Rieupeyroux : Charlie Hebdo au cœur du festival de cinéma
Lors de la préparation du festival de cinéma, l’association "Rencontres… à la campagne", en partenariat avec la Maison de la Laïcité, décide de programmer la lecture spectacle "Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes". C’est en février que cela est acté, bien avant l’actualité de ces derniers jours. "Il faut que la parole de Charb soit entendue. Donc la date est maintenue." Marika Bret, chargée des ressources humaines à Charlie Hebdo, était donc présente, de même que le metteur en scène Gérald Dumont.
Gérald Dumont, du théâtre K, monte sur scène pour jouer "Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes", et explique son émotion à remonter sur les planches pour ce spectacle. Un an sans pouvoir le jouer, vu le contexte, et de nombreuses dates annulées par décision des organisateurs. Le comédien amorce le spectacle des dessins animés de Charb, "3min24 d’humour raffiné et de bon goût", comme il se plaît à décrire l’humour grinçant du dessinateur.
Charlie Hebdo, racisme, islamophobie, judéophobie, christianophobie, athéophobie, tout y passe, en définition, en différence, en exemple souvent illustré par des dessins et des propos de Stéphane Charbonnier. Suivront la lecture spectacle et les questions du public, après une ovation pour sa performance.
Comment s’est monté ce projet ? Gérald Dumont reçoit en cadeau le livre posthume de Charb, le lit et ressent le besoin de le faire partager "pas par coup de cœur mais par coup de gueule". Le spectacle se monte en à peine trois semaines. Ce spectacle est-il joué devant des jeunes adultes ? "Difficilement", avoue Gérald Dumont. "Les universités annulent les représentations. Il y a un processus d’approbation de la hiérarchie scolaire, et des syndicats d’étudiants qui en demandent la censure. La pseudo-raison : Charb est raciste et distille la haine."
Après avoir discuté avec la population locale et la municipalité, Marika Bret ressent, quant à elle, "l’attachement viscéral à nos principes républicains" et salue le courage de l’association "Rencontres… à la campagne". Elle espère ainsi que ce genre d’initiatives sera suivi et que le spectacle continuera à se produire. Elle saluera également le service de sécurité, "qui la protège, elle et nos libertés".
Cette représentation revêt évidemment un caractère particulier, au vu du procès où onze accusés présents et trois par contumace seront jugés dans l’affaire de "la tuerie barbare islamiste Charlie Hebdo" comme le nomme Marika Bret (débuté le 2 septembre mais initialement prévu en mai dernier). "Ce n’est pas le procès des seconds couteaux. Moi, je l’appelle le procès des portes flingues", réplique-t-elle. Le 2 septembre, Al-Qaïda a menacé, de nouveau, Charlie Hebdo après la nouvelle publication des caricatures de Mahomet, titré "Tout ça pour ça". Au grand dam de Marika Bret, cette "une" ne sera pas diffusée dans les médias, seulement dans certains par solidarité. La question qu’elle pose haut et fort : "Qui veut tuer Charb une seconde fois ?".
Bret : " Je continue le combat..."
"J’ai toujours été une militante laïque et féministe. Aujourd’hui, je fais de la transmission de mémoire pour les hommes et les femmes morts pour notre liberté. Je continue le combat avec l’œuvre de Charb. Je connais ses parents depuis 30 ans, et je leur dois ça, à eux, à leur fils." Marika Bret veut défendre la liberté d’expression où, précise-t-elle, "le droit au blasphème, appelez ça comme vous voulez". "Animée par la rage", elle déplore le fait qu’"on fait un pas un arrière car le débat public est insupportable. On en est encore à "tu m’offenses, excuse-toi !". J’accuse les politiques et les médias d’avoir été hyperlâches et d’avoir mis la poussière sous le tapis."
"Aujourd’hui, Charlie Hebdo vit encore. Il est ressorti de 2015 comme il a pu. Nous travaillons dans un blockhaus, à une adresse anonyme sous bonne garde, et suivis H24 par des agents de sécurité. On travaille "normalement", autour de la table lors des journées de rédaction avec Riss, directeur de Charlie Hebdo, et la capacité de rire ensemble, de s’engueuler ensemble. En 2015, j’étais aux ressources humaines. Après ce 7 janvier 2015, il a fallu que chacun se reconstruise et retrouve l’énergie de continuer. Il a fallu retrouver le collectif et y donner un sens."
"Me revoilà dans le rôle de lanceuse d’alerte, mais je garde espoir." Charb disait : "J’ai moins peur des extrémistes que des laïques qui se taisent. Une seule réponse à cette barbarie : c’est un non, un non clair et point à la ligne."
Marika Bret a confié les mots de soutien envoyés par un ado, il y a quelques jours : "Bon courage. Expliquez-leur."
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