qu’il signe sa première licence, disputant le championnat d’Honneur, durant trois ans de 1968 à 1971. Avant de se retrouver propulsé en Nationale A avec le Sporting Club Decazevillois, lors de son retour en Aveyron. Un sacré bond en avant.

L’atelier de Périgny et le cycle de l’Hourloupe

C’est en apportant une lettre recommandée qu’il pousse, pour la première fois, la porte de l’atelier de Jean Dubuffet, à Périgny, un petit village alors rattaché au bureau de Poste de Mandres-les-Roses, où le père de l’art brut a notamment développé le cycle de l’Hourloupe, à partir de dessins au stylo à bille. Attiré par le travail du sculpteur avec de la résine polyester, le jeune facteur aveyronnais ne se démonte pas et propose ses services. Peu de temps après, le maître donne son accord et Christian Beaumel rejoint l’équipe de Périgny en 1969. Il y restera jusqu’en mars 1971 "Un après-midi sur deux, j’allais travailler à l’atelier, raconte l’ancien facteur. J’ai travaillé sur plusieurs sculptures et j’ai eu le plaisir de côtoyer Jean Dubuffet pendant deux mois. Régulièrement, il recevait des artistes, des personnalités, des poètes cubains… Ce n’est pas un gars qui parlait beaucoup. Il m’a demandé d’où j’étais. Je lui ai dit de l’Aveyron. Il m’a dit, je connais l’Aveyron. J’ai appris plus tard pourquoi." En effectuant des recherches, Christian Beaumel apprendra, en effet, que Jean Dubuffet avait rendu visite à Antonin Artaud, les 4 et 9 septembre 1945, à l’hôpital de Rodez. "Il y était retourné en novembre avec Jean Paulhan pour le faire transférer dans une clinique parisienne et il s’est occupé de lui financièrement." Voilà donc ce qui liait Jean Dubuffet à l’Aveyron.

L’anti-Malraux

Christian Beaumel garde, bien évidemment, de cette expérience artistique d’excellents souvenirs. Avec l’équipe de Jean Dubuffet, il a participé à la réalisation de plusieurs sculptures, dont une commande de David Rockefeller pour la Chase Manhattan Bank de New York, le Groupe de quatre arbres, qui sera installé à New York ou le Cabinet logologique, qui trône au centre de la Closerie Falbala, création fantasque et monumentale de Dubuffet, sa plus grande œuvre. Christian Beaumel aura également la chance de travailler directement avec l’artiste sur un projet de sculpture en ciment, qui sera finalement abandonné.

Et c’est en feuilletant, un jour, l’ouvrage de Laurent Danchin, consacré à Jean Dubuffet, qu’il a vu la photo en noir et blanc (reproduite ci-dessus) sur laquelle le jeune facteur Beaumel pose avec l’artiste et son équipe, dans l’atelier de Périgny. " C’était un anarchiste, il s’est fâché avec tous les gouvernements et a même intenté un procès, qu’il a gagné, contre la régie Renault. C’était un anticulture, l’anti-Malraux, résume le septuagénaire, qui est devenu intarissable sur le sujet. Pour lui, la peinture ou la sculpture devaient venir de l’intérieur et ne pas reproduire. " Le souhait le plus cher de Christian Beaumel serait que l’on puisse présenter l’œuvre de Jean Dubuffet aux Aveyronnais, pourquoi pas lors d’une exposition au musée Soulages.

De Paris à Aubin

Nous sommes en avril 1971. Christian Beaumel, qui avait demandé sa mutation en Aveyron, obtient un poste de facteur à Aubin, où il s’installera définitivement, sur les hauteurs de Bellevue, après avoir vécu, dans les premiers temps, dans une cité de Cransac. "Quand je lui ai dit que je repartais, il m’a dit : je vous garde. Je lui ai répondu : si j’étais Parisien, je resterais mais je suis Aveyronnais et le mal du pays c’est quelque chose."

La belle et étonnante parenthèse Dubuffet étant refermée, le jeune Beaumel en ouvre rapidement une autre, rugbystique celle-là. Nous sommes en avril 1971. Dès qu’il pose ses valises dans le Bassin, le Sporting Club Decazevillois lui met le grappin dessus, après sa rencontre avec Georges Calvet, pour son déménagement. Il évolue durant deux saisons avec les "bleu et blanc", aux côtés notamment de l’international Jean-Claude Bérejnoï. En Nationale A, face au Stade Toulousain, puis l’année suivante, en Nationale B. Mais ses amis du Sud-Aveyron lui font les yeux doux et il signe à Millau, où il restera durant quatre saisons. Contre la volonté des dirigeants decazevillois qui lui opposent une licence rouge, ce qu’il mettra très longtemps à digérer. Comble du hasard, Christian Beaumel et les Millavois battent les Decazevillois, devant 7 000 personnes, à Carmaux, pour la montée en groupe B. Les années passent et Christian Beaumel, revient jouer dans le Bassin, en 1977. Non pas à Camille-Guibert, mais à quelques kilomètres de là, au Crouzet. Trois saisons plus tard, Beaumel et les Viviézois décrochent le titre de champions de France de troisième division. Assurément, l’un de ses plus beaux souvenirs rugbystiques, que l’on retrouve dans La grande histoire de l’AOV, qu’il vient de publier à l’occasion du centenaire du club viviézois.

"Ce n’est pas un gars qui parlait beaucoup. Il m’a demandé d’où j’étais. Je lui ai dit de l’Aveyron. Il m’a dit : je connais l’Aveyron. J’ai appris plus tard, pourquoi.

"Quand je lui ai dit que je repartais, il m’a dit : je vous garde. Je lui ai répondu : si j’étais Parisien, je resterais, mais je suis Aveyronnais et le mal du pays, c’est quelque chose…"

Les guerriers de l’AOV

Christian Beaumel ne garde que de bons souvenirs de sa carrière rugbystique et il a de quoi, lui qui a porté successivement les maillots de Decazeville, Millau et Viviez. "J’ai eu pas mal de chance", lâche l’ancien deuxième ligne, reconverti pilier, en feuilletant l’album où il conserve précieusement photos en noir et blanc et articles de l’époque. Sur cette photo, on le voit derrière le vaillant et regretté Alain Delagnes, plus connu sous le surnom du "Kroutchev". Les deux guerriers de l’AOV sont face aux Decazevillois Déléris et Gérard Bénazeth. Les deux clubs voisins évoluaient alors en troisième division et les zingueurs s’étaient courageusement imposés, 10 à 3, dans la gadoue du Crouzet. Alors que le Sporting était jusqu’alors invaincu. Une petite revanche pour Christian Beaumel qui avait très mal accepté la licence rouge que lui opposèrent les dirigeants decazevillois, lorsqu’il décida de signer à Millau, sa ville natale…

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