Bozouls. Les éluGubrations du photographe Maxime Authier
Le photographe, installé à Bozouls, dévoile une série de quinze planches dans un format atypique pour donner corps à son dessein poétique.
Avec ses "éluGubrations", Maxime Authier livre son travail le plus personnel. Lui qui a (déjà) voyagé aux quatre coins du monde, à 34 ans aujourd’hui, propose une déambulation intérieure.
Quinze photos présentées le plus souvent en diptyque sur la forme pour faire réfléchir, sur le fond, à ce que la vie n’est justement pas binaire. C’est le paradoxe de la vie, à une époque où la simplification du sens tourne à la pensée unique. Maxime Authier propose " un éloge du libre arbitre, un fouillis ordonné " où la poésie, l’art, ou la création, tout cela n’étant que synonyme, invite à creuser en soi ses émotions, ses sensations.
Cette série de planches est donc l’objet " de mille interprétations ", où chacun peut y puiser son reflet, l’inverse ou tout ce qui nous dépasse. Ces "éluGubrations", symbole d’une période douloureuse pour le photographe et aventurier, ont jailli de façon instinctive, sans logique, comme de l’écriture automatique.
Faire jaillir la lumière
Et pourtant, tout fait sens. Les photos se suivent, narrant une histoire. Un conte. Peut-être un compte à régler avec la vérité qui ne peut se trouver. La vérité est dans le Léthé. Car " tout est vacuité", écrivait Melville dans Moby Dick.
Dans cette quête, Maxime jette ses ombres pour faire jaillir la lumière, et inversement. Tel est le cycle des saisons, donc de nos existences, de nos passions. Le photographe entre dans ses "éluGubrations" avec "Ancrage". Le pied pour planter le décor, avec un pied de meuble ou bien celui d’un escarpin, au sens propre. Car la femme, par nos désirs, ses contradictions, est omniprésente. "Il y a toujours de l’arrondi, de la douceur, de la volupté", précise en ce sens Maxime Authier. Oui. Tout est lugubrement élégant. Le pied est arrondi, féminin et permet de marcher vers la vie, l’envie.
On pense à Nietzsche que l’ont réduit à tort au nihilisme. "Il faut encore avoir du chaos en soi pour pouvoir enfanter une étoile qui danse." En d’autres termes, du chaos, de l’obscurité, du trou noir, jaillit la lumière, la vie. L’amour.
En tournant les pages de ses "éluGubrations", on tombe dans ses "Rêveries", dans "Le grand mystère" avec une bibliothèque grillagée. Comment atteindre le (gai) savoir ? L’artisan penseur y donne ses "Points de vue". Au-delà du message subliminal, la tête du hibou lui est vraiment apparue entre les flammes. On voit toujours des signes partout, d’autant plus quand on cherche à se raccrocher aux branches, que le moral est au plus mal, il n’empêche, la symbolique est forte. Le hibou c’est l’ermitage en quête de sagesse. Dans le fond elle est celle de Maxime. Le hibou est un guide pour s’envoler vers la liberté. "L’offre et la demande", "Lueur", "Réflexions", "Dualité", "Nuances" cheminent toujours en faisant rimer douleur et rondeur, dans l’attirant et le déroutant. Rien n’est anodin. La vie n’est pas manichéenne.
Entre gris clair et gris foncé
D’autant plus quand les sentiments s’en mêlent. Et l’on s’y emmêle tout le temps. On y voit ses serrures, l’interdit, la tentation, la quête d’harmonie aussi. D’où l’arrondi. Cela vient de la "Curiosité", la planche préférée de Maxime Authier. Dans le fond, on réfléchit, on médite, on rêve, on s’interroge, et c’est bien là l’essentiel. Cela veut dire qu’on est en voie de liberté à défaut de guérison. Maxime Authier donne à voir "entre gris clair et gris foncé" un livre photo qui n’est pas à l’eau de rose mais "le regard de la femme comme lueur d’espoir". Avec d’"Hélices" pour montrer plus que suggérer l’objet du désir à contempler. Ses "éluGubrations" font écho aux planches courbes d’Yves Bonnefoy et à René Char dont il reprend le célèbre vers "J’écris ton nom" tiré de "Liberté". Et comme tout est cyclique, reviennent la lumière, l’amour et la beauté d’où surgissent ses "éluGubrations". Belle invitation au voyage vers la liberté. Comme l’Indien qui sommeille en nous.
De Gassian à Soulages , la gestation
Les "éluGubrations" de Maxime Authier remontent bien avant le confinement. Du temps où le photographe, dans une période sombre, a accouché de ses œuvres dans un manoir dans la Creuse. Retiré comme un ermite pour mieux s’ouvrir à l’universalité. À la réflexion du moins. Ce projet est resté dans les cartons puis a connu une accélération suite à une double rencontre, fruit d’un autre projet, avorté pour l’heure, du festival photographique à Espalion. Il s’agit de la rencontre avec le photographe Claude Gassian, spécialisé dans les portraits d’icônes de la musique, qui a rapidement donné son feu vert pour accompagner Maxime Authier. Ce contact lui a ouvert les portes, et la considération, du musée Soulages à travers son directeur adjoint, Christophe Hazemann dont les photos du jeune photographe ont tout de suite fait écho à sa sensibilité artistique. "Dans cette chambre obscure, les méandres de sa psyché parlent de nous… de cadavres exquis" peut-on lire dans la magnifique préface qu’il a écrit, et qui pourrait, pourquoi pas augurer d’une présentation officielle de la création de Maxime Authier au musée Soulages… En attendant, ses "éluGubrations" composées de quinze planches, format 30x45, en série numérotée, sont en vente à la Maison du Livre de Rodez ou sur son site internet, au prix de 60 €. Cette belle création qui s’ouvre comme un triptyque avec deux fenêtres s’avère un bel objet pour les âmes sensibles.
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