Complicité d’empoisonnement d’une centenaire : accusé, un kiné de Millau conteste

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  • Me Mickaël Poilpré : "Techniquement, ce dossierne tient pas la route."
    Me Mickaël Poilpré : "Techniquement, ce dossierne tient pas la route." FB
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François Barrère

Un kinésithérapeute de Millau va-t-il être jugé aux assises pour avoir aidé un septuagénaire à empoisonner sa mère, une centenaire grabataire ? Le fils de la victime, mis en examen, s’est, quant à lui, suicidé pendant l’instruction.

Après quatre ans d’enquête au pôle criminel de Montpellier, la justice est aujourd’hui à l’heure du choix. Un choix difficile : la victime est morte, sans avoir pu être autopsiée, l’auteur s’est suicidé en cours d’enquête, et l’éventuel complice jure n’avoir été au courant de rien.

Lorsque Jeanne meurt, le 9 novembre 2014 à la maison de retraite de Nant, personne ne s’interroge : âgée de 100 ans, elle était grabataire, aveugle, et alitée depuis six ans. Mais quelques jours plus tard, son fils, Jean-Pierre, 72 ans, qui venait la voir matin et soir, et lui donnait chaque jour ses repas, s’épanche auprès d’amis : "Oui c’est vrai, j’ai tué ma mère. Si vous voulez m’amener en prison, faites-le." Il donne des détails : un médicament indétectable, mélangé à la purée qu’il a lui-même fait manger, ce soir-là, à sa maman.

Compassion ou cupidité ?

Bien que choqués, ses amis, un notaire, un huissier et un avocat, gardent le silence. Ce n’est que deux ans plus tard qu’une autre amie, après avoir pris conseil auprès d’une autorité religieuse, se décide à parler aux gendarmes.

En garde à vue puis devant le juge, Jean-Pierre renouvelle ses aveux, et explique qu’il ne supportait plus de voir sa mère dans un tel état végétatif. Mais il admettait aussi n’avoir parlé d’euthanasie avec le personnel médical. Détail gênant : Jean-Pierre, qui était tuteur de sa mère, allait en être écarté, après avoir fait des dépenses jugées injustifiées. A-t-il agi par compassion, ou par cupidité ? Jean-Pierre met aussi en cause son kinésithérapeute, avec qui il s’était lié d’amitié : ce dernier l’avait fermement dissuadé, chaque fois qu’il avait évoqué l’idée d’abréger la vie de sa mère. Pourtant, ce même kiné a accepté d’acheter en pharmacie une boîte du médicament utiliser pour tuer la centenaire : c’est cet achat, notamment, qui lui vaut d’être renvoyé aux assises, pour complicité d’empoisonnement par ascendant. Jean-Pierre, qui parlait aussi souvent de suicide avec ses proches, s’est donné la mort en août 2018, à 76 ans.

"Mon client n’a jamais été complice de quoi que ce soit", explique Me Mickaël Poilpré, l’avocat montpelliérain du kinésithérapeute aveyronnais, qui a contesté jeudi 15 octobre son renvoi aux assises, devant la cour d’appel de Montpellier. " Le médicament est en vente libre. Il coûte 2,70 €, et mon client n’a pas fait le lien entre ce produit et son nom commercial. On ne sait d’ailleurs même pas si la victime est bien morte de ça. Techniquement, le dossier ne tient pas la route, et humainement, je ne peux imaginer qu’on renvoie aux assises un citoyen exemplaire." Décision le 26 novembre.

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