Le masque dans la rue: vrai outil de prévention ou mesure "pour rassurer"?

  • Le masque est désormais obligatoire dans la rue dans de nombreuses villes en France.
    Le masque est désormais obligatoire dans la rue dans de nombreuses villes en France. Radila Radilova / Istock.com
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Relaxnews

(AFP) - De plus en plus de villes imposent le port du masque à l'extérieur et le Premier ministre a appelé à "étendre le plus possible" cette obligation. Mais son utilité dans la lutte contre l'épidémie de Covid-19 ne fait pas consensus.

Marseille, Carcassonne, plus récemment Paris, Grenoble, et Bordeaux à partir de samedi... Face à la remontée du nombre de cas de contaminations ces dernières semaines, de nombreuses communes - 330 selon Jean Castex - imposent le port d'un masque dans la rue, notamment sur les marchés ou certaines artères très fréquentées.

"Il nous faut aller au-delà", a affirmé mardi le chef de l'exécutif lors d'un déplacement à Montpellier, annonçant l'envoi d'une circulaire aux préfets pour leur demander "de développer au maximum les endroits où il y a obligation du port du masque".

Un cran supplémentaire après l'incitation faite fin juillet par le ministre de la Santé Olivier Véran à porter le masque "si vous êtes dans une rue où il y a plusieurs personnes qui vont se balader et vous n'êtes pas sûr de pouvoir garder la distance".

Ce discours tranche radicalement avec le message des autorités en début d'épidémie. Dans un contexte de pénurie de masques, elles assuraient que cet objet était destiné aux soignants et aux malades et "inutile pour toute personne dans la rue", selon les mots du Directeur général de la Santé (DGS), Jérôme Salomon.

Le discours a évolué au fil des semaines (et des connaissances scientifiques), aboutissant à une obligation dans tous les lieux publics clos, le 20 juillet.

Mais en plein air, y a-t-il vraiment un risque de contamination?

- "geste de bon sens" -

"Le port du masque est un geste de bon sens dans les lieux bondés et lorsque la distance minimale d'un mètre ne peut être respectée", affirmait lundi le ministère de la Santé dans son communiqué de presse quotidien.

Un avis partagé par le professeur d'immunologie Jean-François Delfraissy, à la tête du Conseil scientifique: "le bon sens doit guider les décisions. Dans la rue bondée d'une station balnéaire, le port du masque s'impose", estimait-il dimanche dans le Journal du dimanche, disant toutefois préférer "l'incitation" à la coercition.

"Si on se tient à une distance respectable, un à deux mètres, ça devrait être suffisant, mais le Premier ministre a raison de dire qu'il y a des zones bondées, où (...) on n'arrive pas à tenir les distances sociales, et c'est évidemment là que le port du masque est vraiment indispensable", a observé mardi sur RTL Anne-Claude Crémieux, infectiologue à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP).

"En extérieur, il y a un tel brassage d'air qu'on n'arrive pas à une concentration virale suffisante pour être infectieuse", juge toutefois Martin Blachier, médecin de santé publique interrogé par l'AFP.

Les études épidémiologiques montrent que les foyers de cas groupés ("clusters") surviennent quasi exclusivement dans des lieux clos et permettent d'estimer que le risque de contamination est environ 20 fois plus élevé à l'intérieur qu'à l'extérieur, ajoute le codirigeant de la société de conseil Public Health Expertise. 

"C'est une décision politique et pas de santé publique, pour dire +nous prenons toute la mesure de cette épidémie+", a aussi estimé auprès de l'AFP Yonathan Freund, craignant que cette mesure que "rien ne justifie scientifiquement" crée "de la méfiance dans la population".

- "Pari psychologique" -

"Il est impossible de savoir si l'effet" du port du masque à l'extérieur "est réel", car il ne serait "pas éthique" de tester cette hypothèse en conditions réelles, ajoute par ailleurs Michaël Rochoy, médecin généraliste membre du collectif Stop Postillons, qui préconise depuis le mois de mars une utilisation plus large du masque dans la lutte contre le coronavirus.

"Mais face à un risque nul" lié au port du masque lui-même, "la décision mérite d'être prise dans les lieux les plus denses, où il y a le plus de concentrations de gens", a-t-il expliqué à l'AFP.

Le médecin se montre aussi prudent face au peu de contaminations à l'extérieur officiellement recensées: "lorsque vous vous contaminez dans la rue, il est très difficile de le savoir: ce n'est pas un lieu unique, vous n'y croisez pas les mêmes personnes plusieurs heures d'affilée", alors que lors de la détection de plusieurs cas dans une même entreprise, il est très probable que la contamination ait eu lieu dans ces locaux.

Au-delà de l'aspect scientifique, certains maires pointent l'intérêt psychologique d'une telle mesure: "c'est une mesure qui vise à rassurer" la population, "pour dire qu'on peut sortir, on peut aller dans un commerce, on peut déambuler", a ainsi argumenté sur la chaîne locale  Eric Fournier, maire de Chamonix-Mont-Blanc (Haute-Savoie), qui a opté le 3 août pour le masque obligatoire dans le centre-ville.

Un "pari psychologique" risqué, selon Martin Blachier, car les réfractaires au port du masque pourraient être au contraire tentés "de se retrouver en intérieur", dans des lieux privés où le port du masque ne peut pas être contrôlé et où le risque de contamination est bien plus élevé.

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