Rieupeyroux. Six personnages en quête de spectateurs

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  • Grégory Nardella dans la rôle de l’inspecteur et dans celui de la mère de la victime. Grégory Nardella dans la rôle de l’inspecteur et dans celui de la mère de la victime.
    Grégory Nardella dans la rôle de l’inspecteur et dans celui de la mère de la victime.
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CORRESPONDANT

La compagnie Faux Magnifico se produisait en salle pour la première fois depuis le confinement, vendredi 9 octobre, sur la scène de Rieupeyroux, avec Nature morte dans un fossé. Belle performance d’acteur que ce spectacle à six personnages joué par un seul acteur, Grégory Nardella, et belle performance pour le centre culturel, qui a vu la salle se remplir – dans le respect des règles en vigueur – de spectateurs avides de retrouver une culture malmenée depuis la crise sanitaire.

Adapté d’une pièce de Fausto Paradivino, le spectacle, monté par Toni Cafiero, permet de suivre une enquête policière au travers d’une quinzaine de tableaux qui sont autant de scènes portées successivement par l’un des protagonistes de l’histoire.

Une projection d’images inspirées d’Edvard Munch

Se succèdent ainsi sur le plateau un jeune banlieusard au parler et aux mœurs relâchés, un inspecteur à la dégaine de Colombo fatigué, une mère dévastée par la perte de sa fille, un dealer qui traîne des histoires louches, une prostituée à l’accent étranger, un souteneur : au fil des heures qui suivent la découverte du corps sans vie d’une jeune femme, ils parlent d’eux, de la progression de l’enquête, d’une vie que l’on ne choisit pas toujours et qui ne fait pas de cadeaux. Théâtre à vue, le spectacle s’appuie sur une mise en scène sobre, alliant plateau sur le plateau, projection d’images en noir et blanc inspirées de dessins du peintre Edvard Munch. Des musiques variées servent de lien entre les scènes – notamment plusieurs extraits de In the mood for love, dont Yumeji’s theme, composés par Michael Galasso et Shigeru Umebayashi.

Des néons pour une ambiance de boîte de nuit, et gros réveil de gare pour symboliser le temps, qui fige à jamais les événements sur un horaire tout en poursuivant inexorablement sa course. Une casquette à l’envers, un haut de jogging, un parler des banlieues… voici le dealer ; un paréo rouge noué façon robe, une trousse de maquillage, un parler maniéré et hésitant…

Puis apparaît la pauvre immigrée devenue prostituée malgré elle ; une mante sur les épaules, cachée derrière des lunettes noires, la mère partage avec le public une souffrance viscérale, irréductible. Chemise blanche et assurance forcée, pardessus beige et cigarette au bec, rongé par un mal à l’estomac lancinant, l’inspecteur campe à lui seul le malaise d’une police surmenée. Respirations dans le spectacle, les transitions entre les scènes, rendues nécessaires par le changement de rôle, permettent la distanciation, marquée encore plus fortement par le mot "entracte" après le malaise de l’inspecteur. Non exempte d’humour , la pièce avance inexorablement vers une fin terrible.

Le fait divers, à la fois banal et unique, vient souligner l’incertitude de vies qui peuvent basculer d’une minute à l’autre, remettant en cause nos certitudes, pour nous permettre de prendre conscience de l’équilibre toujours précaire de nos existences.

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