Aveyron : le Département lève le pied sur le retour aux 90 km/h

Abonnés
  • Pas sûr que la valse des panneaux reprenne de sitôt…
    Pas sûr que la valse des panneaux reprenne de sitôt… Repro CPA
Publié le
François Cayla

Le conseil départemental a pour l’instant gelé le processus de changement de la limitation de vitesse sur les routes aveyronnaises.

Dès le printemps 2019, Jean-François Galliard, président du conseil départemental de l’Aveyron, s’était positionné de manière radicale pour un retour aux 90 km/h sur les routes aveyronnaises, prenant ainsi le contre-pied de la mesure gouvernementale des 80 km/h appliquée à tout le pays au 1er juillet 2018. Un an et demi plus tard, les panneaux "90", conservés à dessein, restent sagement stockés dans les ateliers des services techniques du Département, tandis que leurs homologues estampillés "80" pourraient bien encore avoir de beaux jours devant eux.

Peu loquace sur le sujet, Jean-François Galliard n’en maintient pas moins le cap, plus ou moins. "Oui, nous avons bien dit que nous reviendrions aux 90 km/h au début de cet été, confirme le patron du Département. Mais entre la décision et aujourd’hui, il y a eu et il y a encore la crise sanitaire. Dans ce contexte difficile, ce dossier n’est pas prioritaire. Il y a des choses qui sont plus importantes à gérer, à mettre en œuvre. Nous n’avons pas abandonné le retour aux 90 km/h, même si je suis aujourd’hui moins convaincu qu’hier. Si on le fait, je ne sais pas quand ce sera."

Pour mémoire, 900 km de routes départementales avaient été identifiés en début d’année comme susceptibles de repasser à 90 km/h ; 900 km, "seulement", sur les 6 000 que compte le réseau départemental. Cette jauge relativement basse peut s’expliquer, notamment, par une circulaire gouvernementale envoyée aux préfets le 15 janvier 2020, juste après la promulgation, fin décembre 2019, de la Loi d’orientation des mobilités (LOM) qui permet aux conseils départementaux de déroger à la limitation des 80 km/h.

Des craintes fondées ou pas

Dans cette circulaire, il est stipulé que les départements doivent solliciter l’avis consultatif de la Commission départementale de sécurité routière (CDSR), présidée par le préfet, et composée de représentants de l’État, d’élus locaux et d’associations. Mais il est également indiqué les conditions auxquelles doivent répondre les tronçons de route candidats à un retour aux "90". Des tronçons qui doivent ainsi proposer un linéaire d’au moins 10 km ; qui ne doivent pas présenter d’arrêts de bus ; qui ne doivent pas être fréquentés par des engins agricoles ; qui ne doivent pas avoir de croisements autorisant de tourner à gauche ; qui ne doivent pas être traversés par des chemins de grande randonnée ou des pistes cyclables ; qui ne doivent pas présenter d’obstacles non protégés sur 4 mètres en bord de chaussée ; qui doivent présenter des accotements stabilisés sur 1,5 mètre minimum…

En prime, les dépassements ne sont pas autorisés sur les tronçons réaménagés à "90" et cette "interdiction" doit être matérialisée par deux bandes blanches avec alerte sonore.

Le contenu de cette circulaire n’aurait pas de caractère coercitif. Mais les craintes, fondées ou pas, et les doutes qui peuvent encore régner autour de ces dérogations et préconisations, n’en ont pas moins freiné les ardeurs de nombreux élus départementaux (lire par ailleurs).

Le tout est que le département de l’Aveyron ne semble plus très pressé de revenir sur la loi de juillet 2018.

Ce que confirment de manière informelle les services préfectoraux, qui n’ont été saisis d’aucune demande qui irait dans le sens d’un retour aux 90 km/h. Le processus semble bien être au point mort.

Faire marche arrière, oui mais…

À l’image de l’Aveyron, près de cinquante départements français ont annoncé courant 2019 leur intention de revenir à la vitesse de 90 km/h sur le réseau des routes départementales. À l’opposé, une quarantaine a d’emblée dit n’avoir aucune intention d’abandonner les 80 km/h.
À ce jour, moins de la moitié des « réfractaires aux 80 » est passée à l’acte. Selon des données nationales collectées au début de l’été, 17 départements, ce qui représente 15 000 kilomètres de routes concernées (sur les 400 000 identifiés en France), sont effectivement repassés aux « 90 » Mais la répartition des tronçons est très inégale d’un territoire à un autre.
Dans le Bas-Rhin, par exemple, seuls 54 kilomètres sont concernés, contre 4 000 en Corrèze, soit le département qui a le plus massivement basculé vers le « 90 », suivi sur ce terrain par le Cantal, avec 3 250 kilomètres. Et si la Lozère s’ajoute depuis cette semaine à la liste, beaucoup semblent désormais hésiter à franchir le cap.
Décision politique à assumer
D’abord, selon les Ligues contre la violence routière, parce que les 80 km/h seraient peu ou prou entrés dans les habitudes des conducteurs. Mais, aussi et surtout, parce que la directive gouvernementale publiée sur le sujet en janvier 2020 a refroidi plus d’un élu. Une directive qui indique déjà que les départements doivent demander une dérogation pour chaque section de voie appelée à revenir aux « 90 », en se présentant pour ce faire devant la Commission départementale de sécurité routière (CDSR), présidée par le préfet. La CDSR est clairement invitée par l’État à donner un avis défavorable dès lors que les sections en question présentent un élément jugé défavorable (lire ci-dessus).
Même s’ils n’ont apparemment qu’un caractère « indicatif », ces « éléments de condition » ont cristallisé les craintes des élus départementaux. Car les recommandations qui accompagnent le retour aux 90 km/h, tout en ne relevant donc pas d’une « contrainte juridique », n’en demeurent pas moins lourdes de conséquences éventuelles pour les conseils départementaux.
« Les départements peuvent passer outre ces recommandations, mais c’est une décision politique qui sera à assumer vis-à-vis du gouvernement et des usagers », indiquait-on dans les couloirs du ministère de l’Intérieur en début d’année. Sans parler d’un glissement des risques juridiques vers les départements, sachant que, dans certains territoires qui ont basculé vers les « 90 », des recours ont déjà été déposés devant les tribunaux administratifs par les Ligues contre la violence routière.
Autre élément « dissuasif » pour les élus locaux, le texte de la circulaire gouvernementale rappelle que les gestionnaires des voiries concernées (conseils départementaux pour la plupart) devront financer et installer eux-mêmes les équipements dédiés, notamment les panneaux signalant le relèvement à 90 km/h au début de chaque section et après chaque intersection, ainsi que, à la fin du tronçon, ceux qui indiquent la nouvelle vitesse maximale. D’où quelques dizaines ou centaines de milliers d’euros à investir par la collectivité.
Quoi qu’il en soit, à l’échelle du pays et à travers des choix pour le moins erratiques, les limitations de vitesse d’un département à un autre, voire même sur le territoire d’un seul et unique département, peuvent désormais être difficiles à appréhender. D’où les conseils des forces de l’ordre, qui invitent les automobilistes à être très attentifs à la valse des panneaux.
 

Le Cantal à vitesse constante

La directive gouvernementale de janvier 2020 n’a pas dissuadé tout le monde, à l’image du département du Cantal. Le président du conseil départemental Bruno Faure, même placé devant toutes ces problématiques technico-administratives, a continué à parler d’un « retour forcé aux 90 que nous assumerons ». Chose faite depuis le 1er février dernier. Quant à se prononcer sur l’aspect de responsabilité des présidents de départements en cas d’accident grave, Bruno Faure se contentait de répondre à l’époque : « Nous sommes déjà responsables de ce qui se passe sur nos routes départementales. Cela ne change rien. »
 

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (3)
Bernard Clermont Il y a 3 années Le 06/10/2020 à 11:53

L 'Aveyron est un grand département assez isolé des grands axes il serait utile d'en accélérer la traversée, au moins sur les axes principaux Nord sud comme le RD 921 et Est ouest la RN 88 .
Le Nord Aveyron est assez éloigné de Rodez, on préfère se rendre dans le Cantal ou le 90 est permis !

babar Il y a 3 années Le 03/10/2020 à 11:17

Les élus de la république en mocassins du département freinent des 4 fers le doigt sur la couture du pantalon. On ne sait jamais une promo pourrait arriver.

Altair12 Il y a 3 années Le 03/10/2020 à 09:59

Covid ou pas certains départements comme l'Hérault sont revenus aux 90 et cela fonctionne très bien !
Faut-il penser que certains conseils généraux sont plus courageux, plus dynamiques ou plus soucieux de la volonté de leurs administrés que d'autres ?